jeudi 11 avril 2019

"Le mur invisible" (Marlen Haushofer)


Une femme d'une quarantaine d'années accompagne sa cousine et l'époux fortuné de celle-ci dans leur chalet de montagne pour y passer le week-end. Le soir de leur arrivée, la cousine et son mari se rendent au village voisin pour faire des courses. Le lendemain matin, ils ne sont toujours pas revenus. La narratrice part à leur recherche et... se heurte à un mur invisible. Très vite, elle découvre qu'humains et animaux semblent s'être instantanément pétrifiés à l'extérieur, et que les stations de radio ont cessé d'émettre. Incapable d'établir l'origine du phénomène, elle entreprend d'organiser son existence solitaire avec un chien, une vache et une chatte pour seule compagnie. 

D'ordinaire, je ne suis pas très fan de romans post-apocalyptiques - même si peu d'entre eux sont aussi durs que "La route" de Cormac Mccarthy, probablement le plus célèbre de tous. Les seules exceptions à cette règle jusqu'ici étaient "Station Eleven" et "The book of M", que j'ai adorés tous les deux: le premier pour sa poésie du désastre, le second pour son exploration originale du thème de l'identité. L'an dernier, j'ai tenté de lire "Dans la forêt" qui récoltait d'excellentes critiques, et j'ai dû m'interrompre aux deux tiers tellement cette histoire de deux soeurs adolescentes livrées à elles-mêmes dans un monde encore peuplé de gens potentiellement hostiles m'angoissait. Mais au lieu d'invoquer une catastrophe crédible de type pandémie ou attaque nucléaire, "Le mur invisible" part d'un postulat à la limite du fantastique, ce qui m'a tout d'abord évité de trop m'identifier à son héroïne.

Puis très vite, il m'est apparu que le fameux mur n'était qu'un prétexte pour isoler cette dernière, l'obliger à renoncer à sa vie de citadine ordinaire et à tout ce qui faisait son existence pour se métamorphoser au contact de la nature. Et bien qu'il ne se produise quasiment rien durant les deux ans que couvre son carnet de bord, les pages ont défilé toutes seules tant j'étais fascinée par la facilité avec laquelle cette femme banale se résigne à son étrange sort. S'il lui arrive d'avoir peur et de déprimer, on la sent aussi soulagée par la rude simplicité de sa nouvelle vie. Elle passe très peu de temps à ruminer le passé ou à s'interroger sur son avenir au-delà des quelques mois sur lesquels elle doit planifier les travaux agricoles nécessaires à sa subsistance. Au lieu de ça, elle apprivoise la montagne; elle apprend à goûter la satisfaction du labeur manuel, la beauté de ce qui l'entoure, la tendresse qui la lie à ses animaux - et à s'en contenter sans récriminations amères. Sa solitude la renforce, développe sa vie intérieure et la rapproche d'une forme de vérité universelle.

Ecrit par une autrice allemande durant la Guerre Froide, "Le mur invisible" dresse un magnifique portrait de femme contrainte de ne compter que sur elle-même, et qui en des circonstances extraordinaires se découvre des ressources insoupçonnées. Un véritable traité de résilience et de sagesse dont je ne saurais que trop vous recommander la lecture. 

Traduction de Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon

dimanche 31 mars 2019

Concours "Killer game": la gagnante!




C'est donc Emmanuelle Be qui remporte le livre cette fois. 

Envoie-moi tes coordonnées postales à:  leroseetlenoir@hotmail.com

Merci à toutes pour votre participation, et à bientôt pour d'autres concours

samedi 23 mars 2019

Concours: "Killer game" (Stephanie Perkins)


La dernière en date de mes traductions est un slasher YA, autrement dit, un roman d'horreur assez gore à destination d'un public d'ados. Ca se passe dans une petite ville américaine paumée au moment d'Halloween, avec une ambiance qui rappelle "Souviens-toi l'été dernier", des personnages un peu marginaux et plutôt divers: l'héroïne est métisse, son meilleur ami trans, sa meilleure amie goth et son petit ami traîne une sale réputation.

Pour gagner un exemplaire de "Killer Game", racontez-moi dans les commentaires de ce billet quelle est votre plus grande peur ou phobie. Clôture du concours samedi 30 mars à minuit; tirage au sort et annonce de la gagnante le lendemain. Envoi en Europe seulement. 

Bonne chance à toutes!

dimanche 10 mars 2019

"La lanterne de Nyx T1" (Kan Takahama)


Nagasaki, 1878. Orpheline recueillie par sa tante, qui la considère juste comme une bouche supplémentaire à nourrir, Miyo ne possède aucune compétence monnayable - sauf peut-être ce pouvoir qui lui permet, en touchant un objet, de voir ses propriétaires passés et futurs. Elle parvient à se faire embaucher par Momotoshi, un marchand excentrique tout juste rentré de l'Exposition Universelle de Paris avec une myriade d'objets fort exotiques pour le Japon de l'époque...

Beaucoup d'originalité pour ce manga en 6 tomes (terminé en VO). D'abord le format, légèrement supérieur à celui des publications ordinaires, et qui m'a tout juste suffi à déchiffrer certains passages. Ensuite, l'époque, le thème et l'atmosphère, mélange d'Orient et d'Occident, de réalisme historique et de fantastique. Entre les chapitres, l'autrice expose le résultat de ses recherches sur les objets qu'elle met en scène: la première édition japonaise d'"Alice au pays des merveilles", l'apparition des tablettes de chocolat en Europe, la machine à coudre et le développement du prêt-à-porter, la technologie du phonographe... On apprend plein de choses tout en suivant avec plaisir le quotidien de Miyo, ado mal dégrossie qui, au fur et à mesure qu'elle s'instruit, gagne en assurance et s'épanouit dans son nouvel environnement. J'ai juste regretté qu'elle fasse très peu usage de son intéressant pouvoir dans ce premier tome. Raison de plus pour guetter la suite avec impatience!

