mercredi 25 mars 2015

"Un tout petit rien"


"On est au XXIème siècle, en France, je suis une femme moderne. Je suis contre la peine de mort et pour le mariage homosexuel. Je suis abonnée à Télérama, j'achète des légumes bio sur le marché quand je n'ai plus de surgelés Picard dans le congélo, parfois je fais l'amour, comme ça, pour le plaisir, sans engagement ni projets particuliers. Je porte des strings et je vote à gauche, il m'est même sûrement arrivé d'aller voter à gauche en string. Je suis pour l'avortement, qu'on ait seize ans, pas de ronds ni de mec ou trente-cinq et un appartement confortable avec chambre d'amis, suite nuptiale et mari aimant à l'intérieur. Je suis pour que les gens aient le choix de donner naissance à un enfant ou pas, je suis contre ceux qui célèbrent le miracle de la vie en prônant que chaque grossesse en est un, je suis contre ceux qui érigent leurs valeurs personnelles en principes universels.
Au XXIème siècle, célibataire, en France, je n'ai objectivement aucune raison de ne pas décrocher ce putain de téléphone pour prendre rendez-vous à l'hôpital le plus proche."

Ainsi parle la narratrice de ce roman. Camille a 25 ans; elle habite une chambre de bonne au septième étage sans ascenseur, et quand elle annonce à son partenaire de galipettes qu'elle est enceinte suite à un accident de préservatif, il se montre catégorique: il ne veut pas d'enfant. Quant aux parents de la jeune femme, ils réagissent très mal à l'annonce de sa grossesse, lui prédisant qu'elle foutra sa vie en l'air si elle n'avorte pas. Pourtant, les jours passent sans que Camille ne parvienne à se décider. Une IVG ou un bébé? 

La longue valse-hésitation de l'héroïne (dont je suppose, sans en être certaine, qu'elle ne fait qu'une avec l'auteur) est racontée avec beaucoup de justesse, une délicatesse de sentiments émouvante et une franchise qui désarmerait le coeur le plus endurci. Et puis, le choix fait de mener sa grossesse à terme, Camille raconte comment elle s'approprie sa maternité à venir par petites touches hésitantes. Obligée de chambouler sa vie pour rentrer chez ses parents, en province, elle se retrouve au centre d'un conflit familial et vit quelques moments difficiles. Mais parallèlement, elle est habitée par une joie émerveillée, une complicité grandissante avec le bébé à naître qui devient son principal interlocuteur. 

Je ne suis absolument pas intéressée par le thème de la maternité. Jamais je n'aurais ouvert ce livre si je ne l'avais pas gagné à un concours, mais son petit format en faisait un compagnon idéal de salle d'attente un jour de rendez-vous médicaux multiples. Et le hasard mène parfois à de très belles découvertes, car j'ai été enchantée par la plume aérienne de l'auteur, par sa façon à la fois pudique et piquante de raconter un cheminement intérieur complexe. Roman ou autobiographie, qu'importe: "Un tout petit rien" est un très beau texte tendre et lumineux sur la naissance d'une mère. 

Et pour prolonger le plaisir, rendez-vous sur le blog de Camille Anseaume: Café de filles

mercredi 18 mars 2015

"Le secret du mari"


Cécilia est l'archétype de la super woman: épouse et mère de trois filles, présidente de l'association de parents d'élèves, démonstratrice Tupperware à succès, incroyablement organisée et efficace. Mais elle ne comprend pas pourquoi son mari ne la touche plus depuis six mois. Jusqu'au jour où, par le plus grand des hasards, elle découvre dans leur grenier une lettre qu'il lui a écrite des années auparavant, "à n'ouvrir que s'il venait à décéder"... 

Tess a monté une agence de publicité avec son mari Will et sa cousine Felicity, sa quasi-jumelle qui a toujours été obèse mais a récemment perdu beaucoup de poids. Le trio fonctionne à merveille, jusqu'au jour où Will et Felicity annoncent à Tess qu'ils sont tombés amoureux l'un de l'autre. Bouleversée, Tess emmène son jeune fils Liam et part se réfugier chez sa mère, à l'autre bout du pays. 

Rachel a vécu le pire cauchemar de toutes les mères: sa fille Janie a été assassinée à l'âge de 17 ans. Depuis, elle cherche en vain un moyen de faire coincer le coupable - un prof de gym qui travaille dans le même établissement qu'elle. Son mari est mort, et désormais, la seule joie de son existence est de garder son petit-fils Jacob. Jusqu'au jour où son fils Rob, qu'elle a toujours négligé suite à la mort de sa soeur, et son exaspérante belle-fille Lauren lui annoncent qu'ils partent vivre à New York...

A Sydney, au cours de la semaine qui précède le lundi de Pâques, les vies de ces trois femmes vont s'entrecroiser pour mettre à jour un secret vieux de trente ans.

J'ai dévoré ce roman de Liane Moriarty en deux jours. Pourtant, on ne peut pas dire qu'il joue dans la catégorie "feel good". L'auteur aborde tout un tas de sujets difficiles voire tragiques par le biais de ses trois héroïnes, et si l'histoire se termine bien pour l'une d'elles, elle finit en demi-teinte pour une autre et carrément mal pour la dernière. "Le secret du mari" n'est donc pas un roman qu'on lira pour se remonter le moral, mais je l'ai trouvé irrésistiblement prenant grâce au portrait très détaillé et crédible de Cécilia, Tess et Rachel, dont les tourments et les interrogations sonnent toujours terriblement juste.

