dimanche 24 juin 2018

"Le jardin des bonheurs égarés" (Tor Udall)


Professeur de musique, Jonah ne se remet pas du décès de sa femme dans un accident de voiture. Audrey voulait désespérément un enfant; elle avait enchaîné trois fausses couches, et il la savait dépressive. Peut-être s'est-elle suicidée? Hanté par son souvenir, Jonah passe de longues heures dans les jardins botaniques de Kew qu'Audrey aimait tant. Il y rencontre Chloé, une artiste spécialisée dans l'origami qu'un lien douloureux attache elle aussi à cet endroit. Leurs trajectoires vont croiser celles d'Harry, jardinier dévoué qui vit depuis longtemps à l'écart du monde, et de Milly, l'étrange fillette qu'il a recueillie...

Voilà un livre dont il est très difficile de parler, à la fois pour ne pas déflorer son intrigue et parce qu'il ne ressemble à aucun autre. Tor Udall, qui signe ici son premier roman, déploie une prose incroyablement maîtrisée et poétique, un vrai régal de bout en bout. Elle fait évoluer des personnages rongés par la perte dans une atmosphère paradoxalement très sereine. L'histoire se déroule avec une telle lenteur qu'elle semble parfois faire du sur-place. En réalité, il se passe mille choses sous sa surface; mille détails esquissent la personnalité et le passé des protagonistes, guidant le lecteur vers une révélation que j'ai déjà souvent vu utilisée en littérature, mais jamais de manière aussi subtile et naturelle. "Le jardin des bonheurs égarés" ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais sa beauté lancinante m'a totalement ensorcelée (et donné très envie de retourner à Kew).

Traduction de Claire Desserrey

samedi 23 juin 2018

"Presque maintenant" (Cyril Bonin)


Anna, étudiante au conservatoire, vit une histoire d'amitié fusionnelle avec Alexis, futur écrivain, et son colocataire Félix, passionné par les nanotechnologies. Attirée par les deux garçons, elle finit par se mettre en couple avec le second tandis que le premier s'enfuit en Russie. 

Quelques années plus tard, Félix a mis au point des pilules révolutionnaires qui permettent de suivre son espérance de vie en temps réel. Obsédé par sa santé et par celle d'Anna, il régente très strictement  le moindre détail de leur existence commune. Pourtant, l'enfant qu'ils désirent tous les deux n'arrive pas... 

Sorte de "Jules et Jim" mâtiné d'anticipation, "Presque maintenant" offre un point de vue très humain sur les dérives comportementales que peut engendrer le progrès scientifique, et la manière dont une découverte a priori positive finit par se retourner contre ses utilisateurs. Les lecteurs gonflés par le discours actuel en faveur d'un mode de vie toujours plus healthy devraient adorer. Attention toutefois: les couleurs éclatantes de la couverture ne se retrouvent pas du tout dans les pages intérieures où dominent des teintes jaunes plus subtiles.

mercredi 20 juin 2018

"Solitude d'un autre genre" (Kabi Nagata)


A 28 ans, Kabi Nagata est une jeune femme profondément dépressive, incapable de s'accrocher ne serait-ce qu'à un emploi subalterne à mi-temps. Depuis sa sortie du lycée, elle a été tour à tour anorexique et boulimique; souvent, elle s'automutile pour exprimer d'une façon concrète une douleur mentale invisible qu'elle peine à identifier, et l'envie de mourir la taraude constamment. Après sa dernière grosse rechute, elle a dû revenir s'installer chez ses parents qui ne la comprennent pas - alors que son besoin d'être acceptée par eux prime sur toute autre motivation. Elle souffre aussi de phobie sociale, n'a aucun ami et commence juste à comprendre qu'elle est attirée par les femmes. Par soif de contact humain et pour perdre enfin sa virginité, elle décide de faire appel à un service d'escort girls...

