lundi 28 décembre 2009

"La grammaire de Dieu"


A priori, je ne suis pas fan de nouvelles. Mais j'étais en train de feuilleter ce recueil dont la couverture et le titre avaient attiré mon regard à la Fnac de Toulouse lorsque mon portable a sonné: c'était mon père, pour m'annoncer que mes valises disparues avaient été retrouvées et seraient livrées le soir même à son domicile. J'ai pris ça pour un bon présage et acheté "La Grammaire de Dieu : Histoires de solitude et d'allégresse".

Ainsi ai-je débusqué ma dernière très bonne surprise littéraire d'une année globalement assez riche. Car chacun des 25 petits récits qui composent cette "Grammaire de Dieu" est une merveille de cruauté et d'absurdité, aussi percutante que savoureuse. Bien sûr, ça grince de tous les côtés, mais d'une façon plus souvent jubilatoire que déprimante. Il y a de la satyre politique et religieuse, des portraits de marginaux et des mythes réinterprétés, le tout d'une écriture fine et enlevée, sans jamais de baisse de rythme ni de niveau. Je recommande absolument.

mercredi 23 décembre 2009

"La princesse des glaces"


Impossible d'entamer les aventures d'Erica Falck sans penser à "Millenium". D'abord parce que dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de séries policières dont le premier tome se déroule dans une ville minuscule de la côte suédoise. Ensuite parce que toutes deux sont éditées en France par Actes Sud, avec la même couverture noire bordée de rouge et ornée d'un dessin en médaillon.

La ressemblance, hélas, s'arrête là. Alors que dans "Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", les indices étaient distillés au compte-gouttes, avec une montée croissante de l'horreur, dans "La Princesse des glaces", on peut reconstituer les grandes lignes de l'intrigue dès la page 100 - et après, on s'ennuie un peu. Quant à Erica Falck, ce serait une héroïne fade et inintéressante même si on ne la comparait pas à Lisbeth Salander.

Mais le pire de tout, c'est la traduction française. Certes, je ne parle pas suédois; je suis cependant capable de reconnaître des phrases lourdes et mal construites, surtout quand il n'y a quasiment que ça sur près de 400 pages. J'ai passé toute ma lecture à raturer mentalement chaque page, à biffer des mots au feutre rouge, à corriger des erreurs de syntaxe et à tracer dans la marge de grandes points d'exclamation stupéfaits. Actes Sud m'avait habituée à mieux, et je me félicite de n'avoir pas investi directement dans le coffret paru à l'occasion des fêtes de Noël.

dimanche 20 décembre 2009

"Seule Venise"


Quittée par son grand amour, une femme à la dérive vient se réfugier à Venise en plein hiver pour noyer son chagrin dans les canaux et tenter de se retrouver. Rien de bien nouveau ou de bien compliqué, donc. Mais le charme de "Seule Venise" ne tient pas à son inventivité. Avec un style très simple - celui d'un journal intime, presque, d'autant que l'histoire est racontée à la première personne -, Claudie Gallay rend à merveille l'atmosphère hors du temps de Venise, véritable héroïne de son roman. En lisant ce dernier, on est instantanément transporté avec la narratrice à bord de vaporettos poussifs, le long de venelles embrumées ou dans le salon d'une pension de famille dont l'humidité décolle les tapisseries. Moi qui ne suis allée qu'une seule fois à Venise et qui n'ai pas du tout aimé, ce livre m'a donné envie d'y retourner pour contempler la ville d'un regard nouveau. Encore une belle découverte que je dois aux éditions Babel, filon quasi-inépuisable en la matière.

samedi 12 décembre 2009

"Rosalie Blum"


Il y a quelques années, j'avais lu et adoré un petit ouvrage inclassable acheté pour son titre rigolo: "Une araignée, des tagliatelles et au lit, tu parles d'une vie !". Aussi, quand j'ai vu que Camille Jourdy avait récidivé avec une bédé en trois tomes chaudement recommandée par les vendeurs de Brüsel, je n'y ai jeté qu'un rapide coup d'oeil avant de l'embarquer.
(Attention: spoilers)

"Rosalie Blum, Tome 1 : Une impression de déjà-vu", c'est l'histoire de Vincent, un coiffeur d'une petite trentaine d'années encore célibataire, qui vit seul dans l'appartement au-dessous de celui de sa vieille maman complètement siphonnée. Un jour, son chemin croise celui d'une épicière qu'il lui semble avoir déjà rencontrée, mais où? Par curiosité et pour tromper son ennui, Vincent se met à suivre cette femme à l'existence aussi morne que la sienne...

