vendredi 29 avril 2016

"La légèreté" (Catherine Meurisse)


Parce qu'elle ruminait une rupture récente dans son lit, Catherine Meurisse, 35 ans, dessinatrice, est arrivée en retard à la conférence de presse de Charlie Hebdo le 7 janvier dernier. Ainsi, elle n'a pas été tuée avec ses amis - mais elle a quand même un peu perdu la vie elle aussi. Placée sous escorte policière constante, hébétée par l'ampleur des mouvements populaires, elle ne parvient absolument pas à digérer ce qui s'est passé et commence par faire de l'amnésie partielle, puis ce que les psys appellent de la dissociation. Afin de se retrouver et de reprendre goût à la vie, elle part séjourner à la Villa Médicis, en Italie, dans l'espoir d'y connaître l'éblouissement par la beauté connu sous le nom de "syndrome de Stendhal"...

Je craignais de me sentir un peu voyeuse à la lecture d'un témoignage si personnel concernant un événement tragique qui a été récupéré de toutes les manières possibles et imaginables au cours de l'année écoulée, mais non. Peut-être parce que malgré la franchise dont elle fait preuve dans son récit, Catherine Meurisse ne s'apitoie jamais sur elle-même, et aussi parce qu'au milieu de sa douleur surnagent une saine révolte et cet esprit mordant qu'elle partageait avec ses collègues. L'émotion sincère se mélange à l'humour noir, ses souvenirs du passé à sa quête présente de légèreté. Une oeuvre qui touche au bon sens du terme.





jeudi 28 avril 2016

"The little shop of Happy Ever After" (Jenny Colgan)


En Angleterre, les bibliothèques licencient à tour de bras. Lorsqu'elle perd son emploi, Nina se demande comment elle pourrait bien faire pour continuer à travailler avec ces livres qu'elle aime tant. La réponse se présente à elle sous la forme d'un camion à vendre dans un petit village écossais, et qu'elle envisage de ramener dans sa ville de Birmingham pour en faire une librairie ambulante. Hélas, la municipalité lui refuse un permis de stationnement. C'est ainsi que Nina plaque tout pour aller s'installer à Kirrifief et, avec l'aide d'un conducteur de train amateur de poésie, tenter de faire de son rêve une réalité...

Paru un peu avant "La petite boulangerie du bout du monde", "The Little Shop of Happy-Ever-After" (qui n'a à ma connaissance pas été traduit en français) obéit exactement au même schéma: une jeune citadine perd son gagne-pain et se voit forcée de repartir à zéro dans un endroit isolé. Là, elle commence par déprimer avant de s'intégrer à la communauté, connaît une première romance qui se termine mal puis trouve l'amour en sauvant au passage un(e) ado mal parti(e) dans la vie. Cela dit, la recette a fonctionné encore cette fois - d'autant mieux que si je ne détestais pas conduire, je rêverais moi aussi de devenir libraire ambulante comme Nina et de convertir des villages entiers à la lecture. L'évocation de la campagne écossaise, où je n'ai encore jamais mis les pieds, m'a complètement séduite et transportée. En ce qui me concerne, 340 pages de pure et délicieuse évasion!

"Nina had called around the authorities and been told that to get a licence to sell from the van would be difficult bordering on impossible. Apparently it would be much easier if she just wanted to flog burgers and cups of tea and dodgy hot dogs. She had pointed out to the man at the council that surely it would be much easier to accidentally kill a member of the public with a dodgy burger than with a book, and he had replied with no little snippiness in his voice that she obviously hadn't read Das Kapital." 