Oeuvre 100% biographique, "Solitude d'un autre genre" décortique la maladie mentale de l'auteure avec une franchise si complète, si brutale qu'on se sent parfois gêné en lisant. Le dessin au trait en noir et blanc simplement rehaussé de rose, aux personnages de manga classiquement kawaii, contraste très fort avec l'enfer intérieur que décrit Kabi Nagata. Même les passages un peu drôles - quand elle s'interroge sur l'attitude à avoir avec l'escort girl, notamment - restent poignants de par leur contexte. On souffre vraiment avec elle; à la fin, on se réjouit qu'elle ait pris conscience de ses propres besoins et osé aller à l'encontre des attentes de son entourage pour trouver enfin une forme d'épanouissement. Une douloureuse et pourtant très accessible quête de l'acceptation de soi, que je recommande à tous les anglophones intéressés par les thèmes de la maladie mentale et de l'homosexualité. 

Traduction de Manon Debienne

lundi 11 juin 2018

"Qu'est-ce qui monte et qui descend?" (KNL)


KNL souffre depuis toujours d'un trouble bordeline qui l'empêche de mener une vie normale et la pousse à s'automutiler. A 25 ans, elle a déjà fait plusieurs tentatives de suicide. Dans ce carnet de bord dessiné, elle raconte deux ans de sa vie entre séjours en clinique psychiatrique, nouveaux traitements et rechutes. 

Sur chaque page, des taches d'aquarelle aux couleurs vives contrastent avec la gravité de sa maladie et les aspects déprimants du quotidien en clinique psychiatrique. Heureusement, KNL est bien entourée par une solide maman poule et un amoureux présent pour le pire comme pour le meilleur. Et puis surtout, c'est une fille combattive quand elle parvient à sortir la tête de l'eau, et qui peut se raccrocher à sa passion pour le dessin. 

Les maladies mentales telles que le trouble borderline étant invisibles, la plupart des gens qui ont la chance de ne pas en souffrir peinent à se représenter combien elles peuvent être invalidantes et terribles. "Qu'est-ce qui monte et qui descend ?" ouvre une fenêtre sur la vie d'une patiente qui se dévoile avec sincérité mais non sans humour. C'est un témoignage précieux, qui apporte de l'espoir au concernés et incite les autres à l'empathie. 

On peut admirer les autres travaux de l'auteure sur son site internet.





dimanche 10 juin 2018

"Ton année parfaite" (Charlotte Lucas)


Jonathan Grief est l'héritier d'une très sérieuse maison d'édition qui lui permet de vivre de ses rentes. C'est aussi un insupportable tâtillon qui écrit presque chaque jour au quotidien local pour signaler des fautes ou se plaindre du contenu des articles. Sa femme l'a quitté, il n'a ni enfants ni amis proches, et sa vie tourne autour d'une routine bien établie. 

Le matin du 1er janvier, il se lève à 6h30 pour aller faire son jogging autour du lac. En revenant, il trouve un sac en plastique suspendu à la poignée de son VTT, et dans ce sac en plastique, un agenda de l'année à venir entièrement rempli de maximes positives et de suggestions d'activités visant à améliorer sa vie...

Surfant sur le courant de la pensée positive, "Ton année parfaite" met en scène un héros peu attachant à la base qui, au fil des mois, va s'ouvrir à la vie et aux autres en apprenant à savourer les petits bonheurs du quotidien. Sur une trame plutôt simple en apparence, l'histoire réserve quelques surprises qui lui donnent une épaisseur bienvenue. A ranger dans la catégorie "Bouquin sympa à lire pendant les vacances".

Traduction de Corinna Gepner

Merci aux Presses de la Cité pour cette lecture

vendredi 8 juin 2018

"Aspirine" (Joann Sfar)


Aspirine est vénère. Normal: ça fait trois siècles qu'elle se cogne le corps d'une fille de 17 ans et la crise d'adolescence qui va avec. Du coup, pour passer sa colère, Aspirine tue des gens. Par exemple, les gros relous qui lui demandent si elle suce et à qui elle répond oui bien sûr, là-bas dans le petit coin sombre, ils peuvent même appeler leurs copains. Ou les amants de sa soeur Josacine, cette pouffe qui avait 23 ans quand elle est devenue vampire et qui du coup peut réellement profiter de son immortalité. Rien ne peut calmer Aspirine, surtout pas les cours de philo qu'elle suit à la Sorbonne. Mais dans ces cours de philo, il y a Yidgor, un garçon pauvre et moche, fervent rôliste, qui donnerait n'importe quoi pour qu'il se passe quelque chose de magique dans sa vie...

