jeudi 26 mai 2016

"Les derniers jours de Rabbit Hayes" (Anna McPartlin)


Mia Hayes, surnommée Rabbit par tous ses proches, arrive au centre de soins palliatifs où elle va bientôt finir ses jours. Bien qu'elle n'ait que 40 ans et un féroce appétit de vivre, le cancer du sein qu'elle croyait avoir vaincu quelques années plus tôt est revenu en force, métastasant dans son foie, ses poumons et ses os. Alors, sa famille et ses amis se rassemblent autour d'elle pour lui dire au revoir...

Bon, présenté comme ça, il est certain que ça n'a pas l'air gai. D'ailleurs ça ne l'est pas, malgré de beaux moments d'humour noir irrévérencieux comme je les aime. Accompagner vers la mort une personne aimée encore jeune et qui souffre, ou se trouver soi-même dans cette position, c'est sans doute le pire cauchemar de beaucoup de gens. De ce postulat tragique, Anna McPartlin réussit pourtant à tirer un roman lumineux où l'amour l'emporte sur la douleur.

C'est que de l'amour, il y en a à revendre dans cette famille irlandaise, même si ça n'empêche pas Rabbit et sa mère de s'engueuler parce que l'une est farouchement athée et l'autre Catholique fervente. Grace, la soeur aînée qui a eu quatre garçons et peine à gérer le pré-diabète du petit dernier, se demande comment faire de la place dans sa maison déjà pleine à craquer à sa nièce bientôt orpheline. Davey, le frère batteur qui a réussi dans son métier mais jamais eu de relation amoureuse de plus de quatre mois, accourt en lâchant la tournée américaine d'une star de la country. Molly et Jack, la mère fonceuse et le père taiseux, refusent de croire leur benjamine perdue et se battent pour lui trouver un traitement expérimental. Juliet, douze ans, brave petit soldat qui prend soin de sa mère au quotidien depuis des années, est persuadée que Rabbit sera bientôt guérie et attend son retour à la maison encore plus impatiemment que ses premières règles.

Au-dessus d'eux tous plane l'ombre de Johnny, le très talentueux et très charismatique chanteur de l'ancien groupe de Davey qui fut aussi le premier amour de Rabbit. Au fil des jours, ses souvenirs s'égrènent et son histoire fait douloureusement écho à celle de l'héroïne, lui apportant une perspective et une épaisseurs poignantes. J'ai juste regretté que le blog sur le cancer de Rabbit ne soit mentionné que quelques fois en passant; il me semble qu'il aurait soit fallu l'intégrer davantage à la narration, soit l'oublier complètement. Ce détail mis à part, "Les derniers jours de Rabbit Hayes" est un roman très réussi, pas une leçon de vie et de mort mais une de ces fictions qui nourrissent l'âme et éventuellement la réflexion. Moi, en tout cas, malgré son sujet difficile, il m'a fait beaucoup de bien.

lundi 23 mai 2016

"Les ferrailleurs T1: Le château" (Edward Carey)


Au milieu d'un océan de détritus composé de tous les rebuts de Londres se dresse la demeure des Ferrayor. Le Château, gigantesque puzzle architectural, abrite cette étrange famille depuis des générations. Selon la tradition, chacun de ses membres, à la naissance, se voit attribuer un objet particulier qui le suivra toute sa vie. Clod a quinze ans et possède un don singulier: il est capable d'entendre parler les objets... Tout commence le jour où la poignée de porte appartenant à Tante Rosamud disparaît. Les murmures des objets se font de plus en plus insistants. Dehors, une terrible tempête menace. Et voici qu'une jeune orpheline se présente à la porte du Château...

J'avoue: ce roman est une entorse à ma règle "Pas d'achats de livres en mai". Mais je suis passée à la Fnac la veille d'un voyage en train de 7 heures, alors que j'avais déjà épuisé toute la lecture emportée à l'aller, et l'illustration de couverture m'a fait de l'oeil - sans parler de sa texture légèrement gaufrée. Je ne regrette absolument pas mon craquage. "Les ferrailleurs" s'annonce dans ce tome 1 comme une série à nulle autre pareille, même si on peut lui trouve une parenté avec "les délices steampunk d'Otomo ou de China Miéville, féerie machinique peuplée de cauchemars gothiques", pour reprendre les mots de François Angelier.