"Rosalie Blum, Tome 2 : Haut les mains, peau de lapin !", c'est l'histoire d'Aude qui a abandonné la fac et n'ose pas le dire à ses parents. Elle habite avec un Kolocataire cambrioleur et aspirant artiste de cirque, qui passe son temps à lui emprunter l'argent qu'elle n'a pas et fait défiler chez eux les animaux les plus bizarres. Un jour, sa tante Rosalie - le mouton noir de la famille - demande à Aude de suivre le mystérieux jeune homme qui la file depuis quelque temps afin d'en apprendre davantage sur lui.

Enfin, "Rosalie Blum, Tome 3 : Au hasard Balthazar !", c'est l'histoire de Rosalie qui traîne un lourd secret entre ses cours de chant dans une chorale, ses longues promenades solitaires et les soirées qu'elle passe à boire dans des bars. Elle a repéré Vincent et, bien loin de s'inquiéter qu'il la suive, elle s'en amuse et décide de le prendre à son propre piège.

J'ai eu un vrai coup de coeur pour cette mini-série, aussi réussie dans la forme que dans le fond. Des héros qui dérivent doucement sans s'en rendre compte ni vraiment en souffrir, des personnages secondaires complètement barrés et donc savoureux, un graphisme qui fait la part belle aux petits détails du quotidien, une histoire pleine de mélancolie et de tendresse: "Rosalie Blum" est une réussite à tous points de vue. Je vous la recommande très chaudement, d'autant qu'à l'occasion des fêtes de fin d'année, elle vient de sortir présentée dans un coffret qui fera un joli cadeau pour vous-même ou pour un amateur de bédé de votre entourage.

lundi 7 décembre 2009

"Sous le charme de Lillian Dawes"


Au printemps dernier, j'avais lu plusieurs critiques très élogieuses sur ce livre. Je pensais l'inscrire sur ma liste d'emplettes à faire, et puis j'ai oublié, et "Sous le charme de Lillian Dawes" m'est complètement sorti de la tête jusqu'à ce que je le retrouve sur une étagère de Pêle-Mêle, état quasi-neuf et au tiers de son prix originel.

Je suis bien contente que le hasard l'ait remis sur ma route, parce que j'ai passé un délicieux moment avec ce roman exquis. Pendant la Guerre Froide, Gabriel, orphelin de bonne famille âgé de 17 ans, vient de se faire expulser de son pensionnat de garçons. Il se réfugie à New York chez son frère aîné Stewart, un intellectuel qui fréquente secrètement les milieux communistes. En attendant la rentrée scolaire suivante, Gabriel traîne dans les rues et les cafés de Manhattan, fait la connaissance de son excentrique tante Lavinia tout juste rentrée d'Europe où elle vient de passer vingt ans, et surtout s'amourache de Lillian Dawes, une mystérieuse jeune femme qui multiplie les talents et les identités...

Roman initiatique, "Sous le charme de Lillian Dawes" met en scène un héros qui m'a fait penser à Holden Caulfield face à une héroïne que l'on imagine sans peine interprétée par Audrey Hepburn. L'atmosphère du New-York de l'après-guerre y est décrite de façon très évocatrice, avec une plume à la fois légère et grave, empreinte d'une élégance mélancolique comme les errances de Gabriel. Malgré une fin un peu rapide à mon goût, un très joli moment de lecture.

samedi 28 novembre 2009

"Un crayon dans le coeur"


Quand j'ai dit que je n'avais rien à bouquiner pendant ma retraite forcée, j'ai un tout petit peu menti. En fait, Christine m'a rendu hier une bédé que j'avais achetée et oubliée chez elle le mois dernier. Mais c'était une toute pitite bédé, que j'ai lue en une demi-heure avant de me coucher, donc on va dire que ça ne compte pas. Enfin, assez quand même pour me fournir un sujet de post :-)

Or donc, Laurel fait partie de ces dessinatrices/illustratrices qui se sont fait connaître grâce à leur blog et à qui on a proposé de publier un bouquin basé sur les meilleures planches d'icelui. Mais contrairement à une Margaux Motin ou une Pénélope Bagieu, ce n'est pas un archétype de Parisienne branchée, accro aux fringues et aux ragots entre copines. Attention: j'adore cet archétype-là; il fournit la base de gags hilarants. Mais c'est bien de lire les aventures d'un autre genre de fille, une fois de temps en temps.