Si je ne peux pas prétendre que j'adore tout ce que fait Joann Sfar, je suis très bonne cliente de son Bestiaire Amoureux et des aventures solo de tous les personnages de ce dernier. J'ai notamment une faiblesse certaine pour Aspirine, vampire rousse que son angoisse existentielle rend incontrôlable. Si elle se met à jouer à Warhammer et se trouve <s>un acolyte</s> un serviteur fan de l'Appel de Cthulhu, forcément, je ne peux que marcher à fond. Ce tome 1 - accessible même pour les gens qui découvriraient Aspirine seulement à cette occasion - est un délire irrévérencieux, plutôt gore et bien barré dans l'ensemble, mais avec une trame narrative cohérente qui forme une histoire complète en soi. Raide dingue des dessins où l'on voit Aspirine survoler un Paris endormi, j'espère qu'il ne faudra pas attendre des années pour le tome 2. 

Merci aux éditions Rue de Sèvres pour cette lecture

jeudi 7 juin 2018

"The memory shop" (Ella Griffin)


A la mort de ses grands-parents bien-aimés, Nora Malone rentre à Dublin pour vendre leur maison et tous les trésors qu'elle contient. Elle ne compte rester que quelques jours avant de regagner Londres où l'attendent son fiancé Adam et son boulot de décoratrice. Puis, se retrouvant subitement célibataire et sans emploi, elle a l'idée d'ouvrir une boutique afin de chercher le propriétaire idéal pour chacun des objets auxquels sont rattachés tant de souvenirs...

Comme on parle de comfort food, on devrait utiliser l'étiquette de comfort books pour ces livres un tout petit peu trop graves pour être qualifiés de feel good. C'est le cas de "The memory shop", dont les personnages présentent à peu près toute la gamme des drames intimes: veuvage prématuré, kleptomanie, violences domestiques, conjoint infidèle, passé d'alcoolique ou de droguée... Mais grâce à la boutique tenue par Nora, tous vont apprendre à chérir leurs souvenirs sans laisser ceux-ci les empêcher d'avancer. 

J'ai aimé me représenter les merveilles de Lainey, la grand-mère de Nora, et découvrir petit à petit son histoire tragique à travers elles. J'ai aimé la description des vitrines magiques que Nora crée afin de les mettre en valeur. J'ai aimé que l'auteure utilise une des citations les plus célèbres de Leonard Cohen et l'art japonais du kintsukuroi pour illustrer une certaine philosophie de vie. J'ai aimé l'aspect choral de ce roman, où des individus malmenés par la vie comme nous le sommes tous passé un certain âge tissent des liens forts qui finissent par les guérir. J'ai aimé la chaleur sincère qui se dégage de ces pages, la sérénité qu'on éprouve en voyant les protagonistes se réconcilier avec leur passé et en faire le socle d'un avenir plein de promesses. J'ai aimé tout court. 


mercredi 6 juin 2018

"Les beaux étés T4: Le repos du guerrier" (Zidrou/Jordi Lafebre)


Nous sommes en 1980. Comme chaque année, les Faldérault, originaires de Mons, partent en vacances dans le sud de la France à bord de Mam'zelle Estérel, la 4L familiale. Mais cette fois, plusieurs nouveautés se profilent. D'abord, Pierre, dessinateur de bédé, est exceptionnellement à l'heure pour rendre ses planches, et il ne retardera pas le départ de la smala. Ensuite, Jean-Manu, le petit ami de Nicole, les accompagne dans leur périple. Enfin: fini le camping! Pierre et son frère ont acheté une résidence secondaire "clé sur la porte". Chacun rêve déjà du confort inédit dans lequel il va pouvoir se prélasser. Mais à l'arrivée, une drôle de surprise les attend...