Traduction de Yohan Leclerc

mercredi 6 mars 2019

"Seconhand spirits" (Juliet Blackwell)


Lily Ivory est une sorcière de naissance, que ses pouvoirs ont obligée à fuir la petite ville du Texas où elle avait grandi. Pendant des années, elle a parcouru le monde sans s'attacher à personne - mais à présent, elle estime le temps venu de se fixer quelque part. Elle a choisi San Francisco pour son énergie positive, et ouvert une boutique de vêtements vintage dans l'ancien quartier hippie de Haight Ashbury. Malgré ses hésitations, elle a déjà commencé à tisser des liens: avec Bronwyn, la wiccane herboriste qui la seconde chez Aunt Cora's Closet, avec Conrad, un jeune "punk du caniveau" à qui elle confie de menues tâches en échange d'un solide petit déjeuner, ou avec Maya, une étudiante en arts plastiques dont la mère effectue des travaux de couture pour elle. Mais un jour, alors qu'elle s'est rendue chez une vieille dame au passé douloureux pour y récupérer toute une collection de robes anciennes, Lily entend la plainte de la Llorona, un esprit mexicain connu pour noyer des enfants... 

Absolument tout m'a plu dans "Secondhand Spirits". San Francisco est une ville géniale où j'espère bien retourner un jour, et que j'ai eu plaisir à retrouver dans les pages de ce livre. Le commerce de vêtements vintage qui occupe officiellement les journées de Lily est présenté sous un jour intéressant et attachant. Les personnages secondaires sont nombreux et divers, avec des caractères très distincts - bienveillants pour la plupart, mais pas nécessairement Bisounours. Le familier de Lily, un gobelin-gargouille qui se change en cochon nain pour pouvoir accompagner sa maîtresse sans attirer l'attention (!), apporte une touche d'humour toujours bienvenue. L'intrigue m'a parue assez originale, bien menée, prenante et pas du tout évidente à résoudre.

Mais ce que j'ai le plus adoré, c'est l'héroïne. Lily est une jeune femme très indépendante. Habituée à ne compter sur sur elle-même, elle est souvent mystifiée par les relations humaines, réticente à se laisser approcher sur le plan amical ou amoureux. Pourtant, elle fait preuve de beaucoup de bonne volonté et nous épargne les drames imbéciles aussi bien que les sarcasmes constants qui ont fini par me lasser chez d'autres "femmes fortes" de la littérature récente. Juliet Blackwell en fait un personnage très humain et très crédible, dont on aimerait bien devenir la BFF. Et elle nous laisse entrevoir juste assez de son passé tumultueux pour nous donner envie d'y revenir - je veux vraiment savoir ce qui s'est passé avec ce perroquet fou à Hong Kong.

"Secondhand spirits" est le premier tome d'une série qui en compte actuellement 9, la parution du 10ème étant prévue pour cet été. Je l'ai tellement aimé que j'ai aussitôt enchaîné sur le deuxième. Pour les amateurs du genre, il est décrit comme un "cosy mystery", mais autant vous prévenir: malgré une atmosphère générale très feel good, il contient certains éléments assez sombres en rapport avec la sorcellerie. A l'heure où j'écris ces lignes, la série "A witchcraft mystery" n'est pas traduite en français. Il va sans dire que je serais tout à fait volontaire pour m'en charger!

jeudi 28 février 2019

"Yasmina et les mangeurs de patates" (Wauter Mannaert)


Malgré son jeune âge, Yasmina est déjà une cheffe émérite, qui réussit à préparer de savoureux petits plats à partir des légumes donnés par ses deux amis jardiniers Cyrille et Marco. Mais le jour où un méchant fabricant de patates en sachet rase les potagers pour y installer son usine, la fillette se retrouve bien embêtée. Ce n'est pas avec le maigre salaire d'Omran, son papa employé dans un fast-food, qu'elle va réussir à acheter des tomates à près de 3€ le kilo. Heureusement, elle arrive à se servir en douce dans le jardin qu'une mystérieuse voisine cultive sur le toit de son immeuble. Puis les patates en sachet envahissent les magasins, connaissant un succès fou, et les gens qui en ont mangé se mettent à se comporter très bizarrement... 