Dans une atmosphère lugubre à souhait évoluent deux adolescents orphelins qui racontent l'histoire tour à tour: Clod Ferrayor, garçon en culotte courte au physique peu avantageux, souffre-douleur de ses cousins plus robustes, et Lucy Pennant, servante rousse et rebelle qui refuse d'oublier son vrai nom ou d'accepter qu'elle est condamnée à ne jamais sortir du Château. Quelques témoignages éclairants d'autres domestiques et membres de la famille Ferrayor viennent se mêler à leur récit croisé, illustré de dessins réalisés par Edward Carey.

J'ai adoré l'idée selon laquelle chaque habitant du Château possède un "objet de ses jours", cadeau de naissance qui en dit long sur sa personnalité et dont le contact se révèle aussi intime qu'un acte sexuel. Mais ce n'est que l'un des éléments qui contribuent à bâtir un univers très singulier, repoussant et fascinant en égale mesure. L'intensité dramatique ne faiblit jamais tout au long de ce tome 1, et la fin spectaculaire (il y aurait moyen d'en tirer une fabuleuse adaptation au cinéma) donne très envie d'enchaîner immédiatement sur le tome 2. Une belle découverte.

samedi 21 mai 2016

"Les Salauds Gentilshommes T3: La république des voleurs" (Scott Lynch)


Empoisonné à la fin du tome 2, Locke Lamora se meurt malgré tous les efforts de son fidèle compagnon Jean Tannen. C'est alors que surgit Patience, une Mage-Esclave qui leur propose un marché. Elle sauvera Locke s'il consent faire campagne pour l'un des deux principaux partis politiques qui, tous les cinq ans, se disputent les 19 sièges du Konseil de Karthain. Mais ce n'est pas tout: pour l'empêcher de gagner, l'opposition a embauché au même poste une certaine Sabetha Belacoros, voleuse émérite et surtout grand amour perdu de Locke...

Cinq ans se sont écoulés entre la parution des tomes 2 et 3 de cette série de fantasy, six ans durant lesquels l'auteur a lutté contre la dépression. A cela, il faut ajouter que j'ai gardé "La république des voleurs" trois ans dans ma PAL, alors que j'avais adoré les "Les mensonges de Locke Lamora" et "Des horizons rouge sang". L'intuition, peut-être - car j'ai été fort déçue par ce tome. 

Si Scott Lynch reprend sa structure habituelle consistant à mener en parallèle une histoire de la jeunesse des Salauds Gentilshommes et une histoire du présent de Locke, cette fois, la ville dans laquelle il envoie son héros n'est pas un dixième aussi fascinante que Camorr et Tal Verrar précédemment. Au lieu des arnaques incroyablement complexes qui faisaient tout le suspens des deux premiers tomes, il ne nous offre ici qu'une série de ruses minables et de manoeuvres d'intimidation sans intérêt. La fameuse Sabetha, dont on avait beaucoup entendu parler sans jamais la voir, se révèle incroyablement crispante, une emmerdeuse de première devant laquelle Locke se change en toutou pitoyable. Leur relation à peu près réaliste dans la partie de l'histoire où ils sont adolescents devient carrément pénible une fois qu'ils sont devenus adultes, et prend toute la place au détriment du scénario ou du développement des personnages secondaires. 

Restent malgré tout l'écriture plaisante de Scott Lynch, ses dialogues sarcastiques à souhait, ses insultes colorées et étonnamment crues, et surtout l'espoir qu'il redresse la barre dans les prochains tomes. Après que sa sortie ait été repoussée plusieurs fois, "The Thorn of Emberlain" devrait paraître en septembre de cette année. Un peu échaudée par "La république des voleurs", j'attendrai sans doute sa sortie en poche pour l'acheter. 

mardi 17 mai 2016

"Notre univers en expansion" (Alex Robinson)


Scott attend son deuxième enfant et prêche les joies de la parentalité tout en trompant sa femme qui ne manifeste plus assez d'enthousiasme pour le sexe. Billy ne se sent pas prêt à devenir père et commence à paniquer quand sa compagne lui annonce qu'elle est enceinte. Brownie, enfin, a divorcé et se satisfait parfaitement d'une vie de célibataire consacrée à jouer aux jeux vidéo et à fumer de l'herbe. Une fois par mois, ces presque quadragénaires se retrouvent pour jouer au box ball et discuter de leur vie... 

