lundi 29 septembre 2008

"American elf" vs "Chroniques wallonnes"


Voici deux recueils de BD basés sur le même principe: produire chaque jour un strip autobiographique en noir et blanc pendant une assez longue période (l'expérience de Fifi s'étale sur un an, celle de James Kochalka se poursuit depuis maintenant plus d'une décennie). Chacun d'eux a un titre qui situe géographiquement son origine et laisse à penser que son contenu reflètera quelque chose de la culture du pays dans lequel vit l'auteur.

La ressemblance s'arrête à peu près là. Kochalka pratique un dessin très simple et non réaliste: il donne une apparence d'elfe à sa femme et à lui-même ou représente un de ses amis sous les traits d'un chien. Bien qu'il soit parfois sujet à des pannes d'inspiration, celles-ci sont assez rares et il parvient généralement à les traiter sous un angle humoristique. Il a par ailleurs une vie assez riche pour produire des anecdotes intéressantes: outre son job de dessinateur, qui l'amène à se déplacer très souvent dans des conventions à travers le monde entier, il appartient à un groupe de rock dont il est le chanteur et avec lequel il effectue des tournées, parfois jusqu'en Suède. Il semble aussi avoir une vie sociale assez riche, avec de nombreuses interactions familiales et pas mal de soirées entre potes. Ainsi, on suit cette autobiographie dessinée avec amusement et petit à petit, on s'attache à son auteur, si colérique et immature qu'il se dépeigne parfois.

Gros contraste avec la vie de Fifi le Wallon. Son recueil m'a fait de l'oeil sur une table de la FNAC à cause de son titre, de son format agréable et de son dessin plus réaliste et beaucoup plus recherché que celui de Kochalka. Mais la lecture de "Chroniques wallonnes" m'a bien déçue. Plus d'un jour sur deux, l'auteur se représente assis à sa table de travail en train de se plaindre qu'il n'a pas d'idée. Le reste du temps, on le voit déambuler en monologuant dans les rues de sa ville. S'il a une petite amie, il ne la montre jamais; s'il a des potes, il les cache bien; s'il a de l'imagination, il se garde de nous la faire partager. L'essentiel de son existence semble se passer vautré devant sa télé avec une pizza. Parfois, il rouspète parce qu'il fait mauvais, parce qu'il est malade ou parce que son ordinateur a encore planté. Et c'est tout. Beaucoup trop peu, donc, pour tenir 365 pages sans lasser le lecteur. Dommage, car je lui trouve un coup de crayon vraiment sympathique.

mercredi 24 septembre 2008

"Joséphine"


Vu que j'ai failli m'étrangler de rire en lisant "Ma vie est tout à fait fascinante" et que je vénère le travail de Pénélope Bagieu au point de lui avoir créé son propre tag dans ce blog, j'attendais beaucoup de "Joséphine", son premier album non-autobiographique (même si on devine très vite que certaines des situations qu'il met en scène ont dû être vécues, sinon par elle, au moins par une de ses copines).

Joséphine, donc, c'est la quintessence de la nana de 30 balais pas encore casée, et à qui tout son entourage ne cesse de rappeler cette tare impardonnable. Une sorte de Bridget Jones française, moins pathétique que sa célèbre grande soeur. Toutes les célibataires urbaines devraient se reconnaître dans la majorité de ses (més)aventures. C'est le point fort de l'album, et aussi son gros défaut. Il tape juste - bien qu'avec moins de mordant que "Ma vie est tout à fait fascinante" -, mais il ne surprend pas. Du début jusqu'à la fin, j'ai eu l'impression de lire un numéro de Cosmo illustré. Agréable, donc, mais pas transcendant. En fait, le point fort de Pénélope Bagieu, c'est définitivement son dessin archi-expressif: les mimiques, les postures de ses personnages sont toujours mille fois plus éloquentes qu'une énorme bulle de texte. A se demander si elle ne devrait pas carrément faire dans le muet.

vendredi 12 septembre 2008

"Jeeves", l'intégrale


Bien que je lise énormément, j'ai tendance à me cantonner à des romans d'auteurs contemporains. Conséquence: ma culture littéraire "classique" est trouée comme une roue d'Entremont. Par exemple, malgré mon amour infini de l'humour anglais, je n'avais encore jamais ouvert la moindre aventure de Jeeves, le célèbre et inénarrable valet de chambre créé par P.G. Wodehouse. Et puis lors de ma dernière visite à la Fnac de Monpatelin, les couleurs acidulées de cet ouvrage m'ont fait de l'oeil. Depuis ma première intégrale (Sherlock Holmes ou Arsène Lupin, je ne me souviens plus), j'ai une passion pour les omnibus à la couverture agréablement souple et au papier cigarette délicieux à caresser avec l'ongle de l'index droit. Sans compter qu'ils coûtent moins cher qu'une série de romans et tiennent beaucoup moins de place dans une bibliothèque. J'ai tout de même hésité un instant. D'habitude, je lis les romans anglophones en V.O., tant qu'à faire. Un coup d'oeil au nom de la traductrice du premier tome a suffi à me convaincre: c'est une amie de JC que j'ai eu l'occasion de recontrer à plusieurs reprises et dont le travail est réputé pour son excellente qualité.

A l'heure où j'écris ces lignes, je viens juste d'attaquer le second tome et je suis totalement conquise. Mis à part la série des Stephanie Plum de Janet Evanovich (qui appartient à un tout autre genre...), je ne me souviens pas qu'un bouquin m'ait autant fait rire et sourire. Les aventures de Jeeves sont narrées par son maître, Bertram Wooster, un jeune oisif de la bonne société londonienne que son caractère faible et sa cervelle de moineau poussent très souvent à se mettre dans des situations aussi loufoques qu'inconfortables. Chaque fois, son valet lui sauve la mise avec une présence d'esprit qui n'a d'égale que son flegme tout britannique. Ils sont entourés par une galerie de personnages secondaires savoureux tels que le jeune Little, ami d'enfance de Bertie et coeur d'artichaut incorrigible, la redoutable tante Agathe ou les turbulents jumeaux Claude et Eustache. Un petit extrait pour vous mettre l'eau à la bouche:

"Mon existence entière semblait placée sous les meilleurs auspices: à trois reprises, des chevaux sur lesquels je m'étais trouvé investir des sommes non négligeables avaient gagné avec plusieurs longueurs d'avance au lieu de s'installer sur la pelouse pour regarder passer leurs copains, conformément à l'usage en vigueur parmi la gent chevaline sitôt que je décide de faire un placement sur l'un de ses représentants.
"En outre, le thermomètre ne cessait de grimper, atteignant des degrés inédits dans l'histoire de la thermométrie; mes chaussettes neuves étaient universellement reconnues comme étant juste du genre qu'une mère eût pu confectionner, et, brochant sur le tout, ma tante Agathe avait décidé de se consacrer provisoirement à la persécution du bon peuple de France, renonçant, pour une pièce de six semaines au moins, à s'occuper de mon cas personnel."