Ils sont quatre musiciens classique amateurs qui se réunissent régulièrement juste pour le plaisir de jouer ensemble. Caroline, médecin généraliste, ne se remet pas d'avoir perdu ses enfants dans un accident. Son mari Jochem évacue une grande violence intérieure dans son métier de luthier. Sa meilleure amie Heleen, infirmière, est une âme bienveillante membre d'un club de correspondance avec des prisonniers. Hugo, le cousin d'Heleen, vit sur une péniche et dirige un centre culturel qui prend l'eau de toutes parts en ces temps où la culture ne reçoit plus aucune subvention. A la lisière de leur quatuor, Reinier, l'ancien professeur de Caroline et Hugo, autrefois un violoncelliste virtuose, se trouve désormais cloué chez lui par l'arthrose et la paranoïa: il sait que si on le juge inapte à vivre seul, il sera emmené dans un ces mystérieux centres où les visites sont découragées et où les pensionnaires ne font généralement pas long feu. Pendant que chacun se débat avec ses problèmes personnels, une affaire de corruption met les médias locaux en émoi...
D'Anna Enquist, une des plus importantes auteurs néerlandaises, j'avais adoré "Le retour" qui romançait l'existence de la femme du capitaine James Cook. Avec "Quatuor", on est dans un tout autre registre: un avenir proche qui semble une évolution à la fois crédible et glaçante de notre société actuelle. Mépris extrême pour la personne humaine, autorités incompétentes ou corrompues... Et telles des grenouilles plongées dans une casserole d'eau froide dont la température augmente trop imperceptiblement pour qu'elles songent à se sauver, les gens ordinaires continuent à vaquer à leurs occupations en occultant d'un haussement d'épaules fataliste les iniquités qu'on leur impose. Les quatre héros trouvent une forme de salut dans leur musique, la seule chose qui leur apporte encore une joie véritable, mais même ces moments ne sont que des éclaircies fugaces dans un quotidien plus que plombant. Bien que "Quatuor" soit un excellent roman, très bien écrit et traduit (au point qu'il semble avoir été rédigé directement en français), il appuie vraiment là où ça fait mal, et pour cette raison j'ai eu beaucoup de mal à l'apprécier.
"Incroyable que le pays soit gouverné par des individus pareils. (...) Apparemment, les gens qui veulent faire quelque chose d'utile et qui en plus ont les compétences requises n'occupent jamais ce genre de poste. Ya qu'à voir l'endormi qu'on a au ministère de la Santé, ce type n'a aucune idée de ce qu'est la maladie ou le handicap et de toute façon, ça ne l'intéresse pas. On parlait de lui l'autre soir à table, chez Heleen, la pauvre était absolument outrée des offenses infligées aux personnes qu'elle soigne. L'Etat-Providence appartient au passé, avait dit le ministre, on avait eu raison à l'époque de remplacer ce système par une logique participative: pas de soins à domicile ni de remboursements inabordables, mais de l'aide apportée par les voisins et la famille. L'approche s'est elle aussi révélée impraticable, avait-il reconnu d'un air jovial, on n'avait pas les moyens de contrôle adéquats et on sollicitait trop la population active. L'autonomie, voilà notre nouvel idéal, avait-il résumé avec enthousiasme, autonomie et responsabilisation. Chaque citoyen doit faire lui-même en sorte que la maladie ne se déclare pas. Bouger, manger sain, ne pas rester toute la journée en position assise - autant de bienfaits scientifiquement prouvés dont nous devons tous tirer profit. Tenez, moi par exemple, avait conclu le ministre, je cours dix kilomètres par jour et je ne mange pas de sucre."
"Incroyable que le pays soit gouverné par des individus pareils. (...) Apparemment, les gens qui veulent faire quelque chose d'utile et qui en plus ont les compétences requises n'occupent jamais ce genre de poste. Ya qu'à voir l'endormi qu'on a au ministère de la Santé, ce type n'a aucune idée de ce qu'est la maladie ou le handicap et de toute façon, ça ne l'intéresse pas. On parlait de lui l'autre soir à table, chez Heleen, la pauvre était absolument outrée des offenses infligées aux personnes qu'elle soigne. L'Etat-Providence appartient au passé, avait dit le ministre, on avait eu raison à l'époque de remplacer ce système par une logique participative: pas de soins à domicile ni de remboursements inabordables, mais de l'aide apportée par les voisins et la famille. L'approche s'est elle aussi révélée impraticable, avait-il reconnu d'un air jovial, on n'avait pas les moyens de contrôle adéquats et on sollicitait trop la population active. L'autonomie, voilà notre nouvel idéal, avait-il résumé avec enthousiasme, autonomie et responsabilisation. Chaque citoyen doit faire lui-même en sorte que la maladie ne se déclare pas. Bouger, manger sain, ne pas rester toute la journée en position assise - autant de bienfaits scientifiquement prouvés dont nous devons tous tirer profit. Tenez, moi par exemple, avait conclu le ministre, je cours dix kilomètres par jour et je ne mange pas de sucre."
Il n'existe qu'en numérique apparemment, vous l'avez lu dans ce format-là?
RépondreSupprimerNon, j'ai bien acheté un livre-papier dans une librairie.
RépondreSupprimerJe crois que je vais me laisser tenter, j'avais beaucoup aimé Le retour, découvert grâce à toi.
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