On aura compris depuis longtemps que je suis incapable de résister à une bédé culinaire. Mais outre son thème alléchant, "Yasmina et les mangeurs de patates" coche pratiquement toutes les cases de ce que j'adore en bande dessinée. Sur le plan graphique: absence de cases, longues plages muettes et néanmoins très parlantes, bâtiments vus en coupe et architecture originale, gros plans d'assiette, belles illustrations pleine page... Sur le plan de la narration, une jeune héroïne racisée, futée et militante du bien-manger, des personnages secondaires divers et attachants malgré leurs petits travers, des échanges hyper drôles (notamment entre le jardinier tradi et le fou du bio, ou entre Omran et ses collègues qui, voyant ses bento végétariens, soupirent qu'eux, sans viande et sans frites, ils ont de nouveau faim à 16h). Même si j'ai davantage aimé le côté "tranche de vie" de la longue mise en place que l'aventure qui s'emballe dans le dernier tiers, le récit est original et maîtrisé, sans aucun temps mort. Et malgré son côté parfois farfelu, il fait passer de très chouettes idées. Mon avis: il vous le faut. Pas encore convaincu? Allez lire les 24 premières pages ici

Traduction de Laurent Bayer



mercredi 27 février 2019

"Adieu, mon utérus" (Yuki Okada)


Yuki Okada a 33 ans, un mari très pris par son métier de mangaka, une petite fille de deux ans et demi et une carrière qui décolle enfin quand elle découvre qu'elle a un cancer du col de l'utérus. Dans ce manga en un seul tome, elle raconte son parcours depuis le diagnostic jusqu'à la radiothérapie qui a suivi son opération. Très angoissée de nature, elle doit faire le deuil d'un éventuel deuxième enfant, gérer l'idée d'une ménopause précoce, mais aussi apaiser les craintes de ses proches et gérer les répercussions matérielles que sa maladie va avoir sur eux. 

Le sujet n'est certes pas très gai, mais l'autrice ayant publié "Adieu, mon utérus" cinq ans plus tard, on sait d'entrée de jeu que son histoire se termine bien. Elle la raconte avec beaucoup de candeur et de sensibilité, sans toutefois s'apitoyer sur son sort. J'ai été particulièrement touchée par la solidarité entre elles et les autres patientes qui partagent sa chambre - la manière dont leur présence, qu'elle vit d'abord comme une agression, finit par lui apporter courage et réconfort. Toutefois, j'aurais aimé en savoir un peu plus sur l'après-hystérectomie. J'ai regretté qu'elle ne parle pas vraiment des suites de l'opération, des conséquences sur sa santé et sa forme physique, de ce que ça avait pu changer à sa manière d'appréhender la vie. Du coup, bien que ce manga soit intéressant, je l'ai refermé un peu frustrée. 

Traduction de Mireille Jaccard

mardi 12 février 2019

"La grande traversée" (Shion Miura)


Jeune homme discret et emprunté, Majimé se voit bombardé éditeur d'un dictionnaire en cours d'élaboration. Il ne le sait pas encore mais ce projet ambitieux, baptisé "La grande traversée", va prendre une quinzaine d'années de sa vie...

Enorme succès commercial au Japon, où il a également été adapté sous forme de film et de dessin animé, "La grande traversée" a pourtant mis du temps à me séduire. La quatrième de couverture laissait supposer une forte composante gastronomique à travers le personnage de Kaguya, dont Majimé est amoureux et qui est tout aussi obnubilée par la cuisine que lui par la lexicographie. En réalité, le sujet est à peine évoqué, ce qui m'a  déçue au point que j'ai failli abandonner ma lecture en cours de route. 

Et puis je me suis attachée à ce héros improbable qu'est Majimé. Un peu excentrique, il se fiche des apparences, ne se souciant que de faire le meilleur travail possible: approcher au plus près la vérité de chaque mot, en répertorier toutes les nuances possibles, décider quels termes désuets doivent être éliminés pour faire place à d'autres plus modernes. Un labeur de fourmi dans lequel il met toute son énergie et tout son coeur. Il n'a pour l'assister qu'une équipe réduite: deux hommes âgés spécialistes des dictionnaires, une secrétaire à mi-temps, un collègue désinvolte et moqueur qui va devenir pour lui un précieux allié, et plus tard, une jeune femme d'abord contrariée par sa mutation mais que l'enthousiasme de Majimé va gagner peu à peu. Malgré des années d'incertitude quant au sort de "La grande traversée", il fait preuve d'une obstination sans faille, d'un dévouement à la pureté contagieuse. 

J'ai aimé sa relation peu conventionnelle avec Kaguya, chacun se consacrant entièrement à sa passion et respectant celle de l'autre au détriment d'une vie de famille classique. J'ai aimé l'ambiance du service des dictionnaires, relégué par la maison d'édition dans un vieux bâtiment délabré, insuffisamment financé et considéré avec une pointe de mépris par les autres employés, mais qui se transforme en ruche bourdonnante durant la période de bouclage. J'ai aimé la plaisanterie pourtant pas très fine de Nishioka, prétexte à une annexe amusante à la fin du roman. Bref, même si ce n'était pas tout à fait le roman que je pensais lire lorsque je l'ai acheté, je l'ai finalement beaucoup apprécié. 

Traduction de Sophie Refle

dimanche 10 février 2019

"The Mussorgsky riddle" (Darin Kennedy)


Investigatrice psychique, Mira Tejedor est appelée au secours d'un garçon autiste de 13 ans qui a brusquement sombré dans l'apathie. Si d'ordinaire elle se contente de percevoir les émotions d'autrui, avec Anthony Faircloth, elle plonge dans un univers mental extrêmement codifié, structuré selon "Tableaux d'une exposition" du compositeur Moussorgski...