On pourra reprocher à l'auteur d'avoir voulu faire tenir l'action dans un laps de temps bien trop court (qui change radicalement de vie en l'espace de vingt-quatre heures?), mais au fond, peu importe, parce que la psychologie de ses personnages féminins est vraiment fascinante. J'ai beaucoup aimé ses réflexions sur l'amour qui s'inscrit dans la durée par opposition à la passion des débuts - ce qu'on y gagne, ce qu'on y perd, et la perception sociale des deux. Du coup, il est fort probable que je me procure d'autres romans de Liane Moriarty dans les mois à venir.

J'ai lu ce roman en VO et ne peux donc rien dire sur la qualité de sa traduction française. 

vendredi 13 mars 2015

"The custard protocol T1: Prudence"


Dans une Angleterre victorienne fortement steampunk, Lady Prudence Alessandra Maccon Akeldama est l'unique métanaturelle au monde, capable de voler les pouvoirs de n'importe quelle créature surnaturelle par un simple contact. Son père adoptif, le vampire Lord Akeldama, lui offre un de ces dirigeables dont elle est si friande en lui confiant une mission: se rendre en Inde pour en rapporter une nouvelle variété de thé. Rue sera assistée par son amie d'enfance l'Honorable Primrose Tunstell, très à cheval sur le respect des convenances, mais aussi - à son grand dam - par le professeur Percy Tunstell, frère jumeau de la précédente, et Quesnel Lefoux, ingénieur de génie doublé d'un séducteur fort arrogant. Le voyage ne s'annonce pas de tout repos!

Vingt ans après les événements relatés dans "Le protectorat de l'ombrelle", on retrouve l'univers créé par Gail Carriger à travers les aventures de sa seconde génération de personnages. L'humour délicieusement piquant de l'auteur est toujours au rendez-vous; l'idée de mettre en scène un quatuor (même si Prudence reste clairement l'héroïne de cette nouvelle série) me semble excellente, et la découverte de l'Inde évite de tourner en rond dans un Londres déjà beaucoup exploré. Pourtant, je n'ai pu me défendre contre une vilaine impression de réchauffé, et j'avoue m'être pas mal ennuyée à la lecture de ce tome 1 - surtout pendant l'interminable confrontation finale. Je doute d'acheter les tomes suivants, et ne reviendrai sans doute vers Gail Carriger que si elle se décide un jour à changer d'univers.

jeudi 5 mars 2015

"Folle cuisine"


Mathilde est atteinte d'une maladie rare qui l'empêche de reconnaître les visages et qui risque de lui faire perdre son emploi dans un palace parisien. Barbara, elle, aime faire plaisir à son entourage, quitte à enfreindre la loi. Lorsqu'elles se rencontrent dans la salle d'attente de leur psy, leur amitié est immédiate, et Mathilde fait embaucher Barbara au palace pour l'aider à conserver son poste. Barbara sera les yeux de Mathilde et Mathilde la conscience de Barbara. Et elles ne seront pas trop de deux pour découvrir ce qui, la nuit, hante les couloirs déserts du palace...

Alléchée par cette quatrième de couverture, j'ai acheté "Folle cuisine" sans jamais avoir entendu parler ni de ce titre en particulier, ni de son auteur en général. Quand je fais ça, j'ai une bonne surprise à peu près une fois sur trois. Là, clairement, on était dans les deux tiers statistiques restants. D'originale, j'ai trouvé que l'histoire devenait de moins en moins crédible et surtout très confuse, avec une fin en queue de poisson qui m'a laissée frustrée. Les dessins sont agréables, mais le découpage et la mise en page horriblement conventionnels alors que les rêves hallucinés de Mathilde auraient pu se prêter à toutes les fantaisies. Bref, une bonne idée mal exploitée. 

mercredi 4 mars 2015

"Petites coupures à Shioguni"


Un soir, le jeune propriétaire d'un restaurant au bord de la faillite est agressé dans sa cuisine par trois yakuzas. Une fille qui a assisté à la scène se dépêche de prévenir la police avant de disparaître dans la nature. Que s'est-il passé réellement? Quelques mois plus tard, un enquêteur tente de reconstituer les faits...

Ce n'est pas un secret: j'ai adoré les deux précédents livres de Florent Chavouet. Pourtant, j'ai tardé à faire l'acquisition de celui-ci. Un auteur doué pour le récit de voyage et l'autobiographie ne l'est pas nécessairement pour la fiction, et j'avoue que le sujet ne me tentait pas du tout. Et puis, j'ai fini par craquer en me disant qu'au pire, je pourrais toujours admirer les beaux dessins. 

Verdict: sans surprise, du point de vue graphique, "Petites coupures à Shioguni" est superbe avec ses illustrations aux crayons de couleur et son découpage aussi peu conventionnel que celui de "Tokyo Sanpo" ou "Manabe Shima". Narrativement, je l'ai trouvé très malin grâce à ses témoignages qui divergent, ne révélant la vérité que par petites touches. Pourtant, comme je m'y attendais, l'histoire m'a laissée de marbre. C'est beau, c'est bien fait, mais je n'ai pas eu de coup de coeur.