"- Do you read?
Lennox shrugged. 
- Don't see the point.
Nina's eyebrows lifted. 
- Really? 
(...)
- I never understand, he said, shaking his head, why anyone would go to the trouble of making up new people in this world when there's already billions of the buggers I don't give a shit about."

mercredi 27 avril 2016

"Les petits soleils de chaque jour" (Ondine Khayat)


Clélie vit une retraite paisible après avoir fait le bonheur des clients de la boulangerie Destempes pendant plus de quarante ans, en leur vendant pains et gâteaux confectionnés avec mour. Mais à l'aube de l'été, Colline, la petite-fille de la maison, bouleversée par le divorce de ses parents, perd littéralement le goût de vivre. Touchée par la détresse de cette enfant de neuf ans, Clélie lui propose de venir passer les grandes vacances avec elle. Elle va lui présenter ses voisins et amis de la place des Ternes qui, chacun à sa manière, vont répondre à ses interrogations sur le sens de la vie et l'aider à trouver sa place dans le monde. 

D'emblée, la couverture du roman d'Ondine Khayat annonce la couleur et le ton: "Les petits soleils de chaque jour" sera rose et sucré. Colline, enfant que son hypersensibilité rend dépressive et anorexique, retrouve le goût de vivre grâce à une série de rencontres avec des adultes bienveillants, souvent assez âgés, qui lui transmettent leur sagesse et leurs "trucs" pour faire face aux difficultés. Ainsi l'auteure balaye-t-elle tout un éventail de techniques de développement personnel d'une façon plus subtile et plus littéraire que, par exemple, "Ta deuxième vie commence quand tu te rends compte que tu n'en as qu'une". Le titre, notamment, fait allusion à ces petits bonheurs qu'il est recommandé de collectionner au quotidien. Un vieux monsieur initie Colline à la méditation; une ancienne professeure de français lui apprend à se nourrir de la beauté des oeuvres classiques; une cantatrice lui enseigne des exercices de respiration... L'ensemble donne une jolie fable moderne, qui se lit toute seule et qui fait chaud au coeur.

"Quarante ans dans une boulangerie. Quarante ans à vendre du bonheur. Ce que Clélie préférait, c'étaient les pains-surprise, vendus pour les réceptions. Tout le monde ne sait pas recevoir, Clélie s'en était rendu compte. Il y a des gens qui n'aiment pas les surprises, ils ont trop peur de ce qu'ils pourraient découvrir. D'autres amassent tout ce qu'ils trouvent par peur de manquer. D'autres encore ne disent jamais merci. Clélie, elle, adorait les surprises, y compris les mauvaises. Dans la vie, tout est bon à prendre quand on ne s'attend à rien. C'est l'avantage."

Merci aux éditions Michel Lafon pour l'envoi de ce livre. 

lundi 25 avril 2016

"Les mystères de Larispem T1: Le sang jamais n'oublie" (Lucie Pierrat-Pajot)


1899. Depuis que, un quart de siècle auparavant, une révolution a destitué l'empereur, chassé la noblesse et instauré une société égalitaire, Paris est devenue la cité-état de Larispem. Michelle Lancien, autrefois ouvrière et désormais présidente, tient à ce que chacun y mange décemment et en abondance, si bien que la caste des bouchers (ou louchébems, dans leur propre argot) jouit d'un prestige à nul autre pareil. De son côté, l'auteur et visionnaire Jules Verne est chargé de superviser les innovations technologiques qui font toute la modernité de Larispem. C'est dans ce contexte que, lors du pillage d'un manoir abandonné, Liberté la grassouillette technicienne et son amie Carmine la fille d'esclave noir devenue bouchère découvrent un étrange carnet écrit en code - et que les Frères du Sang, descendants d'aristocrates aspirant à reprendre le pouvoir, recommencent à se manifester en trafiquant les cylindres des automates de réclame...

