dimanche 13 avril 2008

"La consolante"


Comme des millions de lecteurs, j'avais adoré "Ensemble c'est tout" pour ses personnages cabossés par la vie mais tellement humains et attachants, la façon dont petit à petit ils se construisaient un univers plein de fantaisie et de tendresse, les dialogues qui sonnaient tellement vrai, la narration qui prenait de charmantes libertés avec les principes littéraires. Quatre ans plus tard, je n'ai guère hésité à acheter le nouveau roman d'Anna Gavalda dès sa sortie, ce que je fais rarement: les grands formats sont très chers et prennent trop de place dans ma bibliothèque déjà fort encombrée. "Miam, me suis-je dit, plus de 600 pages, voilà de quoi me régaler pendant plusieurs longues soirées."

J'ai lu "La consolante" cette semaine, et malheureusement il m'a beaucoup déçue. J'ai eu un mal fou à m'intéresser à son héros, ce presque quinquagénaire bouffé par son boulot d'architecte, coincé dans une relation moribonde et hanté par le souvenir d'une femme fantasque qu'il aima jadis. Pendant les deux tiers du livre, j'ai attendu qu'il fasse autre chose que ressasser interminablement ses souvenirs. Du coup, la nouvelle histoire d'amour pliée dans les 200 dernières pages m'a paru trop précipitée - bâclée, même. On peut arguer que le personnage, après avoir perdu autant de temps, était enfin mûr pour une action prompte et décisive; mais si ça peut, à la limite, tenir la route psychologiquement, ce n'est pas très satisfaisant pour le lecteur qui aurait préféré passer plus de temps avec la famille joyeusement bordélique des Vesperies qu'avec Anouk et son désespoir existentiel. Quant à la fin, elle tient du happy end un peu trop bien ficelé où tous les problèmes s'arrangent d'eux-mêmes comme par miracle.

Mais surtout, ce qui m'a empêchée d'apprécier "La consolante", c'est cette habitude absolument exaspérante qu'a l'auteur d'omettre le sujet de ses phrases. Quand c'est le même personnage qui accomplit toute une suite d'actions, ça passe assez bien. Mais dès que la scène comporte plusieurs protagonistes, ça gêne la compréhension: on ne sait plus qui fait quoi, et ce procédé, au lieu de fluidifier le texte, produit l'effet contraire en obligeant le lecteur à revenir en arrière pour essayer de visualiser les choses. Je n'ai pas le souvenir d'avoir trouvé ça si pesant dans "Ensemble c'est tout"; là, ça vire au tic d'écrivain et c'est juste pénible.

J'ai bien conscience qu'il doit être très difficile d'enchaîner après un succès aussi phénoménal que celui d'"Ensemble c'est tout", mais pour moi, "La consolante" ne tient pas ses promesses. Mention "petit bonheur", toutefois, à l'apparition fugace de deux des héros du roman précédent - un joli clin d'oeil adressé aux lecteurs fidèles.