mercredi 30 mars 2011

"C'est ici que l'on se quitte"



A la première ligne du premier chapitre de "C'est ici que l'on se quitte", le héros apprend que son père vient de mourir d'un cancer du colon après avoir atrocement souffert pendant six mois.

...Y'a pas à dire, j'ai un flair très sûr pour choisir mes lectures.

J'ai failli m'arrêter immédiatement, ce qui aurait quand même été un record. Mais je n'avais rien emporté d'autre à lire dans ce vol Bruxelles-Istanbul, ni pour le séjour en Turquie qui allait suivre. Alors, j'ai serré les dents et me suis forcée à continuer.

Judd Foxman vient donc de perdre son père, une catastrophe de plus dans la longue série qui s'est récemment abattue sur lui. Après la mort in utero de leur bébé, sa femme Jen a entamé une liaison avec Wade, un gros beauf qui se trouvait par ailleurs être le patron de Judd. Les découvrant un jour au lit ensemble, Judd a mis le feu aux testicules de Wade à l'aide des bougies allumées d'un gâteau d'anniversaire et démissionné dans la foulée. Du coup, il a dû abandonner le domicile conjugal et s'installer dans le sous-sol déprimant loué par un couple de vieillards chinois.

Là-dessus, son père avec lequel il n'a jamais réussi à communiquer vraiment décède en laissant une surprenante dernière volonté: bien que juif non-croyant et peu pratiquant, il tient à ce que sa famille observe après ses obsèques le rituel de la shiv'ah. Pendant sept jours, Judd va donc se retrouver enfermé dans la maison de son enfance avec tout un paquet de gens qu'il supporte à peine. Sa mère auteure de livres de psychologie enfantine, qui à 63 ans continue à exhiber sa poitrine refaite avec des décolletés jusqu'au nombril. Son frère aîné Paul qui a pris la direction du magasin d'articles de sport créé par leur père, et qui tente en vain de faire un bébé à sa femme Alice (une ex-petite amie de Judd). Sa soeur Wendy, mère de trois enfants et épouse de Barry, un gros beauf accro au boulot qui ne décolle pas de son BlackBerry. Son frère cadet Philip, l'éternel trublion amateur de filles et de substances illicites. Inutile de dire que le mélange est explosif et que la semaine s'annonce agitée...

Contre toute attente, j'ai beaucoup, beaucoup ri en lisant "C'est ici que l'on se quitte". J'ai aussi eu le coeur tour à tour serré et gonflé d'espoir. Jonathan Tropper joue à merveille sur toute la gamme des émotions humaines suscitées par les grandes questions de la vie-la mort. Il parvient à rendre très exactement le mélange d'amour et d'irritation qu'on s'inspire toujours entre membres d'une même famille. Il manie l'humour vaudevillesque et le comique de situation avec assez de virtuosité pour contrebalancer les grincements de dents qu'il inspire par ailleurs, la mélancolie et l'amertume qui imprègnent une grande partie de son texte. Comme quoi, en littérature, il faut parfois savoir faire fi de sa première impression pour découvrir de vraies bonnes surprises. Ce roman brillant à tous points de vue en était une.

mardi 22 mars 2011

"Refaire le monde"



(Avertissement: la lecture de ce post est déconseillée à toute fan de littérature culinaire décidée à ne pas voir ENCORE augmenter sa PAL.)

Comme je l'écrivais hier, j'ai besoin en ce moment de lire des choses réconfortantes, ce que les Anglophones appelleraient des feel-good books. Des romans qui ne changeront pas ma vie mais qui, l'espace de quelques heures, me plongeront dans un monde plus doux où tous les problèmes finissent généralement par s'arranger.

Voilà pourquoi j'ai acheté et dévoré "Refaire le monde" de Julia Glass. Charlotte Duquette, dite Greenie, est une pâtissière de génie dont le mariage semble partir à vau-l'eau depuis quelque temps. Pour lui donner un coup de fouet salutaire, elle accepte de quitter New-York afin de devenir la cuisinière en chef du gouverneur du Nouveau-Mexique. Bien entendu, tout ne se passe pas exactement comme elle l'avait imaginé...

"Refaire le monde" n'est pas un roman aussi simpliste que sa quatrième de couverture pourrait le laisser penser. Si Greenie en est clairement l'héroïne, on suit aussi le parcours de plusieurs autres personnages selon le principe cher à mon coeur de la multiplicité des points de vue. Ainsi, certains chapitres sont consacrés à ce qui arrive en l'absence de Greenie à son mari Alan, thérapeute conjugal rongé par le doute, à son ami Walter, restaurateur homosexuel désireux de trouver le grand amour, et à Saga, une amie des bêtes à la mémoire erratique. Chacun d'eux a connu des drames qui l'ont marqué, et chacun d'eux porte en lui une mélancolie qui empêche le roman de verser dans un optimisme béat. Même si "Refaire le monde" est voué, on le sent, à bien se terminer, il y règne tout du long une ambiance agréablement nuancée.