"Les mystères de Larispem" a remporté le concours du premier roman jeunesse organisé par Gallimard, qui avait déjà révélé Christelle Dabos et sa fabuleuse série "La passe-miroir". Sans atteindre, à mon humble avis, le niveau de cette dernière, le tome 1 intitulé "Le sang jamais n'oublie" s'annonce toutefois très prometteur. Sous la houlette de dirigeants bienveillants et intègres, la société steampunk qu'il dépeint frise l'utopie sociale et donne très très envie de vivre à Larispem. Mais bien entendu, de sombres complots se trament dans les coins, menaçant de bouleverser ce merveilleux équilibre. J'ai aimé le fait que la narration alterne les points de vue de trois jeunes héros très différents d'origine et de caractère: Liberté et Carmine, mais aussi Nathanaël l'orphelin; cela permet de découvrir plusieurs aspects de ce Paris alternatif et d'aborder l'intrigue sous des angles qui, en se combinant, permettent au lecteur de comprendre de quoi il retourne plus vite que les personnages sans toutefois lui gâcher le plaisir. Mon seul regret, c'est que ce tome 1 est bien bref - un peu moins de 3h de lecture en ce qui me concerne, et sans forcer. J'ai eu l'impression d'une simple mise en bouche, et refermé le livre assez frustrée de devoir attendre la parution du suivant pour entrer dans le vif du sujet.

lundi 18 avril 2016

"Everything, everything" (Nicola Yoon)


Madeline vient de fêter ses dix-huit ans, et elle n'a jamais mis les pieds hors de sa maison. En effet, elle souffre d'une forme d'immuno-déficience sévère, la maladie de l'enfant-bulle, et tout contact avec l'extérieur pourrait lui être fatal. C'est pourtant une jeune fille gaie, très proche de sa mère médecin qui l'élève seule depuis le décès de son père et de son frère dans un accident de la route, et de son infirmière Carla qui a fini par devenir aussi son amie. Elle lit énormément, suit des cours par correspondance et passe pas mal de temps à discuter sur internet. Le monde extérieur ne lui manque pas tant que ça, jusqu'au jour où une nouvelle famille vient s'installer dans la maison voisine...

Malgré ce que son titre pourrait laisser croire "Everything, everything" est bien la traduction française du premier roman de Nicola Yoon (même si, pour ma part, je l'ai lu en anglais). Maddy, un peu naïve à cause de son éducation mais pleine de bon sens et d'humour,  va tomber amoureuse d'Olly, adepte du parkour en butte à de sévères problèmes familiaux, et leur histoire va l'amener à remettre en cause tout ce qui faisait sa vie jusque là. Le récit à la première personne est agréablement entrecoupé de documents médicaux, de dessins et de croquis réalisés par Madeline, des résumés lapidaires des romans qu'elle lit ("Sa majesté des mouches": Les garçons sont des sauvages.), des définitions de son dictionnaire personnel ou encore des Post-It que lui laisse son infirmière remplaçante - sans parler de ses conversations sur internet avec Olly. L'ensemble donne une narration fantaisiste et très vivante. J'ai vu venir la fin d'assez loin, mais à la décharge de l'auteur, c'était la seule possible pour ne pas conclure d'une façon déprimante qui aurait par trop tranché avec le reste du bouquin. Une lecture rapide et plaisante.

vendredi 15 avril 2016

"Je me souviens de tous vos rêves" (René Frégni)


"Chaque année en septembre j'ai peur de mourir, alors j'achète un cahier. J'ai peur de mourir depuis l'âge de cinq ans, tous les jours, à chaque heure du jour et encore plus au milieu de la nuit, quand je vais aux toilettes sans allumer. Si j'allumais j'aurais encore plus peur. En septembre c'est beaucoup plus cruel. C'est si beau septembre, si limpide, si bleu. Chez nous, ici, c'est le plus beau mois de l'année. Ce n'est pas un mois, c'est un fruit. "

Ainsi commence "Je me souviens de tous vos rêves", extrait du journal intime tenu par René Frégni entre septembre 2014 et février 2015. "Chez nous", c'est du côté de Manosque, dans la campagne provençale - donc, c'est aussi un peu chez moi. Et dès les premiers chapitres, où l'auteur décrit les virées de chasse durant lesquelles il accompagnait son père comme je le faisais moi-même enfant, je me suis tout pris dans la figure, la lumière du jour naissant, le murmure des ruisseaux à l'eau glacée, le crincrin des insectes, le goût acide des raisins pas tout à fait mûrs chipés dans les vignes, le plumage moucheté des grives inertes entassées dans la gibecière... 