Laurel a une petite Cerise qu'elle élève seule, une chatte nommée Choupinette, et pas trop de chance en amour. Elle raconte sa vie avec humour, bien sûr, mais surtout avec une sincérité touchante, sans passer sous silence les moments les plus tristes. Elle ne cherche pas à se composer un personnage en faisant un tri soigneux parmi ses anecdotes personnelles: elle aborde tous les sujets, y compris ceux qui font mal. De ce fait, sa bédé ressemble plus à un journal intime illustré qu'à un recueil de gags, et on s'attache davantage à son auteur au fil des pages. La bonne nouvelle, c'est qu'après l'avoir terminée, on peut continuer à suivre les aventures de Laurel sur son blog.

mercredi 25 novembre 2009

"Lorsque nous vivions ensemble" Vol. 1


Intriguée par l'épaisseur de ce manga et par la petite étiquette "Coup de coeur" qu'y avait collée un des employés de Brüsel, je l'ai feuilleté peu de temps après sa parution. Et trouvant le dessin franchement daté (pour cause: l'édition originale date de 1972!), je l'ai reposé aussitôt.
Quelques semaines ou quelques mois plus tard, j'ai vu Miss Sunalee acheter le volume 2. "Tu trouves ça bien?" ai-je demandé, intriguée. Elle a acquiescé avec enthousiasme, et le week-end suivant, à l'occasion de mon passage chez Cook&Book avec Kris et Céline, j'ai fini par faire l'acquisition du premier volume.

"Lorsque nous vivions ensemble" raconte l'histoire de Jirô et Kyoko, un couple de jeunes gens qui, bien que non mariés, partagent un studio ensemble à Tokyo. Je m'attendais à un récit léger, fait de petites choses du quotidien narrées sur le ton de la comédie. Je n'aurais pas pu être davantage à côté de la plaque. Dès les premiers chapitres s'installe une atmosphère lourde, très lourde. Tout n'est pas rose au royaume de la cohabitation mal tolérée dans un Japon où la libération des moeurs reste encore embryonnaire. Et surtout, un tas de personnages secondaires inquiétants ou juste tragiques gravite autour des deux héros: ici, un prêtre mutilé se masturbe devant un tableau de Mona Lisa; là, un jeune garçon incestueux conserve précieusement le cadavre pourrissant de sa soeur; ailleurs, une fillette massacre des animaux domestiques.

Jirô et Kyoko demeurent pourtant assez intouchés par tous ces drames. Ils sont trop centrés sur leur relation et sur les difficultés de celle-ci pour se préoccuper vraiment de ce qui ne les concerne pas. Illustrateur free lance, Jirô peine à gagner sa vie et à trouver la stabilité requise pour fonder un ménage. Face à lui, Kyoko tantôt clame crânement qu'elle aime leur liberté, tantôt pleure de la précarité à laquelle cette situation les condamne. Leur relation est passionnée et tumultueuse; empreinte parfois de violence, parfois d'une tendresse poignante, elle déborde en toutes occasions d'une énergie sexuelle que rien ne parvient à éroder.

Quant au dessin, j'ai très vite oublié son aspect daté pour me pâmer devant le sens de la composition de Kazuo Kamimura et sa faculté à restituer une atmosphère. Bref, malgré ma perplexité initiale, j'ai adoré ce manga et vais de ce pas faire l'emplette de la suite.

mardi 24 novembre 2009

"Les larmes de Tarzan"


Après avoir adoré "Le mec de la tombe d'à côté" de Katarina Mazetti, je ne pouvais que me laisser tenter par son nouveau roman traduit en français - d'autant que, reprenant la recette du précédent avec de nouveaux ingrédients, il promettait ce tour de force que peu d'auteurs parviennent à accomplir: refaire pareil tout en faisant différent.