Déjà le 4ème tome des aventures estivales de cette sympathique famille belge - et, à mon humble avis, c'est le meilleur de tous. Peut-être parce qu'à force de les suivre, on s'est tellement attaché aux personnages qu'on a un peu l'impression d'être un Faldérault honoraire. On a vu grandir leurs quatre enfants; on connaît leurs sujets de chamaillerie et leurs rituels; on se sent entraîné par leur dynamique brouillonne et chaleureuse. Bref, on se glisse dans cette lecture comme on retrouve un lieu de vacances bien-aimé d'une année sur l'autre. Si l'humour est toujours au rendez-vous, cette fois, une petite pointe de nostalgie préventive vient s'y mêler: Julie-Jolie et Nicole sont grandes désormais, et on sent que cet été en famille pourrait bien être l'un des derniers. D'ailleurs, les auteurs nous gratifieront au mois de novembre d'un tome 5 dont l'action se déroulera... pendant les vacances de Noël 1979. Ce qui vous laisse largement le temps de vous mettre à jour si vous n'avez pas encore dévoré cette série merveilleusement feel-good. Ma critique du tome 1 est ici.

mardi 5 juin 2018

"Girl made of stars" (Ashley Herring Blake)


Mara vient de rompre avec sa petite amie Charlie, et même si c'est elle qui a pris l'initiative, elle ne le vit pas très bien. Mais les relations amoureuses sont très compliquées pour la jeune fille depuis qu'elle a été victime d'une agression trois ans plus tôt. Or, au lendemain d'une soirée lycéenne arrosée, son amie Hannah accuse Owen, le jumeau de Mara, de l'avoir violée. Mara ne veut pas croire que son frère, son double, ait pu faire une chose pareille, mais elle sait qu'Hannah ne mentirait pas sur un sujet aussi grave, et surtout, elle souffre trop de s'être tue elle-même à l'époque de crainte qu'on ne la croie pas...

Sous une couverture très poétique, "Girl made of stars" aborde un sujet douloureux avec énormément d'empathie et de justesse. Mara se retrouve dans une situation impossible, coincée entre son amour pour son frère, que leurs parents soutiennent à fond, et son amitié pour Hannah dont le traumatisme fait écho au sien. D'autant que la jeune fille est une féministe féroce, très engagée dans la lutte contre le sexisme et le patriarcat, qui ne supporte pas de voir ses camarades de classe prendre automatiquement le parti d'Owen et traiter Hannah de traînée. 

La manière dont l'auteure traite toute l'affaire est si réaliste qu'en tant que lectrice, j'ai été prise de nausée et de rage impuissante. Owen, ado ordinaire pas spécialement macho ou agressif, ne se rend même pas compte de ce qu'il a fait, et on comprend assez vite qu'il n'y aura aucune conséquence pour lui, tandis qu'Hannah sera condamnée à vivre toute sa vie avec le souvenir de ce viol impuni et à faire avec dans une société qui considère encore et toujours les victimes comme les coupables. 

A côté de ça, j'ai beaucoup apprécié la façon dont l'auteure dépeint la bisexualité de Mara - même si je doute que beaucoup d'adolescent(e)s soient aussi à l'aise avec cette orientation que l'héroïne du roman. D'ailleurs, son ex-petite amie Charlie, qui est gender queer, a bien du mal à se définir et à assumer vis-à-vis de ses parents. Globalement, les personnages de lycéens sont tous très réussis, complexes et attachants - à l'exception d'Owen, qu'on ne voit jamais qu'à travers les yeux de sa soeur alors qu'on aimerait savoir ce qui se passe dans sa tête et s'il est vraiment aussi basique qu'il en a l'air. 