Misère. Je suis certaine qu'Alex Robinson s'imaginait faire le portrait d'une bande de potes représentatifs de leur époque, épingler avec une tendre lucidité ces enfants des années 70-80 qui tendent à rester d'éternels adolescents... Au lieu de ça, il livre un roman graphique d'un sexisme navrant, bourré de clichés négatifs, avec des personnages atrocement caricaturaux. Les femmes sont adultes mais un peu chiantes et mères (effectives ou potentielles) avant tout autre chose. Les hommes sont immatures, lâches et infoutus de supporter de ne plus être la préoccupation n°1 de leur partenaire une fois parents. Sans le rapprochement cosmologique bien foutu de la fin, j'aurais mis le feu à cette bédé. Là, j'ai juste eu très envie d'allumer la machine à distribuer des baffes.



lundi 16 mai 2016

Concours "Miss Dumplin": la gagnante!




C'est Tyl' qui remporte l'exemplaire de "Miss Dumplin" mis en jeu; je l'invite à m'envoyer son adresse postale par mail à: leroseetlenoir@hotmail.com

Merci à tous les participants et à bientôt pour d'autres concours!

vendredi 13 mai 2016

"Journal d'un vampire en pyjama" (Mathias Malzieu)


En novembre 2013, Mathias Malzieu se découvre atteint d'aplasie médullaire, une méchante maladie auto-immune qui détruit sa moelle osseuse. Commence alors une course-poursuite contre ses globules et ses plaquettes en voie d'extinction pour réussir à assurer le lancement de son premier film "Jack et la mécanique du coeur". Puis c'est l'enfermement en chambre stérile, et les traitements lourds qui se succèdent sans garantie de réussite...

"La maladie ne prend ni week-ends ni vacances, c'est du vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, mais je crois pouvoir le dire le plus calmement et puissamment possible, je suis heureux. Je sens une force nouvelle m'envahir sous les tonnes de plomb qui ralentissent mes pas. 
Cela n'enlève rien à la peur, heureusement que j'ai peur. L'inverse serait un signe de déni. Ce serait comme ne pas avoir le trac avant de monter sur scène à l'Olympia, ou en avoir trop et rester paralysé dans les loges. Il faut y aller!"

Pendant sa maladie, le chanteur/écrivain/réalisateur porté par l'amour de ses proches ainsi que par une formidable énergie créatrice tient un journal dont, après sa guérison, sera tiré ce "Journal d'un vampire en pyjama". Et parce que l'histoire se termine bien, même une flippée des hôpitaux comme moi peut suivre son parcours sans trop d'angoisse, voire en y trouvant une certaine forme d'apaisement. La douceur et le dévouement du personnel hospitalier, le soutien sans faille de son amoureuse, la volonté de de vivre inentamée de l'auteur, son obstination à tirer le meilleur de cette expérience difficile avant même de savoir s'il en réchappera, et puis bien sûr sa plume si particulière composent un témoignage fort et émouvant, parfois drôle, souvent tendre et surtout étonnamment vivifiant.

"Je vais entamer une carrière d'homme poétique.  Etablir un programme de rêves à partager et m'y tenir. Je veux vivre le mieux possible, pour ne pas insulter ceux qui m'ont donné leur sang, leur temps, leur moelle osseuse."

mercredi 11 mai 2016

Concours: "Miss Dumplin"


Willowdean est grosse, et alors? Pas besoin d'être super slim pour s'assumer. Jusqu'au jour où elle rencontre Bo, qui porte un peu trop bien son nom et ne tarde pas à lui voler un baiser. Mais peut-il vraiment l'aimer? On lui a tellement dit que les filles comme elle ne sont que des seconds rôles... Un seul moyen pour retrouver confiance en elle: faire la chose la plus inimaginable qui soit et s'inscrire au concours de beauté local présidé par sa propre mère, une ex-miss filiforme. Entraînant dans son sillage tout un groupe de candidates hors normes, Will va prouver au monde, et surtout à elle-même, qu'elle a aussi sa place sous les projecteurs. 
"Il me dit que je suis belle. 
Je me dis que je suis grosse. 
Et si j'étais les deux en même temps?"