La recette, donc, c'est deux êtres que tout oppose et qui pourtant vont vivre une histoire d'amour compliquée, à la fois cocasse et touchante. Dans "Le mec de la tombe d'à côté", une jeune veuve intellectuelle et citadine jusqu'au bout des ongles craquait pour un agriculteur bien enraciné dans sa campagne. Ici, une mère célibataire, professeur d'arts plastiques à temps partiel et chroniquement fauchée, entremêle presque à son insu sa vie à celle d'un jeune loup plein aux as qui roule en Lamborghini, accumule les conquêtes et déteste les enfants saboteurs de sièges en cuir.

On retrouve le principe du récit à deux voix alternées (et même quatre, car les bambins interviennent de temps à autre pour faire part de leur point de vue), les héros hautement imparfaits et l'humour un peu grinçant des situations. Mais cette histoire-là possède aussi une dimension sociale indéniable à travers le personnage de Mariana, dite "Tarzan", qui n'a pas toujours de quoi payer sa facture de téléphone ou acheter à manger à ses enfants. Elle représente une catégorie de nouveaux pauvres invisibles, ceux qui ont un toit et un métier et qui pourtant se couchent parfois le ventre vide. On aurait pitié d'elle si Katarina Mazetti n'en faisait pas une femme si pragmatique et si pleine de ressources, dont un humour féroce n'est pas la moindre. A côté d'elle, Janne l'homme d'affaires bousculé dans sa vie et ses habitudes paraît un peu terne. Mais c'est le seul reproche que je ferais à ce très chouette bouquin.

vendredi 20 novembre 2009

"Her fearful symmetry"


Avant de commencer ce livre, je me suis promis une chose: ne pas tenter de le comparer à "The time traveller's wife". Parce que des romans qui m'ont émue à ce point, il doit y en avoir moins d'une vingtaine sur les milliers que j'ai lus dans ma vie, et il était impossible qu'un auteur parvienne à réitérer un tel exploit. Je me disais que si je lisais "Her Fearful Symmetry" en espérant quelque chose qui ressemble à, ou au moins qui me touche autant que le précédent opus d'Audrey Niffenegger, je ne pourrai être que déçue. Donc, je l'ai abordé avec un esprit vierge de toute attente sinon celle que j'ai chaque fois que j'entame un nouveau livre: passer un bon moment.

Et j'ai quand même été déçue.

Le pitch était pourtant alléchant. A la mort de leur tante Elspeth, qu'elles n'ont jamais connue, les jumelles Julia et Valentina héritent d'un appartement à Londres avec l'étrange consigne de l'habiter pendant un an avant d'en disposer comme bon leur semblera. Ainsi se retrouvent-elles voisines de Martin, un homme en proie à des troubles obsessionnels compulsifs qui ont fini par avoir raison de son mariage, de Robert, l'ancien compagnon d'Elspeth absolument inconsolable depuis sa mort, et surtout du cimetière de Highgate, un lieu historique entretenu par des bénévoles. Très vite, Valentina, la plus fragile des deux soeurs, perçoit la présence d'un fantôme dans leur nouvelle demeure...

Je pensais atmosphère londonnienne gothique, je pensais tourments amoureux et romantisme échevelé, je pensais regard perspicace sur la gemellité, je pensais fin poignante qui me nouerait la gorge, voire me tirerait une petite larme. Au lieu de ça, j'ai eu deux héroïnes insipides et caricaturales, un pseudo-héros ténébreux d'une fadeur à pleurer, une histoire qui n'en finissait plus de se mettre en place, un cadre plein de potentiel très mal exploité, une décision aussi irrationnelle qu'extravagante contre laquelle il ne fut protesté que très mollement, un plan ridicule, un secret de famille qui ne tenait pas debout et un petit twist final donnant à l'ensemble un sursaut mélancolique mais bien insuffisant pour rattraper la mollesse de l'ensemble.