J'ai aimé les personnages attachants de Julia Glass (surtout celui de Saga), les scènes en cuisine à l'atmosphère chaleureuse et réconfortante, la peinture de New-York qui m'a donné envie de me promener dans certains quartiers semblables à de petits villages. Je me suis délectée des 800 pages de "Refaire le monde" comme d'une gourmandise sucrée juste ce qu'il faut pour ne pas devenir écoeurante.

lundi 21 mars 2011

"A clash of kings"



Ca vous est déjà arrivé de trouver un livre génial et d'avoir quand même un mal fou à le terminer? De redouter, presque, le moment où vous vous replongerez dedans? Parce que c'est l'effet que m'a fait "A Clash of Kings", second tome de la série "A song of fire and ice". J'avais dévoré le premier en deux semaines; j'ai mis trois mois pour arriver péniblement au bout de celui-là.

Pourtant, George R. R. Martin écrit toujours aussi bien. Pourtant, on retrouve la multiplicité de points de vue qui m'avait tant emballée dans "A game of thrones": Eddard Stark n'est plus, mais à sa place, le lecteur est invité à suivre Davos, un ancien contrebandier au service de Stannis Baratheon, et Theon Greyjoy, l'ex-pupille des Stark qui va se retourner contre eux (et qui finira par le regretter comme il se doit). Pourtant, l'intrigue reste admirablement ficelée malgré un nombre ahurissant de personnages. Pourtant, les descriptions de batailles sont les plus réalistes que j'aie jamais lues, avec des belligérants qui tombent comme des mouches. Pourtant, l'atmosphère d'une guerre est extrêmement bien rendue, l'auteur ne nous épargnant aucun détail sordide, aucune situation désespérante.

Oui mais justement, tout ça était peut-être un peu trop sordide et un peu trop désespérant pour moi, à une période où j'avais besoin de choses beaucoup plus légères. Très vite, j'ai été accablée par la noirceur de "A clash of kings", cette impression que non seulement les héros étaient condamnés d'avance, mais qu'ils allaient souffrir de toutes les façons possibles et imaginables avant de finir par succomber. Du coup, je me suis petit à petit détachée de mes préférés, Tyrion Lannister et Jon Snow - ce qui était un bon réflexe, étant donné que le premier termine "A clash of kings" complètement défiguré et que le second se retrouve obligé de tuer de ses mains son supérieur et frères d'armes. Je crois que je vais attendre un petit moment avant d'attaquer le tome 3 qui attend déjà dans ma PAL.

dimanche 6 mars 2011

"La bâtarde d'Istanbul"



Même si je n'avais pas été totalement emballée par "Bonbon Palace", le style d'Elif Shafak m'avait suffisamment plu pour que, cherchant à me mettre dans l'ambiance de la ville en vue de mon futur voyage à Istanbul, je tente ma chance avec un autre de ses romans.

Armanoush Tchakhmakhchian est née aux Etats-Unisn. Très tôt divorcée de son père arménien, sa mère américaine se remet en couple en avec un Turc. L'enfant grandit entre l'Arizona et San Francisco, à cheval entre deux cultures. Devenue adolescente, elle éprouve le besoin de partir à la recherche de ses racines et décide de s'inviter à Istanbul chez la famille de son beau-père. Dans ce gynécée où cohabitent quatre générations de femmes, elle fait la connaissance d'Asya Kazanci, une jeune fille de son âge au caractère passionnel et aux tendances nihilistes qui n'a jamais connu son père. Ensemble, elles vont faire voler en éclats les secrets qui pèsent sur leur existence...

Dans "La bâtarde d'Istanbul", j'ai retrouvé l'écriture sensuelle qui m'avait séduite, ces descriptions culinaires qui mettent l'eau à la bouche du lecteur, ces évocations de d'odeurs délicieuses ou pestilentielles qui se mélangent dans les rues, cette peinture en technicolor et en stéréo d'une ville grouillante de vie dont je devine déjà qu'elle va beaucoup me plaire. J'ai été sensible à la quête d'identité des deux héroïnes, si différentes et si semblables à la fois; j'ai eu l'impression d'assister depuis un coin de la pièce aux repas animés de la famille Kazanci, vu prendre vie les personnages hauts en couleurs que sont les tantes, la grand-mère et l'arrière-grand-mère d'Asya; et j'ai appris beaucoup de choses que j'ignorais sur l'histoire des peuples turcs et arméniens. Maintenant, je n'ai plus qu'une hâte: aller voir sur place si Istanbul correspond à l'image que les romans d'Elif Shafak m'en ont donnée.