Quels points communs puis-je bien avoir avec un sexagénaire qui a déserté l'armée autrefois, fait de la prison, réussi à s'évader, élevé seul sa fille unique, passé plusieurs décennies à battre la campagne et à transmettre l'amour de la lecture à des détenus? Plus que je n'aurais pu le croire. La nécessité d'écrire, pour commencer. Les angoisses de mort, évidemment. La peur de perdre la vue. Le chagrin à la disparition d'un chat bien-aimé. La solitude apprivoisée. L'émerveillement devant les choses les plus simples. Un fantôme parental. Une révolte sourde face au sort des déshérités, une sympathie instinctive pour ceux qui finissent par tout casser. "C'est facile de parler de tolérance lorsqu'on possède tout, de donner des leçons de tolérance la bouche pleine de petits-fours. Les racines du mal... Il y a un banquet, et ce sont toujours les mêmes qui sont autour de la table sous des lustres d'or. Alors, de temps en temps, ceux qui regardent renversent tout."

Je crois que les livres qui nous ont le plus ému sont ceux dont il nous est le plus difficile de parler. Dans le cas de "Je me souviens de tous vos rêves", je pourrais vanter sa "mélancolie solaire" (pour reprendre l'expression sur le bandeau de couverture), son mélange de douceur et de rudesse, la profonde humanité qui transpire de chacune de ses phrases, mais aucun de ces arguments ne suffirait à exprimer combien il m'a touchée.

mardi 12 avril 2016

"Nous" (David Nicholls)


Douglas Petersen, biochimiste de cinquante-quatre ans, forme une famille heureuse avec sa femme Connie et leur fils adolescent Albie. Du moins, c'est ce qu'il croit. Mais à la veille de partir faire un Grand Tour d'Europe avant qu'Albie ne commence ses études, Connie lui annonce qu'elle envisage de le quitter... Dès lors, le voyage culturel soigneusement préparé par Douglas se transforme en aventure pour reconquérir l'affection de sa femme et se rapprocher de son fils avec lequel il a toujours eu des rapports distants. Sauf que rien ne va se passer comme prévu...

Je me méfie toujours un peu des best-sellers, surtout quand ils ont des allures de comédies romantiques. Mais j'avais beaucoup aimé "Un jour" du même auteur, qui m'avait agréablement surprise par son absence de facilité et un réalisme frôlant parfois la noirceur. Et je suis ravie de rapporter qu'il en fut de même pour "Nous". Cette peinture douce-amère pose des réflexions très bien vues sur la routine dans un couple de longue durée. Quand la passion s'est envolée depuis belle lurette et que les enfants s'apprêtent à en faire autant, que reste-t-il pour lier deux personnes d'âge mûr qui s'aiment et se respectent toujours mais commencent à s'ennuyer sérieusement? Comment faire pour que les différences qui ont attiré les deux partenaires l'un vers l'autre autrefois ne finissent pas, à terme, par les séparer?

Ce thème à la fois banal et douloureux est exploré à travers les yeux du narrateur, un scientifique plein de bonne volonté mais dont la sensibilité et l'empathie ne sont pas les points forts. Au fil d'un périple estival en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie et en Espagne, il se démène pour maintenir l'intégrité de sa famille avec une maladresse souvent touchante et une absence de résultat finalement assez compréhensible. Ses interrogations sincères, non seulement sur le couple, mais aussi sur la parentalité et la vie en général, ont fait écho jusque chez moi qui ne partage pourtant pas du tout sa situation. En contrepoint, l'aspect touristique du roman et les réflexions de Douglas sur l'art apportent une touche de fraîcheur et d'humour qui évite de verser dans une atmosphère démoralisante. Bref, j'ai dévoré "Nous" avec beaucoup de plaisir, et je n'hésiterai sûrement pas à faire l'acquisition du prochain David Nicholls.