Moralité: si vous voulez lire une trèèèès bonne histoire de jumelles, quelque chose qui vous prendra aux tripes et vous fera vraiment vibrer, offrez-vous plutôt "26a" de Diana Evans, en français et en livre de poche chez Pocket.

lundi 16 novembre 2009

"L'échappée belle"


Je ne déteste pas les bons sentiments, bien au contraire. J'adore refermer un livre ou ressortir d'une salle de cinéma le sourire aux lèvres et le coeur plus léger. Mais les jolies choses ne sont pas nécessairement les plus palpitantes. Pour capter l'attention de quelqu'un en lui parlant de choses du quotidien ou en lui racontant la vie de gens ordinaires à qui il n'arrive rien de spécial, il faut beaucoup, beaucoup de talent. Exemples d'essais transformés en littérature: "La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" de Philippe Delerm ou "Ensemble c'est tout" d'Anna Gavalda, deux bouquins que j'ai adorés malgré l'enthousiasme quasi-unanime qu'ils ont soulevé à l'époque de leur sortie. (Oui, "malgré", car je suis une snob littéraire et me méfie du consensus public en la matière. Mais j'ai mes raisons. Trois d'entre elles se nomment Dan Brown, Marc Lévy et Guillaume Musso. Si vous voyez ce que je veux dire.)

J'avais déjà parlé ici de ma déception à la lecture du roman suivant d'Anna Gavalda, "La consolante". Son cinquième opus paru au début du mois chez Le Dilettante ne rattrape en rien cette mauvaise impression. Une histoire de frères et soeurs qui s'échappent d'un mariage à la campagne pour se payer une dernière virée dans l'enfance, ça aurait pourtant pu être sympa. Manque de chance: ça reste superficiel et franchement insipide. On ne fait pas un bon bouquin en se contentant d'accumuler des touches de dégoût facile et de nostalgie convenue. Je sais qu'Anna Gavalda a écrit "L'Echappée belle" il y a déjà huit ans, pour répondre à une commande de France Loisirs qui souhaitait offrir une oeuvre originale à ses lecteurs. Je veux bien croire qu'elle a subi des contraintes de volume qui l'ont empêchée de développer sa trame pour en faire quelque chose de plus intéressant. Mais là, la jolie couverture aux cornets de riz cache un texte pareil à une barbe à papa: trop sucré, inconsistant et franchement hors de prix pour la satisfaction qu'on en retire.

dimanche 15 novembre 2009

"The creative license"


Si les ouvrages sur les art journals des autres ne manquent pas, il est beaucoup plus difficile d'en trouver un qui motive le lecteur pour se lancer à son tour, surtout s'il ne possède aucune notion de dessin et pas la moindre idée sur la façon de procéder. J'ai longtemps cherché, et mon obstination vient enfin d'être récompensée: "The Creative License" de Danny Gregory est le manuel que j'attendais, et plus encore.

Après avoir très rapidement convaincu le lecteur que dessiner est à la portée de chacun et que cela enrichira sa vie en l'obligeant à regarder vraiment les choses qui l'entourent, l'auteur enchaîne par une série d'exercices faciles et passionnants. Chaque chapitre de son livre est un parfait mélange de conseils, d'anecdotes, de citations inspirantes et de dessins extraits de ses propres carnets. Il n'est pas une page qui ne donne des fourmis dans les doigts et une furieuse envie de lâcher tout ce qu'on est en train de faire pour se mettre à gribouiller avec un enthousiasme fiévreux. Un must pour tous les aspirants carnettistes. Je suis sûre que même les dessinateurs chevronnés adoreraient.

mercredi 11 novembre 2009

"Septembre en t'attendant"


Alissa Torres est enceinte de son premier enfant lorsque son mari, qui travaillait au World Trade Center depuis la veille, est tué dans les attentats du 11 septembre 2001. Commence alors pour la jeune femme un long parcours du combattant. Il lui faut non seulement faire le deuil de son époux avec qui elle était en froid la dernière fois qu'elle l'a vu, mais aussi se préparer à son nouveau rôle de mère dans des circonstances matérielles difficiles...

Beaucoup d'oeuvres de fiction ont été écrites sur la tragédie qui frappa New York en ce mardi funeste, voici déjà huit ans. Ce qui fait la force de "Septembre en t'attendant", c'est son côté journal intime. Le lecteur vit le drame de l'intérieur: les cauchemars de la jeune femme qui imagine son époux se jeter du 83ème étage, sa lutte incessante pour obtenir les dédommagements financiers qui lui sont dus, les absurdités bureaucratiques auxquelles elle se heurte, la nécessité pourtant de continuer à avancer pour son bébé... Mais aussi les souvenirs de temps plus heureux qui nous permettent de reconstituer sa vie d'avant - avant qu'elle ne soit plus qu'une victime d'abord prise en pitié, puis en butte à une étrange hostilité pour son statut de veuve du 11 septembre. C'est un parcours bien solitaire et bien douloureux que retrace là le dessinateur Sungyoon Choi. "Septembre en t'attendant" est plus qu'une simple bédé: un documentaire historique intime et émouvant.

