lundi 31 décembre 2012

"Brooklyn"



Dans les années 50. Eilis Lacey habite une petite ville irlandaise avec sa mère et sa soeur aînée. Ses trois frères ont déjà dû se résoudre à partir travailler en Angleterre quand une opportunité se présente à la jeune fille: une place de vendeuse dans un grand magasin à... Brooklyn. Bien que ne voulant quitter ni sa famille ni le seul endroit qu'elle ait jamais connu, Eilis embarque courageusement à bord d'un transatlantique. 

L'adaptation à la vie new-yorkaise est très difficile pour la jeune fille. Mais peu à peu, celle-ci trouve ses marques, s'inscrit à des cours du soir pour passer un diplôme de comptabilité et rencontre Mario Tony, un adorable plombier italien animé par les intentions les plus honorables à son égard. Puis, alors qu'ils commencent à parler mariage, un drame survient en Irlande, contraignant Eilis à rentrer chez elle, et son ancienne vie la happe de nouveau comme si elle n'était jamais partie. Des deux existences qui s'offrent à elle, laquelle choisira la jeune fille? 

J'ai acheté ce roman après avoir lu une critique qui le qualifiait de chef-d'oeuvre. Je trouve cette appréciation fort exagérée. Certes, "Brooklyn" se laisse lire agréablement; c'est une peinture très juste du tiraillement familier à tous les expatriés, et une plongée intéressante dans la vie d'une immigrée économique au milieu du XXème siècle. Cependant, Eilis est une héroïne extrêmement fade, qu'on ne voit jamais manifester ni opinions ni goûts personnels. J'ai beaucoup compati à son dilemme, mais jusqu'à la fin, elle laisse les circonstances décider à sa place. Ce qui était sûrement la façon dont les choses se passaient pour la plupart des femmes à cette époque - mais j'attendais autre chose d'un personnage de roman. 

samedi 29 décembre 2012

"La tendresse des crocodiles" et "L'ivresse du poulpe"


Nous sommes en 1921. Le professeur Modeste Picquigny a disparu en Afrique alors qu'il cherchait le Mokélé Mbêmbé, un monstre antédiluvien. Jeanne, son intrépide fille unique, s'efforce de le retrouver avec l'aide d'Eugène Love Peacock, ivrogne solitaire et néanmoins grand coureur de jupons... 

Réédités en un seul volume par Casterman, "La tendresse des crocodiles" et "L'ivresse du poulpe" racontent les deux premières grandes aventures de Jeanne Picquigny à travers le vaste monde. Autour d'une héroïne au caractère bien trempé gravitent des personnages secondaires savoureux, parfois un peu cinglés, qui ne se font guère d'illusions sur la nature humaine et ont renoncé depuis belle lurette à trouver un sens à la vie. Pourtant, chacun d'eux profite de l'existence à sa manière teintée d'ironie ou de mélancolie. 

Les dessins très noirs et comme gribouillés de Fred Bernard ne plairont pas à tout le monde. J'ai mis quelque temps à apprécier leur beauté peu évidente, et surtout la façon dont ils contribuent à créer une atmosphère intensément charnelle, voire teintée de mysticisme. Cela fait, je me suis laissée happer par la trajectoire hors du commun d'une héroïne profondément libre et vibrante, femme à l'esprit indomptable qui ne cesse de choisir sa vie et d'assumer ses erreurs. La suite de ses aventures est déjà dans ma PAL, et quand je l'aurai terminé, je relirai très volontiers le volume consacré à sa petite-fille Lily Love Peacock, qui m'avait charmée en 2006.





jeudi 27 décembre 2012

"Odd hours"


Un mois et demi après avoir quitté le monastère de St. Bartolomew et dit adieu au fantôme d'Elvis, Odd Thomas vit dans la petite station balnéaire de Magic Beach, où il travaille comme cuisinier et homme à tout faire d'un vieil acteur hollywoodien. Assailli par d'horribles cauchemars dans lesquels il voit le ciel virer au rouge et l'océan prendre feu, notre héros va se promener sur la jetée envahie par le brouillard. Il y rencontre d'abord une très jeune femme enceinte qui lui demande de devenir son protecteur, puis une bande d'affreux qui semblent directement liés à ses visions apocalyptiques...