J'ai adoré traduire ce roman jeunesse pêchu à l'héroïne hors-normes, et pas seulement à cause de sa taille de vêtements: par exemple, c'est une fan absolue de Dolly Parton! "Miss Dumplin" sort aujourd'hui en librairie, et je vous propose d'en gagner un de mes exemplaires de traducteur. Pour ça, dites-moi en commentaire qui était votre idole quand vous aviez seize ans (l'âge de Willowdean dans le roman). Clôture du concours dimanche à minuit; tirage au sort et annonce du résultat lundi. Envoi en Europe uniquement. Bonne chance à tous!

mardi 10 mai 2016

"Rhapsodie française" (Antoine Laurain)


33 ans: c'est le temps qu'aura mis, pour parvenir à son destinataire, la lettre l'informant que le directeur artistique de Polydor avait beaucoup aimé la maquette de son groupe de cold wave et l'invitait à prendre contact avec lui. Entre-temps, bien entendu, les Hologramme se sont dissous faute de succès. Alain est devenu médecin, comme son père, et s'ennuie un peu entre l'épidémie de gastro qui sévit chez ses patients et une épouse qui le trompe depuis le départ de leurs enfants. Alors, il va reprendre contact avec les autres membres du groupe. Le bassiste est devenu le leader d'un mouvement d'extrême-droite. Le synthé s'est installé en Thaïlande où il tient un hôtel. Le batteur a fait carrière dans l'art contemporain. Le producteur, homme d'affaires génial, est pressenti pour se présenter à la présidence de la République. Quant à la chanteuse, elle a dû se marier et changer de nom, car impossible de retrouver sa trace...

D'Antoine Laurain, j'avais déjà beaucoup aimé "La femme au carnet rouge" qui mettait en scène une jolie romance. Dans "Rhapsodie française", l'auteur ressuscite le rêve de jeunes adultes pour l'opposer à ce que la vie a fait d'eux. C'est une histoire qui joue à fond sur le facteur nostalgie, sur les "et si...?" du chemin qu'on n'a pas emprunté, sur la perte des illusions que tout adulte a forcément subie, et qui en profite pour dresser au passage un état des lieux plutôt ironique de la société française. Si certaines trajectoires individuelles semblent peu réalistes, on se laisse emporter avec plaisir par les retournements scénaristiques jusqu'à un twist final aussi parfait qu'inattendu. Un très agréable moment de lecture.

dimanche 8 mai 2016

"Academy Street" (Mary Costello)


Fille d'un petit propriétaire terrien irlandais, Tess voit sa vie bouleversée par la mort de sa mère adorée alors qu'elle n'a que 7 ans. Sa jeunesse campagnarde n'est pourtant pas exempte de douceur. Devenue adulte, elle passe un diplôme d'infirmière et va s'installer à New York où elle retrouve sa soeur aînée Claire. Mais sa nature passive l'empêche de se faire des amis, ou d'agir de manière décisive lorsqu'elle tombe amoureuse, si bien que le bonheur la fuira toute sa vie. Tandis qu'elle perd peu à peu tous les gens qu'elle aime, Tess se réfugie dans la lecture et apprend à faire son deuil d'un monde auquel elle n'a toujours participé que de loin.

Moins de 200 pages, c'est très peu pour balayer toute une existence, ou du moins, ça le serait s'il arrivait autre chose à Tess que tomber enceinte la seule fois où elle couche avec un homme. Pour le reste, l'héroïne du premier roman de Mary Costello se contente de se laisser ballotter par les événements et de compter ses morts avec plus de résignation que de douleur, semble-t-il. J'ai rarement eu autant envie de secouer un personnage de fiction comme un prunier en lui disant: "Mais fais quelque chose, bon sang!". La quasi absence de dialogues n'aide pas à lutter contre l'impression d'une femme sans voix et sans volonté.