lundi 26 octobre 2009

"La Marque" (Kushiel T1)


Lorsque je me suis inscrite sur Facebook en décembre dernier, une des premières choses que j'ai faites a été de télécharger l'application Visual Bookshelf qui permet de dresser des listes d'ouvrages lus en leur donnant une note et, éventuellement, en y adjoignant une critique accessible aux autres utilisateurs.

Dix mois plus tard, mon étagère virtuelle compte pas moins de 165 titres, dont 61 romans. Sur ces 61 romans, j'ai mis 5 étoiles (la note maximum) à 2 seulement: "L'ombre du vent" de Carlos Ruiz Zafon, et "La Marque", premier tome d'une trilogie de fantasy historique écrite par Jacqueline Carey.

Précisons déjà ce que j'entends par "fantasy historique". Il s'agit d'un récit de fiction qui se déroule dans un univers médiéval différent du nôtre (même si sa carte a été clairement calquée sur l'Europe), et dans lequel on ne retrouve aucune créature tolkiennisante tels qu'elfes graciles, nains bourrus ou orcs qui puent du bec. La magie y est également absente, à l'exception du pouvoir de divination très peu "donjon-et-dragonnesque" que possèdent les Tsinganos. Ce qui fait de Kushiel une très bonne série pour initier à la fantasy les lecteurs avides de belles histoires épiques mais un peu réfractaires au côté "chevaliers, sorcières et dragons".

Que trouve-t-on alors dans "La Marque"? Des intrigues politiques aussi retorses que passionnantes (et vous pouvez me faire confiance: d'ordinaire, ce genre de chose me fait l'effet d'un Lexomil). De l'aventure épique, pleine de sexe et de sang, de ruse et de violence, d'amour et de mort. Une religion basée sur la prostitution et le plaisir, qui enjoint ses adeptes à "aimer comme ils l'entendent". Et surtout, des flopées de personnages hauts en couleurs, aux passions vibrantes et dévastatrices, dont l'héroïne n'est évidemment pas le moindre.

Phèdre nò Delaunay est une anguissette. Marquée par le signe du dieu Kushiel, elle possède un don très rare qui lui vaut d'éprouver le plaisir dans la souffrance - ce qui fait d'elle une courtisane convoitée et une espionne exceptionnelle. Bien qu'élevée depuis l'enfance pour servir, c'est une jeune femme au caractère bien trempé, loyale envers sa patrie et ceux qu'elle aime, torturée par les trahisons que son "don" lui fait commettre malgré elle. Autour d'elle s'agitent une foule de courtisans opportunistes, de poètes au passé mystérieux, de nobles comploteurs, de seigneurs barbares, de guerriers aux motivations obscures et d'amis rares mais dévoués. Par leur intermédiaire, elle va se retrouver mêlée à un complot visant à déstabiliser le trône de son cher pays de Terre d'Ange...

Difficile d'en raconter davantage sans déflorer l'intrigue de ce roman que les lecteurs de Bragelonne ont élu meilleur livre publié en 2008 par l'éditeur (sur plus d'une centaine). Mais si vous aimez les histoires haletantes et les héroïnes inoubliables, et si les gros pavés, loin de vous faire peur, vous mettent en appétit, foncez: je vous garantis que vous ne serez pas déçus.

mardi 13 octobre 2009

"Accès direct à la plage"


A Monpatelin, une pièce entière est consacrée à ma bibliothèque. Et elle est pleine à craquer. Comme je continue à acheter des livres à un rythme infernal et que je n'ai aucune intention d'investir dans un manoir pour les loger, j'ai instauré la règle suivante: "One in, one out". En d'autres termes, pour chaque bouquin lu que je décide de garder, je dois me séparer d'un autre moins aimé. Ainsi ma bibliothèque présente-t-elle une sélection de plus en plus pointue des ouvrages qui ont jalonné ma vie.