"Notre boulot était terminé. Nous avions élevé un fils qui était... bon, au moins il était en bonne santé. De temps à autre, lorsqu'il s'imaginait que personne ne le regardait, il avait l'air heureux. Il était populaire à l'école, jouissait apparemment d'un certain charme. Et bien sûr, il était exaspérant au possible. Il avait toujours paru être le fils de Connie avant d'être le mien. Plus proche d'elle, il prenait invariablement son parti, et même s'il me devait la vie, je le soupçonnais de considérer que sa mère aurait pu faire un meilleur choix. Pour autant, était-il réellement le seul but, le seul produit, le seul résultat de vingt années de mariage?" 

"Je ne voyais aucun lien évident entre la peine immense que j'ai éprouvée au moment de sa mort et la force - ou plutôt l'inconsistance - de nos liens dans la vie, et je suis parvenu à cette conclusion que le chagrin se compose peut-être autant de regret pour ce que nous n'avons jamais connu que de tristesse devant ce que nous avons perdu." 

"S'il y avait bien une chose que j'avais retenue concernant l'art de la Renaissance, c'était que les histoires de saints se terminaient rarement par un happy end. Dans le cas présent, la vertueuse Ursule faisait ses adieux à son prétendant et quittait la Bretagne pour effectuer un pèlerinage avec dix mille autres vierges, et toutes finissaient décapitées par les Huns à Cologne. (...) Quel message pouvait-on en tirer? me suis-je demandé.
- Moralité: n'allez pas à Cologne, a ironisé Freja. 
- J'ai participé à une conférence là-bas, un jour. J'ai trouvé la ville charmante. 
- Mais y avait-il des vierges parmi vous? 
- Eh bien, vu qu'on était tous biochimistes... oui, j'en suis quasiment certain. 
Elle s'est approchée plus près du tableau en inclinant la tête. 
- Cette pauvre sainte Ursule. Et ces pauvres dix milles vierges. Enfin bon, c'est réconfortant de savoir que quelqu'un passe des vacances plus pourries que les vôtres."

mercredi 6 avril 2016

"La petite boulangerie du bout du monde" (Jenny Colgan)


Quand son couple et sa petite entreprise font naufrage, Polly quitte Plymouth et trouve refuge dans un petit port tranquille d'une île de Cornouailles. Quoi que mieux qu'un village de quelques âmes battu par les vents pour réfléchir et repartir à zéro? 
Seule dans une boutique laissée à l'abandon, Polly se consacre à son plaisir favori: préparer du pain. Petite à petit, de rencontres farfelues - avec un bébé macareux blessé,  un apiculteur dilettante, des marins gourmands - en petits bonheurs partagés, ce qui n'était qu'un break semble annoncer le début d'une nouvelle vie...

Au tout début de la "mode" de la chick-lit, quand il n'y avait pas encore pléthore de titres, j'ai lu les deux ou trois premiers romans de Jenny Colgan, et j'ai bien aimé sans plus. Récemment, une romance mâtinée de SF qu'elle avait écrite sous le nom de Jenny T. Colgan ne m'a qu'à moitié convaincue malgré un excellent début. Et on ne peut pas dire que la couverture de "La petite boulangerie du bout du monde" fasse très envie. Mais je cherchais un bouquin feel-good à me mettre sous les lunettes, et j'éprouve toujours une étrange attirance pour les histoires qui se passent dans des coins reculés d'Angleterre où je m'ennuierais probablement à périr si on m'y parachutait.

Dévoré en deux jours malgré ses 500 pages, ce roman m'a enchantée quasiment de bout en bout. J'ai aimé, bien entendu, l'atmosphère du petit village de Cornouailles isolé et comme oublié par le temps, ainsi que la description gourmande des diverses sortes de pains confectionnés par Polly. Bien qu'elle ne soit pas une héroïne inoubliable en soi, celle-ci est confrontée à un changement de vie forcé qui m'a beaucoup interpelée. Après avoir longtemps mené une vie d'entrepreneuse branchée et vécu avec son compagnon dans un somptueux appartement de ville, elle se retrouve sans un sou ni aucune perspective de carrière, obligée de repartir à zéro dans un endroit a priori déprimant où elle ne connaît personne - mais ce passage difficile va révéler sa vraie passion et la transformer en profondeur. Si la tendance globale est plutôt optimiste, Polly va aussi affronter des obstacles, être ébranlée par une tragédie et devoir faire un choix entre son ancienne vie et la nouvelle. La seule chose qui m'a ennuyée, en fait, c'est la romance obligatoire et son happy end convenu. Mais je chipote. Pour le reste, l'écriture est assez agréable; j'ai adoré l'humour sarcastique de Polly dans ses échanges avec Tarnie le marin ou Huckle l'apiculteur, ainsi que la vantardise éhontée de Reuben le milliardaire. Je pense même me procurer la suite un de ces quatre. 