Et c'est bien dommage, car malgré tout, "Academy Street" se laisse lire avec un certain plaisir. Il y a une sensibilité frémissante dans l'écriture, du talent dans la description de rares instants de bonheur fugaces et inarticulés, une mélancolie puissante qui se dégage de l'ensemble. Dans l'ensemble, un roman plutôt déprimant, mais qui peut néanmoins plaire.

"Cette nuit-là elle rêva. Elle entendit la terre pleurer. A l'aube elle écouta l'appel claironnant de la ville. Des rues qui attendaient ses pas. Des portes à ouvrir, des livres à lire, sa vie telle qu'elle l'avait vécue. Et toutes ces journées à traverser, les journées interminables, les nuits, les pièces silencieuses. Il n'y avait pas d'Eden, il n'y en aurait pas, pas d'élan flamboyant, pas de métamorphose. Rien que du temps, et des tâches allégées par le souvenir de l'amour, et des jours comme tous les autres où elle mettrait un pied devant l'autre et poursuivrait sa route, obéissant au destin."

vendredi 6 mai 2016

"On est foutu, on pense trop!" (Dr Serge Marquis)


Pensouillard le hamster, c'est l'image que l'auteur de ce court mais très intéressant ouvrage de développement personnel utilise pour représenter notre ego à tous. Une petite bête qui ne sait faire qu'une seule chose: courir de plus en plus vite dans sa roue chaque fois qu'elle se sent menacée et craint pour son existence. Ainsi s'emballent les ruminations négatives qui nous font tant de mal et nous empêchent de jouir de l'existence au quotidien. Car la liste des choses que Pensouillard perçoit comme une menace est infinie. Son partenaire a ENCORE oublié de changer le rouleau de papier toilette? Il se moque de son bien-être! Un autre conducteur lui a grillé la priorité? C'est un sale con - Pensouillard, lui, n'a jamais qu'une attitude parfaitement civile en toutes circonstances. Un contact Facebook affiche une position contraire à ses propres convictions? Pensouillard écume de rage et se sent le devoir de lui prouver combien il se fourvoie. Le voisin a une nouvelle voiture magnifique; son meilleur ami à peine largué par sa femme s'est trouvé une nouvelle chérie? Pensouillard souffre: "Pourquoi lui et pas moi? Je le mérite tout autant!". Vous voyez l'idée.

Partant de là, le Dr. Serge Marquis suggère que nous serions beaucoup plus heureux en cessant de tout ramener à nous et en apprenant à considérer le monde avec détachement, au lieu de nous sentir agressés chaque fois que quelque chose nous semble anormal ou injuste. Il explique comment identifier et surtout interrompre les pédalages frénétiques de Pensouillard. Et oui, l'image peut paraître ridicule. D'ailleurs, elle l'est, ce qui lui donne d'autant plus d'efficacité - je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais moi, quand je commence à me mettre dans tous mes états pour des choses objectivement pas bien graves, me rendre compte à quel point mon agitation est futile et disproportionnée à sa cause aide pas mal à me calmer. Je ne suis pas d'accord avec tout ce que raconte l'auteur (ni d'ailleurs avec les théories bouddhistes auxquelles il fait écho). Par exemple, "votre ego, ce n'est pas vous": euh, si, il définit quand même un peu mon identité, mes aspirations et la direction que je fais prendre à ma vie. Je veux bien croire que le meilleur moyen de ne plus souffrir soit de ne plus rien désirer, mais une vie sans désirs me paraît assez peu intéressante. Ce qui ne m'empêche pas de penser comme lui que la pratique de la pleine conscience est l'outil le plus formidable qui soit pour atteindre une certaine sérénité. Bref, même si je n'adhère pas à 100%, je conseille très vivement la lecture de "On est foutu, on pense trop" à tous les gens qui souhaitent apprendre à lâcher prise au quotidien.