Comme je suis tout à fait incapable de jeter des livres, j'attends généralement d'en avoir de quoi remplir un sac recyclable et je porte le tout chez un bouquiniste. Ainsi, je récupère quelques euros et d'autres gens pourront profiter de mes bouquins nickel à bas prix. A priori, c'est un bon plan. Sauf que de temps en temps, au lieu de repartir avec mes 20 ou 30€ en poche, je les réinvestis directement dans des livres d'occasion.

Voilà comment j'ai fait l'acquisition de ce premier roman de Jean-Philippe Blondel, auteur découvert il y a quelques années avec son "Juke Box" et suivi avec intérêt depuis lors. J'aime beaucoup sa façon de faire revivre le passé, à l'aide de petits détails évocateurs et d'émotions universelles. "Accès direct à la plage" n'est pas bien épais, et je pensais n'y trouver que des souvenirs de vacances délicieusement nostalgiques. En réalité, ce roman a bien plus à offrir. Au fil des ans et des lieux de villégiature estivale, différents personnages se racontent, et on s'aperçoit bientôt que chacun d'eux est lié à au moins un des autres d'une façon parfois émouvante, parfois troublante ou carrément dérangeante. Ainsi les récits individuels tissent-ils la trame d'une histoire plus vaste et plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Ce côté "puzzle" qui m'a rappelé "Triste revanches" de Yoko Ogawa fait d'"Accès direct à la plage" un excellent bouquin de sac à savourer petit morceau par petit morceau.

dimanche 11 octobre 2009

"L'anniversaire de la salade"


Comme le haïku auquel il a donné naissance, le tanka est une forme de poésie japonaise extrêment codifiée dans sa forme et qui, au niveau du fond, se doit de capturer un instant fugace vécu personnellement par l'auteur. Quelque peu négligé de nos jours, il a suscité un récent regain d'intérêt grâce à ce recueil publié par Machi Tawara, une jeune institutrice qui y raconte son quotidien et ses émois avec une délicatesse toute frémissante.

"L'Anniversaire de la salade" n'est ni aussi juvénile ni aussi sucré que sa couverture française le laisse supposer, mais il possède une fraîcheur indéniable qui fait que l'on tourne et retourne longuement chacune de ses strophes dans sa tête, comme on laisserait fondre lentement un carré de très bon chocolat sur sa langue pour mieux le déguster. La joie d'être en vie et les élans amoureux se mêlent avec bonheur à une certaine mélancolie lucide; les réflexions profondes côtoient harmonieusement des considérations très terre-à-terre. En refermant ce livre, je me suis dit que j'aurais adoré être amie avec son auteure. Et aussi que j'avais encore beaucoup de progrès à faire en matière d'écriture.

jeudi 1 octobre 2009

"Joséphine 2: Même pas mal" et l'Agenda 2010 de Pénélope


Le premier tome de "Joséphine" m'avait inspiré une réaction mitigée. Le second m'a davantage plu, et même arraché quelques éclats de rire. Mais je maintiens qu'il lui manque l'ironie mordante et la mauvaise foi caractérisée qui ont fait le succès mérité de la Vie Fascinante de l'auteure. Au lieu de ça, sans doute pour tenter de créer un personnage fictif vraiment différent d'elle, Pénélope Bagieu continue de puiser à la source intarissable des clichés Cosmopolitan sur les Bridget Jones d'aujourd'hui. Le résultat est fort sympathique mais pas fracassant.

Par contre, je craque littéralement pour son Agenda 2010 vendu au prix ridicule de 8€. A peine plus gros qu'un livre de poche, muni d'une solide couverture cartonnée et d'un marque-page en satin gris, il est bourré de dessins originaux: un pour annoncer chaque mois, et d'autres pour illustrer les listes que Pénélope nous propose de dresser tout au long de l'année ("Les pires daubes que j'ai vues au cinéma", "Les choses les plus stupides que j'ai pu faire par amour", "Les mauvaises idées que j'ai eues en matière de look"*, "Les super-pouvoirs que j'aimerais avoir", "Les chansons honteuses que je connais par coeur", "Les choses que je ferais avec 1 million d'euros"...). Je sens que je vais beaucoup m'amuser à le remplir.

*Là, j'ai peur qu'une page ne suffise pas, ou alors je vais devoir écrire tout petit petit...