Voilà un policier fantastique fort original! L'héroïne mène l'enquête à la fois dans le monde réel et dans une oeuvre de musique classique dont chaque personnage est une émanation de la psyché fracturée d'un adolescent. Qu'est-ce qui a bien pu traumatiser Anthony au point qu'il se retranche totalement en lui-même? Bien qu'un peu lentes à mon goût, les révélations sont amenées avec beaucoup d'habileté et aboutissent à une résolution qu'on ne voit pas venir à vingt kilomètres. Intrigant et très réussi, "The Mussorgsky riddle" peut tout à fait se lire seul, mais l'auteur a écrit deux autres tomes avec la même héroïne et sur le même principe, sur lesquels je me pencherai probablement plus tard. 

jeudi 7 février 2019

"Dites aux loups que je suis chez moi" (Carol Rifka Brunt)


En 1987, dans l'Etat de NewYork. June a 14 ans lorsque son oncle adoré meurt du Sida. Finn était un artiste renommé qui venait juste d'achever un portrait de ses deux nièces. A son enterrement, June aperçoit un homme que sa soeur aînée Greta et leurs parents traitent d'assassin. Il s'appelle Toby, et il était le compagnon de Finn depuis presque dix ans. D'abord blessée d'apprendre que son oncle lui a caché tout un pan de sa vie, June trouve bientôt un message dans lequel Finn lui demande de veiller sur Toby, également malade et désormais seul au monde. Une amitié étrange naît entre eux...

On pourrait faire beaucoup de reproches au premier roman de Carol Rifka Brunt. June est l'archétype de l'ado maussade, persuadée que personne ne la comprend. Greta est jalouse et cruelle; leur mère, amère et injuste; leur père, falot et inexistant. Toby suscite la compassion mais se comporte en irresponsable total d'un bout à l'autreSérieusement, il n'y a pas un personnage pour rattraper l'autre - hormis Finn, sorte de saint intouchable mais essentiellement vu à travers les yeux de ses proches, sans qu'on sache à quel point l'image qu'ils s'en font correspondait à la réalité. 

Même avec des parents très pris par leur travail, June jouit d'une liberté de mouvement assez peu crédible pour son âge. Pourtant, son portrait psychologique est fouillé et accrocheur, notamment dans l'approche de ses sentiments les plus inavouables. Même si j'ai rouspété intérieurement tout le long, j'ai lu "Dites aux loups que je suis chez moi" presque d'un trait. L'autrice dépeint avec justesse les réactions que suscitait le Sida à la fin des années 80: la curiosité morbide du public, la honte de l'entourage, l'isolement des malades. Elle tisse des relations familiales complexes et douloureuses dans l'ensemble, mais leur offre une résolution aussi créative qu'émouvante. 

Traduction de Marie-Axelle de La Rochefoucauld

lundi 4 février 2019

"La fille dans l'écran" (Manon Desveaux/Lou Lubie)


Coline souffre d'une phobie sociale paralysante qui l'a conduite à abandonner ses études et se réfugier chez ses grands-parents, à Périgueux. Dans le cadre de son travail Une sur un projet d'album jeunesse, elle contacte Marley, une Française qui s'est installée à Montréal afin de poursuivre sa passion pour la photo, mais qui stagne dans un job alimentaire et une relation amoureuse insatisfaisante. Une complicité très forte se tisse entre les deux jeunes femmes par écran interposé...

La page de gauche pour Manon Desveaux qui dessine  Coline en noir et blanc, celle de droite pour Lou Lubie qui dessine en couleurs ce que fait Marley au même moment - avec l'inévitable décalage horaire dû à leurs deux pays de résidence. Cette disposition en vis-à-vis, qui permet de bien saisir le contraste entre la vie et la personnalité des deux héroïnes, donne également beaucoup de fluidité au récit à quatre mains. La phobie sociale de Coline et la pression que lui mettent ses parents, la routine dans laquelle Marley se sent de plus en plus enfermée et sa rébellion qui monte petit à petit sont rendus de manière réaliste et délicate à la fois. "La fille dans l'écran", c'est l'histoire de deux jeunes femmes qui vont n'en faire qu'à leur tête et résister aux conventions pour choisir leur propre chemin. Un roman graphique très réussi. 

samedi 2 février 2019

"Louis & Louise" (Julie Cohen)


En 1978, un bébé naît dans une petite ville du Maine. Sa mère est une reine de beauté locale; son père ingénieur travaille à l'usine de fabrication de papier créée par ses ancêtres et dont il héritera un jour. Ses meilleurs amis seront les faux jumeaux Allie et Benny; sa vocation sera l'écriture. Mais selon que ce bébé est fille ou garçon, sa vie en sera fondamentalement transformée...

...Ou pas, ai-je envie de dire après cette lecture frustrante. Le sujet de "Louis & Louise" était extrêmement prometteur, et le premier chapitre qui met en vis-à-vis les réactions à la naissance d'une fille et à la naissance d'un garçon m'avait vraiment donné de grands espoirs. Je pensais que Julie Cohen allait souligner toutes les manières dont les enfants puis les adultes sont socialement formatés en fonction de leur sexe, mettre en évidence les façons multiples dont cela influence leur parcours de vie. 