A propos du fait de ruminer des traumatismes passés: "Vous rendez-vous compte à quel point c'est absurde? (...) Un jour, il y a longtemps, vous avez filmé une scène de votre vie que vous vous repassez sans cesse comme si, à force, elle allait se transformer. Malheureusement, plus vous rejouerez ces scènes, plus vous permettrez au processus d'identification de se consolider et de créer des fausses identités. Vous deviendrez ce que vous n'êtes pas: quelque chose de fini, qui n'existe qu'à l'état d'enregistrement dans vos archives neuronales. (...) Etre conscient, c'est être capable de faire la distinction entre un film et la vie."

A propos du jugement qu'on porte sur autrui: "La recherche des poux a grandement évolué à l'ère de la modernité et elle est aujourd'hui beaucoup plus subtile. Epouiller consiste désormais à découvrir chez l'autre les faiblesses et les carences qui permettent de le regarder de haut. Cela consiste aussi à trouver, avec le même appétit, les erreurs que commet son semblable, les bourdes grâces auxquelles on peut l'humilier, l'enlaidir, le diminuer et, par le fait même, se grandir! Ca demeure une manière préreptilienne de se protéger, car plus Pensouillard a l'impression d'être gros, plus il a le sentiment de faire peur! Et plus il a le sentiment de faire peur, moins il se sent menacé!"

mercredi 4 mai 2016

"La cuisinière" (Mary Beth Keane)


Immigrée irlandaise arrivée seule à New York à la fin du XIXème siècle, Mary Mallon travaille comme lingère avant de se découvrir un talent caché pour la cuisine. Malheureusement, dans toutes les maisons bourgeoises où elle est employée, les gens contractent la typhoïde. Mary, quant à elle, ne présente aucun symptôme de la maladie. Au contraire, sa robustesse est presque indécente. Un médecin finit par s'intéresser à elle, et les autorités sanitaires, qui l'estiment dangereuse, l'envoient en quarantaine sur une île au large de Manhattan. Commence alors pour cette femme indépendante et insoumise un combat à armes inégales pour sa liberté...

"Typhoïd Mary". Peut-être avez-vous, comme moi avant de lire ce roman, déjà entendu ce surnom sans rien connaître de la femme qu'il désignait. C'est bien le portrait d'un personnage réel que Mary Beth Keane s'applique à faire ici: celui de la première porteuse saine de la typhoïde découverte aux Etats-Unis. Pour ce que j'ai pu lire à droite et à gauche, elle s'est attachée à retranscrire sa trajectoire le plus fidèlement possible, ce qui donne à "La Cuisinière" une quasi valeur de document historique. Et il faut bien admettre que c'est un récit passionnant sur le plan médical comme humain. D'un côté, une femme dangereuse malgré elle et qui refuse de l'admettre; de l'autre, une administration qui se soucie avant tout de protéger la population, fût-ce au détriment d'un individu, et des scientifiques confrontés à un phénomène tout nouveau sur lequel ils ne parviennent pas à poser de certitudes.

Pourtant, j'ai eu un peu de mal à terminer ma lecture. Mary Mallon, qui vit en concubinage à une époque où ça ne se fait guère, ne veut pas d'enfants et tient par-dessus tout à son indépendance, aurait dû m'être un personnage éminemment sympathique. Mais passé une première phase d'incompréhension et de révolte bien naturelles, l'égoïsme hallucinant de ses réactions, l'obstination aveugle qui la pousse à continuer à vivre sa vie comme elle l'entend tout en sachant que des gens vont mourir à cause de ça, m'ont empêchée d'éprouver toute compassion pour elle. Sans investissement affectif dans le destin de l'héroïne, reste cependant un livre très bien écrit (et traduit) qui conte une histoire de femme tragique et singulière.

dimanche 1 mai 2016

Les sorties bédé que j'attends avec impatience en mai




Le 4: "Les enfants de la baleine T3"
Après le virage assez choquant amorcé à la fin du tome 2, je suis curieuse de voir où va nous emmener cette fable écolo-futuriste si originale.



Le 11: "Notre univers en expansion"
J'aime les bédés d'ensemble d'Alex Robinson depuis que je l'ai découvert avec son formidable "De mal en pis". Cette fois encore, il sera question du quotidien d'un groupe d'amis à New York - cette fois, des quadragénaires en proie à diverses interrogations existentielles. J'en salive d'avance.