jeudi 18 février 2010

"Tamara Drewe"


Il y a de ça déjà presque 10 ans, j'avais été conquise par "Gemma Bovery", un très beau et très dense roman graphique de Posy Simmonds qui s'inspirait librement de "Mme Bovary" dont il transposait l'histoire de nos jours.

L'an dernier, Posy Simmonds (par ailleurs dessinatrice vedette du Guardian) a récidivé en publiant "Tamara Drewe", basé cette fois sur un roman de Thomas Hardy, "Loin de la foule déchaînée". N'ayant pas lu ce dernier, je n'ai pu m'amuser à comparer les deux intrigues, ce qui a un peu diminué mon plaisir de lectrice. Un peu, mais pas beaucoup. Je suis toujours aussi fan des dessins de l'auteur, de sa façon de mélanger bédé et textes écrits, de son talent pour retranscrire les émotions et les failles de ses personnages.

Tamara Drewe, donc, est sexy en diable et bosse dans la presse-poubelle. A la mort de sa mère, elle revient dans le village de son enfance, où les ados n'ont guère d'autres distractions que lancer des oeufs sur les voitures ou effrayer les vaches. Voisine d'une retraite d'écrivains, elle ne va pas tarder à mettre toute la communauté en émoi avec son charme incendiaire et ses divagations amoureuses... jusqu'au drame final, à la fois absurde et poignant.

Les deux romans graphiques de Posy Simmonds sont disponibles en français chez Denoël.

mardi 16 février 2010

"Bonbon Palace"


C'est une critique de Funambuline qui m'a donné envie de lire ce gros roman choral dont l'action se situe à Istanbul. Dans un immeuble autrefois grandiose, mais désormais envahi par les cafards et les odeurs de poubelle, s'entrecroisent les trajectoires de locataires tous plus ou moins névrosés. A chaque chapitre, le lecteur pénètre dans l'un des appartements de Bonbon Palace et découvre peu à peu les secrets de ses occupants. J'ai aimé l'écriture d'Elif Shafak qui sollicite les cinq sens en permanence, peignant un portrait vivace et réaliste de la Turquie moderne. J'ai aimé aussi sa façon de fouiller la psychologie des personnages pour créer une galerie de portraits hauts en couleur.

Pourtant, j'ai mis près de trois cents pages pour commencer à apprécier vraiment "Bonbon Palace". Parce qu'après une introduction mystérieuse à souhait, mon enthousiasme a été douché par deux flashbacks longs et pesants, certes utiles pour la suite de l'histoire, mais qui auraient franchement gagnés à être allégés. Du coup, j'ai failli abandonner ma lecture avant que l'auteure revienne enfin au présent. Puis j'ai été désarçonnée par les personnages si antipathiques et/ou irritants au premier abord. Mais je me suis accrochée, et peu à peu mon intérêt a grandi en même temps que la vitesse à laquelle je dévorais la suite. De la fin, je dirai simplement qu'elle tient les promesses de l'introduction et boucle la boucle de façon satisfaisante. Pour autant, recommanderais-je la lecture de "Bonbon Palace"? Pas sûr, ou du moins, pas à n'importe qui. Si découvrir une culture orientale de l'intérieur vous intéresse, si les pavés ne vous rebutent pas et si vous n'avez pas besoin de vous identifier aux personnages pour apprécier un livre, vous aimerez probablement. Sinon, mieux vaut passer votre chemin.

lundi 8 février 2010

"Vivre vieux!"


J'ai déjà parlé ici de l'agacement que m'inspire le culte du jeunisme, ce combat perdu d'avance qui amène souvent à déconsidérer l'expérience des personnes âgées. Les média nous le serinent sans cesse: pour valoir quelque chose aux yeux de notre société, il faut avoir le visage lisse, la chair ferme et les membres déliés. Les mannequins qui ornent la couverture des magazines n'ont pas vingt ans. La presse people est squattée par des It Girls dont le talent est proportionnel à la longueur des jupes. Parmi les actrices de plus de cinquante ans, seuls les monstres sacrés comme Meryl Streep intéressent vaguement la presse féminine - les mois où Lindsay Lohan n'a pas encore changé d'orientation sexuelle et où on n'annonce pas pour la millième fois la séparation des Brangelina. Il est bien rare que l'on mette en avant une personnalité âgée, surtout si elle n'a pas la bonne grâce de paraître trente ans de moins en photo (oui Sharon, c'est de toi que je parle).

Mais les Carnettistes Tribulants, groupe d'artistes talentueux auquel appartient mon amie Antonia Neyrins, ont décidé de remédier à cette regrettable lacune. Dans un très bel album, ils ont réuni trente portraits de personnes âgées inconnues du grand public et pourtant remarquables chacune à sa façon - par son énergie, sa générosité, son originalité ou sa sagesse. Des gens ouverts sur le monde et sur les autres, qui font encore preuve d'un bel appétit de vivre et donnent sans compter. Chaque texte narre une rencontre émouvante; chaque dessin montre une personne qui irradie la bonté et dont les rides racontent une histoire. J'ai été particulièrement touchée par les cinq portraits de couples, à travers lesquels j'ai pu me projeter vieillissant aux côtés de Chouchou sans que s'émoussent ni nos sentiments, ni nos créativités respectives. "Vivre vieux!" est un livre plein d'humanité et de beauté, un ouvrage qui montre enfin le 3ème âge sous un jour engageant et donne envie de laisser s'installer en soi le passage du temps. Un cadeau délectable à offrir ou à s'offrir.