Au lieu de ça, elle se focalise sur un drame bien précis - qui certes se déroule différemment dans les chapitres consacrés à Louis et ceux consacrés à Louise. Mais les maintes autres problématiques que son idée de départ aurait pu l'amener à aborder sont juste balayées sous le tapis. Et comme Louis.e est bisexuel.le, même ses pulsions amoureuses restent identiques dans les deux versions. Dans chacune de ses incarnations, Julie Cohen lui fait répéter que l'important, ce n'est pas le sexe mais la personne, et de fait, son Louis et sa Louise sont fondamentalement les mêmes. Je ne suis pas du tout d'avis que nous possédons une nature intouchable qui échappe au conditionnement social, et en particulier au conditionnement de genre. Surtout, si c'était pour que l'histoire se termine de la même façon dans les deux cas, je ne vois pas l'intérêt de cette double narration. 

samedi 26 janvier 2019

"The remarkable journey of Coyote Sunrise" (Dan Gemeinhart)


Il y a cinq ans, la mère et les soeurs de Coyote sont mortes dans un accident de voiture. Depuis, son père Rodeo et elle ont changé de nom, et ils sillonnent les Etats-Unis à bord de Yager, un vieux bus scolaire devenu leur maison sur roues. Interdiction d'évoquer le passé: le mot d'ordre, c'est vivre dans le présent exclusivement pour ne pas souffrir. Jusqu'au jour où Coyote apprend que le parc où elle avait enterré une boîte à souvenirs avec sa mère et ses soeurs va être rasé. Elle n'a que cinq jours pour traverser le pays jusqu'à leur ancienne ville et récupérer son trésor. Mais le plus difficile, c'est qu'elle devra le faire sans que Rodeo s'en aperçoive... 

Nous ne sommes pas encore fin janvier et je sais déjà que je tiens mon bouquin de l'année, celui qui aura laissé la marque la plus profonde dans mon coeur. Celui qui illustre à la perfection cette phrase de mon amoureux que je n'avais jamais vraiment comprise jusqu'ici: "On ne pleure pas toujours de tristesse. Parfois, on pleure juste d'émotion." Car le vrai thème de ce roman jeunesse, c'est "Comment apprendre à vivre avec ses morts?".

Au fil d'un road trip mouvementé, Coyote fait plein de jolies rencontres, émerge de la solitude imposée par Rodeo, découvre la complexité des relations humaines et mûrit à vue d'oeil. Cette petite héroïne blessée et son papa hippie ultra-bienveillant comptent parmi les personnages les plus attachants dont j'aie croisé la route depuis une éternité. Dans "The remarkable journey of Coyote Sunrise", il n'y a aucun antagoniste - hormis peut-être quelques flics bourrus. Juste une funambule pleine de grâce qui se livre à un savant numéro d'équilibriste entre tristesse et bonheur, des personnages secondaires qui vous réconcilient avec l'humanité, un bus à bord duquel on voudrait embarquer immédiatement, une foule de phrases tellement belles et justes que j'ai dû cesser de les noter arrivée au milieu du roman, et quelques scènes d'une poignance absolue (dont une qui m'a rappelé le passage sur "Heroes" dans le film "The perks of being a wallflower", version grands espaces plutôt qu'environnement urbain).

C'est la première fois que je vais racheter un ouvrage lu sur ma Kindle en version papier, et la première fois que je comprends pourquoi certaines personnes relisent certains livres une fois par an. Je suis en outre prête à éradiquer l'ensemble de ma profession pour que l'éditeur qui achètera les droits français me confie la traduction de ce bouquin. Qu'on se le dise. 

jeudi 24 janvier 2019

"This lie will kill you" (Chelsea Pitcher)


Il y a tout juste un an, un jeune homme est mort carbonisé dans une voiture au milieu des bois. Aujourd'hui, les cinq protagonistes du drame sont conviés à une murder party, officiellement dans le but de déterminer le gagnant d'une bourse d'études de $50 000. Mais dès l'apéritif qu'une voix sortant d'un haut-parleur les a invités à boire, l'un d'eux s'écroule, inconscient. Et très vite, les quatre autres se rendent compte que leur hôte connaît leur pire secret...

Impossible pour moi de résister à un tel pitch, surtout assorti de la mention: Pour les fans de "One of us is lying", autre thriller psychologique jeunesse que j'ai beaucoup aimé. Ici, les personnages sont moins attachants mais aussi plus originaux. L'histoire, qui semble assez prévisible au premier abord, réserve son lot de surprises et presque trop de circonvolutions dans le dernier tiers. Et je ne m'attendais pas à une fin aussi sombre. Bref, "This lie will kill you" est un roman tordu à souhait qui m'a fait passer une excellente soirée.

mercredi 23 janvier 2019

"Verity" (Colleen Hoover)


Ecrivaine peu connue, Lowen se retrouve en grande difficulté financière suite au décès de sa mère. Malgré ses réticences initiales, elle se voit contrainte d'accepter un travail de commande: écrire les trois derniers tomes d'une série de thrillers à succès dont l'autrice se trouve dans un état végétatif. C'est ainsi qu'elle débarque chez les Crawford, une famille qui semble poursuivie par le malheur. Mais dans le bureau de Verity, elle tombe sur une autobiographie cachée qui révèle les dessous abominables de la mort de ses jumelles de 8 ans... 

Colleen Hoover est une écrivaine à succès qui, d'habitude, sévit plutôt dans la romance. Aussi n'avais-je jamais rien lu d'elle avant de tomber sur des critiques dithyrambiques de "Verity", sa première incursion dans le domaine du... thriller psychologique sexy, disons. Je ne m'attendais pas à ce que ce livre contienne autant de scènes de fesses qui personnellement m'ennuient plus qu'autre chose. Moins sensible que certaines lectrices sur le sujet des enfants, je n'ai pas été gênée par les révélations monstrueuses de Verity. Mais je n'ai pas non plus été éblouie par le twist final: parce qu'à partir du moment où on sait qu'il y a en un, et que l'histoire se déroule en huis-clos entre un nombre très restreint de personnages, les possibilités ne sont pas légion. Bref, en ce qui me concerne, un pétard mouillé. Sachez néanmoins que "Verity" affiche sur GoodReads une note moyenne de 4,5 sur 5 basée sur plus de 17 000 avis: je suis donc définitivement dans une minorité de grincheux sur ce coup-là. 

