Au début d'un automne que rien ne distinguait des autres jusque là, les journaux du monde entier annoncent que la rotation de la Terre est en train de ralentir et que les jours ont commencé à rallonger inexorablement. Personne ne sait pourquoi, et personne ne peut anticiper avec précision les conséquences de cet inquiétant phénomène. Mais très vite, les oiseaux commencent à tomber du ciel, les baleines à s'échouer en masse sur les plages et les plantes à mourir les unes après les autres. La gravité est perturbée, et le champ électromagnétique qui entoure la Terre se déchire. La consommation énergétique explose; les pannes d'électricité se multiplient. La population se divise en deux camps: celui des gens qui, conformément aux instructions gouvernementales, vont rester à l'heure des pendules malgré des périodes diurnes atteignant bientôt les 72h; et celui des écolos qui décident de régler leurs rythmes circadiens sur la nouvelle heure du soleil, au risque de devenir des parias au sein de leur propre communauté...
L'histoire est racontée, avec quelques années de recul, par Julia, 11 ans et demi au moment du ralentissement. Dans une ambiance de fin du monde, elle va traverser tous les problèmes inhérents à cet âge où le corps commence à changer, où les relations avec les garçons prennent un autre tour, où l'on s'aperçoit que l'équilibre familial n'est pas aussi parfait qu'il y paraît. La menace diffuse qui plane sur l'humanité exacerbe les penchants naturels des adultes qui l'entourent. Sa mère paniquée entasse piles et boîtes de conserve dans chaque recoin de leur maison, tandis que son père médecin reste d'un calme à toute épreuve mais se montre de plus en plus absent. Julia, elle, observe les catastrophes écologiques qui s'enchaînent avec le détachement égoïste propre à l'adolescence. Au début, le ralentissement lui apparaît même comme quelque chose de vaguement excitant, une occasion de se rapprocher du garçon qui lui plaît. Moins angoissée que les adultes, plus adaptable et fataliste quant à son avenir sérieusement compromis, elle parvient encore à voir de la beauté et à trouver du plaisir dans les bouleversements radicaux que subit son environnement.
Sachant que je suis une éco-flippée totale et que, par exemple, je n'ai pas dormi de la nuit après avoir lu cet article sur la piscine du réacteur numéro 4 de Fukushima, il est permis de se demander pourquoi je m'inflige ce genre de lecture. Peut-être que je suis maso. Peut-être que je cherche à apprivoiser mes peurs. Ou, tout simplement, peut-être que je ne veux pas me priver d'un très beau roman même s'il appuie là où ça fait mal. Et très beau, "L'âge des miracles" l'est sans aucun doute. L'auteure, dont c'est là le premier roman, parvient à raconter la rapide dégradation des conditions de vie sur Terre avec une poignance tout à fait dépourvue de pathos, une sorte de poésie de la catastrophe qui m'a amenée à relire de nombreux passages plusieurs fois. Mention spéciale à son tout dernier chapitre, où elle décrit le contenu potentiel du disque que les scientifiques veulent envoyer dans l'espace comme témoignage de ce que fut l'humanité: il m'a serré le coeur et fait monter les larmes aux yeux. Une lecture prenante dont je ne suis pas ressortie indemne.
Petite précision: j'ai lu "L'âge des miracles" en VO, et ne puis garantir la qualité de la traduction française. La 4ème de couverture lue sur Amazon m'a consternée par son peu de rapport avec le ton général du roman; d'un autre côté, je suis bien placée pour savoir qu'elle a sans doute été rédigée par l'éditeur et ne constitue pas une indication fiable.
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