jeudi 30 mai 2013

"Ce qui nous lie"


Alice a un don. Les liens entre les individus lui apparaissent sous forme de fils lumineux. Un phénomène inexplicable qu'elle a appris à dissimuler... et à utiliser pour démasquer les hommes infidèles et venger les femmes trompées. Mais au fond, Alice aspire à retrouver une vie « normale », celle du bureau, des collègues et des relations simples. Son nouveau job dans un cabinet de recrutement semble lui offrir tout cela, et plus encore. Parmi les personnalités variées qui cohabitent dans l'open space, elle rencontre Raphaël, chasseur de têtes et de coeurs, un homme inaccessible qui ne la laisse pas indifférente. Le seul dont Alice n'arrive pas à percevoir les liens...

Alors que je ne suis pas du tout amatrice de romance (la collection dans laquelle "Ce qui nous lie" est publié chez Milady), un billet de mon amie Isa m'a donné envie de découvrir ce livre dont l'idée de départ me semblait très prometteuse. A mon retour des Imaginales, où je l'avais fait dédicacer par sa jeune auteure, il ne m'aura fallu que trois heures pour le dévorer... et pour parvenir à un avis un peu mitigé. 

J'ai beaucoup apprécié que "Ce qui nous lie" ne soit, au final, pas une histoire d'amour mais plutôt une quête d'identité. Au début de l'histoire, malgré ses 24 ans à peine, Alice est une femme blessée qui a fait de la vengeance un mode de vie. Il va sans dire que ça ne la rend pas très heureuse. Sa rencontre avec Raphaël la poussera vers une autre voie - celle de l'apaisement. Le roman se termine donc de façon positive, mais sans aucune gnangnantise (j'invente des mots si je veux). Un premier bon point pour lui. Le second, c'est sa construction habile qui entremêle passé, présent et futur: elle permet au lecteur de mieux appréhender les origines et les conséquences des choix de l'héroïne tout en maintenant un certain suspens.

A côté de ça, je n'ai pas du tout accroché au style de l'auteure, que j'ai trouvé limite pauvre. Narration au présent et à la première personne, phrases très (trop?) simples, à la brièveté parfois saccadée, et surtout, manque de chair pour habiller une structure et un propos pourtant tous deux intéressants. Les seconds rôles sont restés pour moi de simples silhouettes de carton-pâte, et à aucun moment je n'ai ressenti d'atmosphère particulière. Samantha Bailly se cantonne à un niveau descriptif là où son récit aurait bénéficié d'un habillage sensoriel - impressions visuelles, sonores ou tactiles. Etant données sa jeunesse (elle a le même âge qu'Alice) et sa bibliographie déjà impressionnante, j'ai néanmoins envie de dire qu'il s'agit d'une auteure à suivre. 

mercredi 29 mai 2013

"Le voyage de Luca"


A la naissance de leur fils Luca, désireux de fuir la banalité du quotidien, Marian et sa compagne Julie quittent la Belgique pour explorer l'Amérique. Ils achètent à New York un camping-car d'occasion avec lequel ils vont parcourir les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Au fil des rencontres marquantes et des paysages sans cesse renouvelés, le petit Luca grandit avec l'idée que vivre, c'est déménager chaque matin...

Vous avez des rêves dont vous savez que vous ne les réaliserez jamais? Dans les miens, il y a: vivre sans attaches à bord d'une caravane aménagée, et tracer la route au gré de mes envies. J'aime trop mon petit confort pour me lancer dans une telle aventure, et c'est  l'un de mes grands regrets. Du coup, quand j'ai aperçu la couverture de ce roman chez mon libraire, j'ai sauté sur cette occasion de vivre mon rêve par procuration. 

Et de fait, bien que peu intéressée par les considérations éducatives dont nous gratifie le narrateur, j'ai été totalement enchantée par "Le voyage de Luca". Si Jean-Luc Outers n'a pas accompli lui-même le périple qu'il raconte ici, il possède une capacité de projection exceptionnelle. Je me suis vue sur la route avec les deux héros; j'ai partagé leur émerveillement, leur sentiment inouï de liberté, mais aussi parfois leur fatigue et leurs angoisses. J'ai senti les cahots provoqués par les ornières et les embruns qui leur éclaboussaient le visage. J'ai eu le coeur gonflé d'émotion quand ils quittaient les âmes généreuses croisées en chemin. Et de nouveau, j'ai été reprise par cette envie de larguer les amarres que je porte depuis toujours au fond de moi. 

dimanche 12 mai 2013

"The newlyweds"


Agée de 24 ans, Amina Mazid quitte le Bangladesh où elle est née et où elle a grandi pour épouser George Stillman, un Américain rencontré sur Internet. Même si elle ne lui en a pas encore parlé, son plan consiste à faire venir ses parents aux Etats-Unis dès qu'elle aura obtenu la citoyenneté américaine. Mais George, issu d'une autre culture, est hostile à l'idée de faire cohabiter plusieurs générations sous le même toit.