mardi 22 janvier 2019

"Vingt-quatre heures dans l'incroyable bibliothèque de M. Lemoncello" (Chris Grabenstein)


Excentrique et talentueux créateur de jeux de société, M. Lemoncello a racheté une ancienne banque pour en faire la bibliothèque d'une petite ville américaine. Avant l'ouverture au grand public, il convie douze élèves de 5ème, gagnants d'un concours de rédaction, à découvrir les lieux en exclusivité lors d'une soirée mémorable. Mais lorsque, après s'être beaucoup amusés à explorer la technologie de pointe de et les fonctions ludiques de la bibliothèque, Kyle et ses camarades veulent rentrer chez eux le lendemain matin, ils découvrent qu'ils sont enfermés pour 24h de plus. Leur mission, s'ils l'acceptent: participer à un escape game délirant pour trouver la seconde sortie...

C'est dans "Winterhouse Hôtel", lu juste avant, que j'ai découvert l'existence de ce roman jeunesse dont le thème avait tout pour me séduire. Très inspiré par "Charlie et la chocolaterie", Chris Grabenstein parvient néanmoins à tisser une intrigue originale et des énigmes élaborées grâce auxquelles je ne me suis pas ennuyée une minute. Certes, ses jeunes héros sont psychologiquement aussi développés qu'un poussin de la veille. Mais on s'en fout, parce que l'apologie de l'esprit d'équipe est bien vue et la lecture terriblement fun. Par contre, si je me disais que "Winterhouse Hôtel" avait dû donner du fil à retordre à sa traductrice, j'ai pleuré des larmes de sang en découvrant les multiples rébus et autres difficultés d'adaptation extrêmes que contient la VO de "Vingt-quatre heures dans l'incroyable bibliothèque de M. Lemoncello". Au point que je vais devoir me procurer la VF pour voir comment ma méritante collègue les a résolues. Pour les amateurs, ce roman est le premier tome d'une série qui en compte quatre, dont deux déjà disponibles en français. 

Traduction d'Anath Riveline

dimanche 20 janvier 2019

"Winterhouse Hôtel" (Ben Guterson)


Depuis la mort de ses parents quand elle n'avait que quatre ans, Elizabeth Somers mène une vie misérable chez son oncle et sa tante. Bien que perpétuellement fauchés, ceux-ci partent en voyage pour Noël et, refusant de laisser leur nièce seule chez eux, l'envoient passer trois semaines à l'hôtel Winterhouse. Elizabeth, qui s'attendait à une pension sinistre, est enchantée de découvrir une bâtisse de contes de fées possédant sa propre fabrique de confiseries et surtout une fantastique bibliothèque. Elle fait la connaissance de Freddy, un jeune inventeur féru de mots en cascade et et d'anagrammes. Ensemble, ils vont s'atteler à résoudre les nombreux mystères de Winterhouse...

Si je suis toujours partante pour un roman jeunesse avec une héroïne passionnée de lecture et d'énigmes, il faut bien admettre que je ne suis pas du tout le public-cible de "Winterhouse Hôtel", et que dans la catégorie middle grade, peu d'ouvrages possèdent une complexité suffisante pour me tenir en haleine. Ici, par exemple, l'intrigue cousue de fil blanc et les personnages hyper manichéens m'ont à moitié fait décrocher dans le dernier tiers de ma lecture. Mais les 9-12 ans auxquels l'histoire est destinée devraient adorer l'atmosphère féérique de Winterhouse. Au passage, bien que j'aie lu ce roman en V.O., je me permets d'adresser une pensée compatissante à la collègue qui s'est chargée de la traduction française, et qui a dû s'arracher joliment les cheveux pour adapter les mots en cascade, les anagrammes et les messages codés. 

Traduction d'Anne-Sylvie Homassel

samedi 19 janvier 2019

"Dear Mrs Bird" (A.J. Pearce)


Malgré les bombardements nocturnes par la Luftwaffe, Emmy Lake, 23 ans, mène une vie aussi normale que possible dans le Londres du début des années 40. Elle s'efforce de garder le moral en toutes circonstances et contribue à l'effort de guerre en faisant du bénévolat dans une caserne de pompiers. Un instant de distraction durant un entretien d'embauche pour ce qu'elle croit être un poste de journaliste et la voilà assistante de la redoutable Henrietta Bird, qui répond au courrier des lectrices dans un magazine féminin en perte de vitesse. Mrs Bird considère la plupart des lettres qu'elle reçoit comme scandaleuses et indignes de son attention, mais Emmy est touchée par la détresse des femmes qui les envoient. Alors, en secret, elle se met à leur répondre à la place de sa patronne...

Dans un cadre historique pas particulièrement riant, A.J. Pearce crée une héroïne pétillante et volontaire, qui s'applique à voir toujours le verre à moitié plein mais dont le désir de bien faire va la pousser à agir de manière inconsidérée et lui attirer des tas d'ennuis. Drôle et frais, "Dear Mrs Bird" fait partie de ces romans qu'on lit d'une traite et qu'on referme le sourire aux lèvres.

vendredi 18 janvier 2019

"The dreamers" (Karen Thompson Walker)


Ca commence à l'université de la petite ville californienne de Santa Lora. Des étudiants s'endorment brusquement et ne se réveillent plus. Pourtant, leurs signes vitaux restent excellents, et leur activité cérébrale paraît aussi intense que s'ils rêvaient. Petit à petit, l'étrange épidémie se propage au reste de la communauté, que les autorités décident de mettre en quarantaine...