(Attention, spoilers!) Dis, M. Koontz. Je sais que dans ma critique du tome 3 de ta série "Odd Thomas", j'ai écrit que j'aimais ton héros au point d'endurer n'importe quelle histoire débile pour continuer à le suivre. Mais... des terroristes qui s'apprêtent à récupérer quatre têtes nucléaires pour mettre les Zuess à feu et à sang afin de créer un ordre nouveau - sérieusement? J'ai trouvé ça tellement hors de propos que je me suis contentée de survoler des chapitres entiers de ton tome 4. D'autant qu'à bien y regarder, il ne se passe réellement que trois ou quatre trucs que tu étires chaque fois sur près d'une centaine de pages. 7 chapitres entiers pour raconter que ton héros saute à l'eau afin d'échapper aux méchants, c'est un poil abusé, tu ne trouves pas? Ca sent l'auteur qui avait à peine assez d'idées pour rédiger une novella et qui n'a pas trop voulu se casser la tête à développer davantage son scénario. 

Par ailleurs, mettre tes convictions outrageusement républicaines dans la bouche d'un personnage pacifiste, tolérant et dénué d'ambition, ça le fait moyen niveau crédibilité. Je n'ai pas aimé non plus que tu omettes d'expliquer le comportement étrange des coyotes et que tu laisses autant de choses en suspens quant à la mystérieuse Annamaria. Je reconnais toutefois qu'à ce stade de l'indigence scénaristique, tu n'avais pas beaucoup d'autres moyens de m'obliger à acheter ton tome 5. Parce que je suis bonne fille, je vais quand même concéder que j'aime toujours autant tes personnages secondaires (mais pas tes méchants atrocement stéréotypés), ainsi que la façon dont tu utilises des conditions météo extrêmes pour renforcer l'ambiance de chaque tome de ta série. Il faudrait néanmoins voir à redresser un peu la barre dans "Odd Apocalypse" qui sort d'ici quelques jours, sinon, je ne garantis plus rien. Merci, bisous. 

lundi 24 décembre 2012

La belle histoire de mémé Misao et de son matou Fukumaru



Il y a 12 ans, la photographe japonaise Miyoko Ihara, désireuse de conserver une trace de la vie de sa grand-mère, a commencé à la prendre en photo dans sa petite maison à la campagne ou au travail dans les champs alentour. Et puis un jour, mémé Misao a trouvé dans sa cabane à outils un chaton aux yeux étranges - l'un jaune et l'autre bleu. Elle l'a appelé Fukumaru, dans l'espoir que le dieu de la chance (fuku) viendrait à travers lui aplanir toutes les difficultés pour rendre sa route fluide comme le tracé d'un cercle (maru). 


Très vite, une grande complicité est née entre la vieille dame et son petit protégé, qui ont pris l'habitude de tout faire ensemble: manger, dormir, cueillir fruits et légumes... Misao, aujourd'hui âgée de 88 ans, est devenue sourde avec l'âge, tandis que Fukumaru a toujours eu des problèmes d'audition. C'est avec des regards et des caresses que ces deux-là se parlent. 


Miyoko Ihara a immortalisé leur quotidien dans un livre touchant, à la fois documentaire en images sur la vie dans le Japon rural, ode à la beauté du quotidien et magnifique témoignage de l'amitié entre un humain et un animal. Oubliez Amazon, où cet ouvrage n'est plus disponible que chez des vendeurs tiers à un prix ahurissant, et rendez-vous plutôt sur la page de l'auteur



Misao et Fukumaru vous souhaitent un Joyeux Noël! 


mardi 18 décembre 2012

"La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis"




Il y a des livres qu'on découvre au mauvais moment, à une période où on n'est pas capable d'apprécier leurs qualités pourtant réelles. A regret, on les classe dans la catégorie des rendez-vous manqués. Et puis il y a ces moments de grâce où un livre tombe à pic dans une vie, où il est pile ce qu'il fallait pour nous changer les idées, répondre à nos interrogations ou nous apporter le réconfort dont nous avions tant besoin. C'est ce type de rencontre miraculeuse que je viens de faire avec le dernier roman de Francis Dannemark.