Pendant qu'Amina s'adapte à sa nouvelle vie et entreprend un long travail de sape auprès de son époux, deux choses vont venir bouleverser ses projets: d'abord, elle découvre que George était amoureux d'une autre femme à l'époque où ils se sont connus, et qu'il pourrait bien l'être encore. Puis, George perd l'emploi duquel dépendaient tous ses projets... Malgré tout, Amina s'obstine et finit par retourner au Bangladesh chercher ses parents. Elle y retrouve un garçon qu'elle aimait autrefois, et à qui elle avait failli être promise. Pour lui, remettra-t-elle en cause la vie qu'elle a si soigneusement planifiée et pour laquelle elle s'est tant battue?

Après l'excellent "Une bonne épouse indienne", ça m'intéressait de lire un autre roman sur le thème d'une union interculturelle racontée du point de vue de la personne immigrée. Si la première partie, qui  se déroule aux USA et s'étale sur une période de trois ans, a bien répondu à mes attentes, la deuxième, qui transporte le lecteur au Bangladesh et enchaîne les événements sur moins d'un mois, m'a tout d'abord désarçonnée. Le mari américain n'était plus qu'une présence lointaine, tandis que l'accent se déplaçait sur le rapport d'Amina à sa famille et à son pays d'origine. Puis, aidée par la plume habilement évocatrice de Nell Freudenberger, je me suis laissée prendre aux questionnement intérieurs de l'héroïne, absorber par les méandres de sa culture si différente de la mienne en tous points. Mais bien qu'elle entérine parfaitement le choix d'Amina, la fin laisse en suspens beaucoup de questions auxquelles j'aurais aimé avoir une réponse, et c'est un peu frustrée que j'ai refermé "The newlyweds"

vendredi 10 mai 2013

"La tectonique des plaques"


Le nouveau Margaux Motin est sorti il y a deux jours, et c'est un très bon cru. Certes, je suis toujours aussi dérangée par les gros mots dont l'auteur use et abuse (j'aurais dû compter le nombre de "pute" et de "connasse" qu'elle arrive à caser dans un seul album comme si elle recevait 100€ de bonus à chaque fois), mais vulgarité mise à part, "La Tectonique des plaques" est toujours aussi drôle et étonnamment touchant - bien plus que ses prédécesseurs. De toute évidence, il retrace une période charnière de la vie de l'auteur, peu après la greffe de coeur de son père et son divorce d'avec le père de sa fille. Entre deux éclats de rire se glissent des passages vraiment émouvants: par exemple (ATTENTION: SPOILER!), lorsque Margaux retrouve l'amour, bouleverse sa vie pour aller s'installer avec son nouvel homme et finit par laisser sa peur d'un échec bousiller cette relation. Malgré son physique de bombasse et son énorme talent, c'est une femme comme les autres, confrontée à des épreuves que beaucoup d'entre nous ont traversé ou traverseront un jour et obligée de se reconstruire vaille que vaille. La différence avec beaucoup d'entre nous, c'est que par-delà une sacrée dose d'humour, elle sait parler de ses déboires avec une sincérité et une sensibilité qui lui évitent généralement de sombrer dans l'impudeur. Sur le plan graphique, c'est toujours aussi bien foutu et bien observé, et j'adore les mélanges dessin/photo découverts dans son agenda 2013 - je les trouve plein de peps et de tendresse. Souvent imitée, jamais égalée, Margaux Motin reste pour moi un exemple de ce que la blogosphère bédé a vu émerger de plus chouette.

mardi 7 mai 2013

"Vivre vieux et gros: les clés du succès"


Je vais être franche: j'ai lu "Moi vivant, vous n'aurez jamais de pause" et "L'effet Kiss Cool", les deux premiers albums de Leslie Plée, et je ne les ai pas aimés. Pas détestés non plus, mais le premier ne m'a pas fait rire et le second ne m'a pas touchée. C'est donc avec beaucoup de circonspection que, malgré son pitch alléchant, j'ai feuilleté cette "méthode de développement personnel pour les chats" signée Michel, matou roux de 2 ans qui n'a qu'un objectif dans la vie: manger le plus possible. Il explique ici comment manipuler les humains pour y parvenir. 

Si je ne raffole toujours pas du dessin de Leslie Plée, j'ai quand même beaucoup ri de la pertinence de ses observations. Tous les "maîtres" de chat devraient y retrouver des situations tristement connues. Michel est une créature fourbe, égoïste et sans scrupules, qui encourage tous les siens à la dévastation et à la goinfrerie. Au chapitre "éduquer son chaton", par exemple, nous voyons une maman prodiguer ses conseils d'utilisation de la litière à son petit: "Et là, tu grattes comme un malade mental. Pour rien, comme ça. Et tu pars en courant, en essayant de mettre le plus de grains possible hors de la litière. Non, pas assez de grains! Recommence! Après, on ira déchiqueter du Sopalin." 

Vraiment, ce "Vivre vieux et gros", c'est le "Petit traité de manipulation" de Joule et Beauvois à l'usage des chats (les ex-étudiants en psycho comprendront tout de suite de quoi je parle). Toutes les grandes étapes de la vie de félin domestique y sont abordées avec une justesse grinçante. Par exemple: "devenir pervers narcissique", "le déménagement: un deuil est possible"ou "la stérilisation: savoir pardonner". Si votre conjoint ou vos enfants meurent d'envie d'adopter un chat et que vous y êtes formellement opposé, offrez-leur ce livre. Si vous avez déjà un chat, lisez-le quand même pour vous consoler: vous n'êtes pas le seul à vous être fait avoir par un de ces tyrans à fourrure.