L'idée de base de "The dreamers" me paraissait d'autant plus intéressante que "L'âge des miracles", le premier roman de Karen Thompson Walker, avait été mon gros coup de coeur de l'année 2012. Malheureusement, si on retrouve ici l'atmosphère de fin du monde inexplicable et empreinte d'une certaine poésie, ainsi que l'absence de grands drames et d'effusions de violence généralement répandues dans les histoires apocalyptiques, tous les autres éléments du récit m'ont laissée sur ma faim. 

Certes, il ne se passait déjà pas grand-chose dans "L'âge des miracles," mais l'objet de celui-ci était de suivre l'évolution de la jeune héroïne, la manière dont elle gérait son adolescence dans un contexte de fin du monde. Ici, on suit un tas de personnages différents, si nombreux qu'on ne parvient à en connaître vraiment aucun - encore moins à s'attacher à eux. Et il ne se passe absolument RIEN. (Attention: spoilers.) L'épidémie se répand puis se résorbe sans qu'on sache d'où elle vient (ce qui n'est pas un problème en soi) et sans provoquer le moindre changement significatif (ce qui est beaucoup plus regrettable). L'idée que les dormeurs entrevoient peut-être leur avenir, dans ce monde-ci ou dans un univers parallèle, est intéressante mais survient seulement sur la toute fin et n'est donc quasiment pas exploitée. De la même façon, les autres amorces d'intrigue prometteuses - comme la grossesse d'une des premières patientes - sont à peine survolées. 

Je passe sur les problèmes de crédibilité: comment se fait-il que l'épidémie mystérieuse, super contagieuse et qui se transmet par la voie des airs, reste circonscrite à Santa Lora? Qu'à l'ère d'internet, le reste du pays voire du monde ne s'affole pas une seule seconde?  Que les ONG et les forces armées n'affluent pas sur place, bien plus nombreuses que la poignée de soldats et de volontaires incapables de gérer les malades? La seule chose qui m'a poussée à lire jusqu'à la fin, c'est que l'autrice écrit vraiment très, très bien. Le grand néant de "The dreamers" n'en apparaît que davantage comme un regrettable gâchis de son talent. 

mercredi 16 janvier 2019

"The light in the dark" (Horatio Clare)


Horatio Clare vit dans un coin paumé d'Angleterre avec sa femme Rebecca et leur fils de 5 ans; deux jours par semaine, il fait un long trajet en train pour aller enseigner à l'université de Manchester. Sujet à une forte dépression saisonnière, il décide de tenir un journal pendant l'hiver pour combattre ce phénomène. C'est l'occasion pour lui d'égrener ses souvenirs de gamin qui a grandi à la campagne, puis vécu en France et en Italie avant de revenir s'installer à la campagne dans son pays natal. Pendant quelques mois, il s'attache à observer la nature, à détailler sa beauté et à y chercher des traces d'espoir.

Sa prose est très belle, mais j'avoue qu'elle m'a ennuyée par moments. J'avais envie d'en savoir plus sur lui, sur ses états d'âme et sur leurs effets vis-à-vis de ses proches, pas sur les espèces d'oiseaux qu'il croisait dans ses promenades ou la teinte exacte de la brume un 5 février en milieu de matinée. J'ai même failli interrompre ma lecture au milieu. Mais dans le dernier tiers de son court mémoire , l'auteur commence enfin à aborder frontalement le sujet de sa dépression, sa culpabilité de ne pas gagner assez d'argent et d'être un boulet pour sa famille, ses craintes d'être bipolaire, ses hésitations à aller voir un médecin pour se faire diagnostiquer. Son épilogue est lumineux et plein d'espoir.  

dimanche 13 janvier 2019

"Two can keep a secret" (Karen McManus)


Parce que leur mère célibataire a été placée en cure de désintoxication, Ellery et Ezra Corcoran doivent partir habiter à Echo Ridge, chez leur grand-mère qu'ils ne connaissent quasiment pas. Il y a plus de 20 ans, leur tante Sarah a disparu sans laisser de traces. Il y a 5 ans, une autre adolescente a été assassinée à Murderland, le parc d'attractions flippant où travaillent la moitié des jeunes de la ville. Et à l'approche du bal d'automne, de nouvelles menaces anonymes mettent la  petite communauté en émoi...

Il y a deux ans, j'avais adoré le premier thriller YA de Karen McManus, "One of us is lying". Aussi nourrissais-je de grands espoirs pour son deuxième roman. J'adore les histoires de jumeaux et les narrations à deux voix, sans compter que le fait que Murderland me semblait une idée pleine de potentiel. Malheureusement, j'ai commencé à m'ennuyer assez vite. Je n'ai  pas réussi à m'attacher aux personnages plutôt falots et jamais vraiment ressenti de tension dramatique. La résolution, certes inattendue, m'a parue aussi décevante que bancale. Et la toute dernière phrase, censée laisser les lecteurs sur le fondement en bouclant la boucle d'une problématique familiale douloureuse, soulève des questions qui n'auront jamais de réponse. Bref, "Two can keep a secret" est une lecture que j'aurais pu m'épargner.

dimanche 6 janvier 2019

"Everything all at once" (Katrina Leno)


Helen Reaves vient de mourir d'un cancer. Agée de 40 ans seulement, elle était l'autrice de la série jeunesse la plus vendue dans le monde: l'histoire de deux enfants devenus immortels après avoir bu une potion magique. Elle laisse à sa nièce bien-aimée une série de lettres contenant chacune une mission destinée à la faire sortir de sa zone de confort, et ainsi, l'aider à surmonter l'anxiété chronique qui lui pourrit la vie. Tandis qu'elle s'efforce tant bien que mal de suivre les instructions de sa tante, Lottie fait la connaissance de Sam, un ancien élève d'Helen qui va lui apporter une aide précieuse dans sa quête...