J'espère que "Girl made of stars" sera traduit en français très bientôt: c'est un roman remarquable sur la culture du viol, avec une énorme valeur humaine et éducative, à mettre entre les mains de tous les ados. 

lundi 4 juin 2018

"Les jours de ton absence" (Rosie Walsh)


Fraîchement divorcée de l'époux californien avec qui elle avait fondé une association caritative d'aide aux enfants hospitalisés, Sarah rentre dans la campagne anglaise où elle a vu le jour afin de passer un peu de temps avec ses parents. Le jour anniversaire de l'accident de voiture qui lui a enlevé sa petite soeur bien-aimée, elle croise un homme en train de parler à un mouton dans un champ. Entre Eddie et elle, c'est le coup de foudre. 

Ils passent sept jours enfermés dans la grange convertie où habite ce menuisier. Lorsqu'ils doivent se séparer brièvement, ils savent déjà qu'ils sont fait l'un pour l'autre et ne conçoivent plus le reste de leur vie qu'ensemble. Sauf que... après ça, Eddie disparaît. Il n'appelle pas Sarah comme il avait promis de le faire et ne réagit à aucune de ses tentatives de contact. Certaine qu'il lui est arrivé quelque chose, la jeune femme remue ciel et terre pour le retrouver...

Les histoires d'amour, ce n'est pas du tout mon truc, mais je suis toujours intéressée par un bon mystère et la promesse d'un twist final. Sauf que là, le twist, je l'ai vu venir très vite, d'autant que j'étais déjà tombée sur le même dans un bouquin lu la semaine précédente. J'ai un peu pesté intérieurement et hésité à interrompre ma lecture, mais le style de Rosie Walsh était suffisamment agréable pour que je poursuive. Et j'ai bien fait, car au final, l'auteure a réussi à me prendre au piège de mes propres suppositions. Je n'ai pu qu'admirer rétrospectivement la manière dont elle s'y était prise. 

Par ailleurs, même en faisant abstraction de son ressort romanesque majeur, qu'on peut trouver plus ou moins crédible, "Les jours de ton absence" présente plusieurs situations difficiles tout à fait réalistes avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, d'une manière qui invite à la compassion sans jugement. Un roman et une auteure à découvrir. 

Traduction de Caroline Bouet

dimanche 3 juin 2018

"Le rêve de Ryôsuke" (Durian Sukegawa)


Le père de Ryôsuke s'est suicidé quand il était petit. Depuis, ce jeune homme de 28 ans traîne un mal-être indéfinissable qui menace souvent de le submerger. Un jour, il répond à une petite annonce pour aller faire des travaux de terrassement sur Aburi, une île rocheuse desservie par un seul ferry hebdomadaire et sur laquelle il n'y a pas de réseau. Deux autres jeunes gens ont été embauchés avec lui, et tous trois se heurtent très vite à l'hostilité des habitants gouvernés d'une main de fer par un homme que tout le monde appelle le Président. Malgré des conditions de vie difficiles, Ryôsuke est étrangement séduit par Aburi, sa nature sauvage et les chèvres qui la peuplent. Au point qu'il décide de reprendre à son compte le rêve de son père en s'essayant à la fabrication de fromage...

J'avais beaucoup aimé le précédent roman de l'auteur, "Les délices de Tokyo", qui a connu un gros succès de librairie et fait l'objet d'une adaptation cinématographique très réussie. Ici aussi, Durian Sukegawa met en scène un héros à l'aube de la trentaine qui cherche sa voie et qui finit par la trouver dans la préparation d'un aliment. La ressemblance s'arrête ici. "Le rêve de Ryôsuke" se déroule sur une île presque oubliée par le temps, où la technologie est réduite au minimum, où les gens entretiennent des coutumes archaïques et où seules la chasse et la pêche permettent de se nourrir au quotidien. Ryôsuke, qui s'est vite attaché aux chèvres, a beaucoup de mal à accepter la nécessité d'en tuer certaines, et encore plus de mal à le faire lui-même. Sa confrontation avec une nature primitive va le réconcilier avec son passé et tracer pour lui l'ébauche d'un chemin de vie. Un beau roman contemplatif et intimiste.

Traduction de Myriam Dartois-Ako