"Neil était sagement posé sur le muret de la jetée et dégustait tranquillement un morceau de bagel. Il leva la tête en entendant son nom. 
- Il semblerait que je sois trop cruelle avec lui et que je ne respecte pas les droits fondamentaux des animaux, soupira Polly. 
- Je trouve qu'il a engraissé, remarqua Tarnie. 
- Mon macareux n'est pas gros, rétorqua Polly avec colère. Et il est encore jeune. Ne parlez pas ainsi devant lui. Cela pourrait gravement altérer l'estime qu'il a de lui-même.
- Et ce ne serait peut-être pas plus mal, insista Tarnie. S'il se sait gros, il pourra faire un régime. Ca n'avance à rien de nier l'évidence."

"Certaines angoisses empiraient la nuit et devenaient plus vivables une fois le soleil levé. Elles s'évanouissaient tels de mauvais rêves après la première tasse de café, ou ne résistaient pas aux mille occupations de la journée, quand le cerveau se voit privé de toute chance de méditer sur les erreurs commises et les opportunités manquées, les regrets et la peur de l'avenir. Polly comprit que ses problèmes n'appartenaient pas à cette catégorie." 

lundi 4 avril 2016

"Les rêveries d'un gourmet solitaire" (Taniguchi/Kusumi)


Dans "Le gourmet solitaire", Gorô Inokashira était un simple commercial qui aimait, au gré de ses déplacements professionnels, manger seul dans de petites gargotes en y allant de moult commentaires sur le contenu de son bol ou de son assiette. Bien que 22 années se soient écoulées depuis la parution du premier volume de ses pérégrinations gourmandes, Gorô n'a pas pris une ride sur le papier. En revanche, il a beaucoup gagné en épaisseur. Dans "Les rêveries d'un gourmet solitaire", on le voit exercer son métier de représentant, ressasser ses souvenirs d'une ancienne amoureuse, dévoiler un petit complexe d'infériorité intellectuelle ou se battre avec une brute épaisse qui force un de ses employés à boire trop d'alcool. On peut même admirer ses fesses sous la douche! Qu'on se rassure pourtant: le sujet principal de ce volume reste bien la nourriture que Gorô consomme avec un appétit étonnant. D'une nécessité terrestre, il fait un véritable art de vivre, voire une philosophie. Et cette fois, outre les spécialités japonaises, il se hasarde à quelques incursions dans des restaurants de cuisine étrangère - péruvienne ou coréenne -, sans parler du couscous qu'il dévore lors d'un voyage à Paris. Pour le lecteur aussi, le plaisir est au rendez-vous à chaque page. A consommer sans modération.



vendredi 1 avril 2016

Les sorties bédé que j'attends avec impatience en avril




Une excellente série steampunk jeunesse, dans un monde où la Première Guerre Mondiale fait encore rage à la fin des années 20 et où les méchants robots du 3ème Axe poursuivent nos intrépides héros. J'avais chroniqué les deux premiers tomes ici



Tout ce que j'ai lu au sujet de cette série poético-magique en 7 tomes m'a donné ultra-envie de la découvrir puisque Black Box a l'excellente idée de la publier en français (4 tomes d'un coup en avril, et les 3 autres en juin, ce qui fait un peu beaucoup d'un coup me semble-t-il, mais si j'aime je serai bien contente de ne pas devoir attendre).