"Everything all at once" n'était pas le premier roman de Katrina Leno que je lisais. Je m'attendais à ce qu'il verse dans le réalisme magique à un moment ou à un autre; aussi, j'ai immédiatement deviné le secret d'Helen et la vérité au sujet de Sam, et surtout, je n'ai pas été désarçonnée par la fin contrairement à beaucoup d'autres lecteurs. Cela dit, la révélation des derniers chapitres n'a au fond que peu d'importance. L'intérêt de ce roman, c'est l'évolution de Lottie, la façon dont elle apprend à vivre avec ses angoisses de mort paralysantes et ce qu'elle finit par réaliser à leur sujet. J'ai particulièrement aimé sa très jolie relation avec son frère cadet Abe, un ado de 16 ans féru de littérature. Cette fois encore, Katrina Leno dose avec talent l'amertume et la douceur pour ouvrir les perspectives de son héroïne et finir sur une magnifique note d'espoir. Je me réjouis qu'il me reste encore quelques romans d'elle à découvrir. 

vendredi 4 janvier 2019

"The start of me and you" (Emery Lord)


Déjà plus d'un an que son petit ami Aaron s'est noyé, et aux yeux de tout le monde, Paige Hancock reste "La Fille Dont Le Copain Est Mort". Elle peine à se défaire de cette image, mais aussi de sa culpabilité et de ses cauchemars. Alors, à son entrée en première, elle dresse une liste d'objectifs grâce auxquels elle espère sortir de son marasme...

Si j'ai acheté ce roman d'une autrice jeunesse assez connue aux USA, c'est moins pour l'histoire d'amour adolescente promise par la couverture - un sujet qui m'intéresse peu dans l'absolu - que pour les avis positifs lus sur GoodReads. Et ils ne mentaient pas. Oui, l'écriture d'Emery Lord est très plaisante, fluide et sincère, sans affectation ou familiarité excessive. Non, la relation la plus importante de "The start of me and you", ce n'est pas celle qui se développe entre Paige et un adorable nerd, mais celle que l'héroïne entretient avec ses BFF, trois filles aux personnalités variées qui ne se contentent pas de lui servir de faire-valoir. Malgré leurs différences, leur amitié reste toujours exempte de drames imbéciles. 

J'ai également beaucoup apprécié la dynamique familiale des Hancock, la surprise réservée par les parents de Paige et l'amour lumineux de la jeune fille pour sa grand-mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. Surtout, je suis reconnaissante à l'autrice de nous avoir épargné l'insupportable cliché de l'instalove: l'histoire d'amour qui finit par se nouer n'est pas basée sur une attirance immédiate et inexpliquée; elle naît entre deux ados qui ont d'abord appris à se découvrir et à s'apprécier pour ce qu'ils sont réellement. Une lecture plaisante, qui met en scène des relations saines et positives. Ce qui n'est pas finalement pas si fréquent! 

mardi 1 janvier 2019

"La fille d'avant" (J.P. Delaney)


Lorsqu'elle découvre le One Folgate Street, Jane est conquise par cette maison ultramoderne, minimaliste, parfaite pour tourner la page après le drame éprouvant qu’elle vient de vivre. Mais, pour la louer, il faut se plier aux règles draconiennes imposées par son architecte, Edward Monkford, aussi mystérieux que séduisant. Notamment répondre régulièrement à des questionnaires intrusifs. Jane apprend bientôt qu'Emma, la locataire qui l'a précédée, lui ressemble étrangement et a connu une fin tragique. Irrémédiablement, Jane s'engage sur la même voie, fait les mêmes choix, croise les mêmes personnes... et ressent la même terreur que la fille d'avant.

Moi pendant le premier quart du roman: Mmmmh, c'est intrigant. J'aime bien la narration dédoublée "Passé: Emma" et "Présent: Jane", et surtout, j'adore l'idée de la maison qui transforme ses occupants petit à petit.
Moi pendant le deuxième quart du roman: Ca devient quand même un peu ennuyeux à force de parallélisme dans les trajectoires des deux héroïnes. J'ai du mal à les distinguer l'une de l'autre. Et puis on voit très bien vers quoi on se dirige. J'en ai ras-le-bol des mâles alphas sociopathes qui exercent une attirance irrésistible sur leur proie. Si ça continue comme ça, j'arrête avant la fin.
Moi pendant le troisième quart du roman: Putain c'est super malsain. J'aime bien le principe du narrateur non fiable, mais ce personnage-là est vraiment grave tordu. Du coup, la fin n'est probablement pas celle que j'imaginais depuis le début.
Moi pendant le dernier quart du roman: Oh. Je ne m'attendais pas à ça. ...A ça non plus.

Psychologiquement, "La fille d'avant" n'est pas le roman le plus crédible du monde, mais j'avoue qu'il m'a tenue en haleine jusqu'à la fin.

Traduction de Jean Esch