Max est psychologue. Veuf avec deux grands enfants, il habite seul une belle maison bruxelloise dont il n'a plus les moyens d'assurer l'entretien, et qui tombe doucement en ruines autour de lui. Pourtant, il ne peut se résoudre à quitter ce lieu doté d'une âme. Tous les mercredi soir, Max accueille une bande de cinéphiles âgés de 38 à 74 ans qui viennent visionner des chef-d'oeuvre du 7ème art, mais aussi et surtout se réchauffer au feu de leur amitié mutuelle. Et tandis que l'hiver cède la place au printemps, puis à l'été, les problèmes de chacun vont trouver leur réponse grâce à la bienveillance du reste du groupe... 

Au sujet de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert", j'écrivais récemment: "Scénario virtuose, mais ne suscite aucune émotion chez le lecteur". De "La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis", je dirais exactement le contraire: il n'y a pas d'histoire à proprement parler, juste une sorte de chronique du temps qui passe, mais de la chaleur humaine, ça par contre, il y en a à revendre. Avec un style sans fioritures, des chapitres courts aux titres plutôt cocasses et beaucoup de tendresse pour ses personnages, Francis Dannemark* évoque le changement des saisons, la magie du cinéma et l'amitié qui n'est jamais qu'une forme particulière de l'amour. Il livre un roman  sans prétention, mais plein de charme et de sagesse tranquille, qui m'a réchauffé le coeur en une période difficile. Qu'il en soit infiniment remercié. 

*qui, comme son nom ne l'indique pas, est un écrivain belge de la même façon que François Hollande est un président français (tout est dans le doublement discret de la consonne) 

mardi 11 décembre 2012

"La vérité sur l'affaire Harry Quebert"


Ce roman multi-primé fait beaucoup parler de lui depuis la rentrée littéraire. La plupart de ses lecteurs l'encensent, tandis qu'une poignée le descend en flammes et déclare ne pas comprendre les raisons de son succès. 

"A New York, au printemps 2008, alors que l'Amérique bruisse des prémices de l'élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente: il est incapable d'écrire le nouveau roman qu'il doit remettre à son éditeur d'ici quelques mois. 

Le délai est près d'expirer quand soudain tout bascule pour lui: son ami et ancien professeur d'université, Harry Covert Quebert, l'un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d'avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille avec qui il aurait eu une liaison. 

Convaincu de l'innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements: l'enquête s'enfonce, et il fait l'objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d'écrivain, il doit absolument répondre à trois questions: Qui a tué Nola Kellergan? Que s'est-il passé dans le New Hampshire à l'été 1975? Et comment écrit-on un roman à succès? "

Malgré un emploi du temps chargé, il ne m'a fallu que trois jours pour dévorer ce pavé de 670 pages. Bien que je ne sois pas particulièrement amatrice de romans policiers, et n'aie donc guère de points de comparaison, j'ai trouvé l'intrigue de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" extrêmement bien ficelée. Après un démarrage un peu lent, les révélations distillées au compte-gouttes commencent à peindre un tableau très différent de celui présenté par la justice. Et quand le lecteur croit tenir le fin mot de l'histoire, un retournement de situation bouleverse complètement la donne, le laissant hébété sur le carreau, avant qu'une ultime révélation ne vienne l'achever. 

Réellement, l'histoire est menée de main de maître, avec de nombreux allers-retours dans le passé qui ne lui font jamais perdre sa cohérence mais, au contraire, permettent d'en dévoiler peu à peu les éléments d'une manière percutante. "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" est un roman à la construction d'une virtuosité remarquable, et dans lequel je n'ai repéré aucune incohérence. 

Pour autant, il n'est pas exempt de défauts. L'histoire entre l'écrivain de 34 ans et la jeune fille de 15 m'a semblé d'une mièvrerie absolue. Jamais il n'est question de chair entre eux, juste d'un amour si pur et si absolu qu'il en devient atrocement gnan-gnan, et de surcroît peu crédible. De la même façon, les extraits du soi-disant chef-d'oeuvre écrit par Harry Quebert pour sa dulcinée sont assez affligeants, et les conseils sur l'écriture dispensés au début de chaque chapitre, d'une platitude risible. 

Mais le plus dommage, c'est l'aspect caricatural de certains personnages: la mère juive de Marcus, toujours en train de le houspiller au téléphone pour savoir pourquoi il n'est pas encore marié; le flic local bourru et désagréable mais qui révèle très vite un coeur d'or; l'avocat aux dents longues et l'éditeur qui se fout de publier de la merde pourvu que ça se vende... A côté de ça, la plupart des membres du casting ont à peu près autant de substance que des fantômes. Jamais je ne les ai réellement vus s'animer sur le papier, à l'exception de Nola Kellergan, morte depuis trente-trois ans et plus vivante que tous les autres réunis. 

En conclusion, "La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" est ce genre de bouquin que l'on a plaisir à lire et que l'on ne prendra pas trop de risques à offrir pour Noël. Mais malgré une histoire sacrément bien foutue, il lui manque ce petit supplément d'âme qui fait qu'un roman laisse une trace durable dans le coeur du lecteur. 

mercredi 5 décembre 2012

"Brother Odd"


Fatigué des exigences que ses dons paranormaux font peser sur lui, Odd Thomas s'est réfugié dans un monastère de montagne afin d'y trouver la paix. Mais une nuit, alors que le jeune homme attend à sa fenêtre de contempler la première neige de sa vie, il voit passer la silhouette noire d'un bodach. Signe d'un carnage imminent, l'apparition se dirige vers l'hôpital pour enfants handicapés tenu par les nonnes du couvent voisin...

Ce troisième tome de la série "Odd Thomas" est aussi le premier qui ne soit pas encore disponible en français. J'espère qu'une traduction ne tardera pas, car après un premier tome génial et un deuxième tome décevant, Dean Koontz redresse ici la barre de manière tout à fait satisfaisante. Je n'ai pas été emballée par le scénario, dont la résolution m'a en outre paru un peu rapide. Par contre, je me suis totalement laissée prendre par l'atmosphère très particulière du monastère isolé pendant une tempête de neige apocalyptique.

J'ai adoré toute la galerie des personnages secondaires: les nonnes coriaces, les moines au passé parfois surprenant, les enfants à l'histoire poignante, le mystérieux bibliothécaire russe... J'ai savouré les nombreux dialogues dont l'humour décalé m'a enchantée d'un bout à l'autre; j'ai eu le coeur serré par les échanges d'Odd Thomas avec un jeune handicapé physique et mental prodigieusement doué pour le dessin. J'ai moins apprécié les opinions personnelles dont l'auteur saupoudre la narration, essentiellement parce qu'elles me semblent mal coller avec le caractère de son héros. Et à la fin, j'ai été déçue qu'Odd Thomas ne rentre pas à Pico Mundo, car j'aimerais revoir ses amis du premier tome.

"Brother Odd" est un roman inégal: il possède pas mal de défauts, mais aussi ce genre de qualités qui touchent le lecteur d'une manière difficile à expliquer. Avec son intelligence émotionnelle hors du commun, Odd Thomas est un personnage infiniment attachant jusque dans la moindre de ses pensées, le moindre de ses gestes. Dean Koontz pourrait me raconter ses vacances à la plage que je les lirais quand même avec plaisir.