vendredi 29 juillet 2016

"Pique-nique à Hanging Rock" (Joan Lindsay)


Australie, 14 février 1900. L'été touche à sa fin. Les jeunes pensionnaires de Mrs Appleyard attendent depuis des mois ce pique-nique annuel non loin du Hanging Rock, un immense massif rocheux. Revêtues de leurs mousselines légères, elles partent dans une voiture tirée par cinq superbes chevaux bais. Après le déjeuner, les demoiselles s'assoupissent à l'ombre des arbres. Mais quatre d'entre elles, plus âgées, obtiennent la permission de faire une promenade. Enivrées par cet avant-goût de liberté, elles franchissent un premier ruisseau... puis disparaissent dans les hauteurs. Quand, tard dans la nuit, la voiture regagne le pensionnat, trois adolescentes manquent à l'appel. 

Autant vous prévenir tout de suite: si, comme moi, vous aimez bien obtenir des réponses à vos questions, comprendre ce qui se passe et pourquoi les personnages agissent ainsi qu'ils le font, vous risquez de refermer ce livre en proie à une grande frustration. Considéré comme un des plus grands romans de la littérature australienne, "Pique-nique à Hanging Rock" n'a rien d'un thriller. Le suspens que l'auteur choisit d'entretenir n'est pas d'ordre policier mais  plutôt social et psychologique. Son vrai propos, c'est de raconter de quelle manière la disparition des trois filles va affecter le personnel et les autres pensionnaires d'Appleyard, ainsi que, par ricochet, certains de leurs voisins appartenant à la bonne société australienne. Petit à petit, des ondes de choc invisibles se propagent en détruisant tout sur leur passage, par des mécanismes qu'on ne s'explique pas toujours très bien. (Au cours de ma lecture, malgré un contexte très différent, j'ai parfois pensé à "Virgin suicides".)

Pour moi, le véritable intérêt de ce livre réside dans son atmosphère de malaise subtil mais permanent, dans la façon dont Joan Lindsay donne vie à une nature tantôt douce et accueillante, tantôt sévère et hostile, dans son talent pour restituer la touffeur de l'été australien puis la mélancolie de l'étrange automne qui lui succède. Elle présente le mystère non élucidé de telle sorte qu'on pourrait croire à un véritable fait divers - alors que non, il s'agit bel et bien d'une histoire inventée de toutes pièces. D'ailleurs, sa version originale du roman incluait un dernier chapitre qui révélait ce qu'étaient devenues les disparues, et l'explication était tellement bizarre qu'au final, je préfère être restée sur ma faim. (J'aime aussi cette interprétation détaillée d'un lecteur.) On notera que Peter Weir a adapté, très fidèlement semble-t-il, le roman au cinéma en 1975, sans se risquer à fournir d'autres éclaircissements que Joan Lindsay.

mercredi 27 juillet 2016

"The raven cycle T1: The raven boys" (Maggie Stiefvater)


"Il n'existe que deux raisons pour qu'une personne dépourvue de pouvoirs médiumniques voie un esprit la veille de la saint-Marc. Ou bien tu es son véritable amour... ou bien c'est toi qui l'as tué."
Chaque année, Blue Sargent se tient près de sa mère clairvoyante tandis que les morts de l'année à venir défilent devant elles. Blue ne les a jamais vus - jusqu'à ce qu'un jeune homme émerge de la nuit et parle avec elle. Il s'appelle Gansey, et c'est un des élèves d'Aglionby, le lycée privé local. Blue a pour principe de se tenir à l'écart de ces garçons privilégiés et arrogants. Mais elle est attirée par Gansey d'une façon qu'elle ne s'explique pas. Celui-ci a entrepris une quête dans laquelle il a entraîné trois de ses camarades: Adam, un boursier pauvre et battu par son père; Ronan, dont l'agressivité est difficilement contrôlable depuis la mort de ses parents, et Noah, qui parle peu et ne semble jamais rien manger...

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en me lançant dans cette nouvelle série de fantasy jeunesse, mais j'ai été très vite séduite. D'abord, j'ai beaucoup aimé l'atmosphère qui règne chez Blue. Celle-ci, qui n'a jamais connu son père, vit avec sa mère et quatre autres voyantes dont elle amplifie les pouvoirs alors que, pour sa plus grande frustration, elle n'en possède pas elle-même. Ensuite, les Raven Boys qui pourraient sembler des personnages stéréotypés à première vue se développent tous d'une façon assez noire et aussi complexe que les liens qui les unissent. L'histoire, plus ou moins basée sur des mythes celtiques, se révèle intrigante et prend quelques détours agréablement surprenants. Enfin, Maggie Stiefvater écrit bien, de façon directe mais évocatrice, avec pas mal d'humour mordant, et elle sait ménager ses effets de style. De sorte qu'en arrivant à la fin de The raven boys, je me suis aussitôt précipitée sur Amazon pour commander les tomes suivants - la série en compte 4 en tout, disponibles en anglais seulement. Cela dit, je serais tout à fait ravie de remédier à l'actuelle absence de VF! 

Edit: Pardon! Après vérification, les deux premiers tomes de la série ont été traduits en 2013, sous le nom "La prophétie de Glendower". Avec une couverture <s>moche</s> qui ne laisse en rien supposer qu'il s'agit de fantasy. Mais la version papier est épuisée chez l'éditeur, qui par ailleurs semble avoir renoncé à traduire les deux derniers tomes. 

lundi 25 juillet 2016

"Le lys de Brooklyn" (Betty Smith)


New York, au début du XXème siècle. Francie Nolan a neuf and, un optimisme infernal et un rêve: écrire. Sur sa mère, fée du quotidien; son père, héros ambigu; son frère, un roublard qui court les rues; sur ses tantes, la douce Evy et la pétulante Sissy, qui collectionne les "John"; sur Williamsburg, son quartier. Mais Francie voudrait aussi pouvoir décrire la vérité sans fard: la misère, la débrouille, le lot des immigrés. Fillette sensible, cherchant sa voix, elle raconte leurs vies, la vie...

Ce pavé de 700 pages réussit le tour de force de parler de pauvreté sans jamais tomber dans le misérabilisme. Francie a une vie intérieure très riche, nourrie par les livres qu'elle dévore au rythme d'un par jour, débordante de réflexions sur sa famille, la condition sociale, l'éducation et le travail, la religion, la "question sexuelle"... On est ébahi par la fierté de sa mère si courageuse, désespéré par l'alcoolisme de son père si charmeur, tour à tour amusé ou consterné par les réactions des voisins et des commerçants du quartier, touché par l'envie d'écrire de la fillette, choqué par la dureté de son quotidien qui exige de compter le moindre sou, d'enchaîner perpétuellement les combines et d'inventer des jeux pour tromper la faim.

C'est sans réserve que je recommanderais la lecture de ce très bon roman d'apprentissage s'il ne souffrait pas d'une traduction extrêmement vieillotte, dont je ne comprends pas que l'éditeur ne l'ait pas révisée à l'occasion de cette nouvelle parution en poche. Des enfants pauvres et sans éducation qui se parlent entre eux à coup de passé simple, d'imparfait du subjonctif et d'inversion verbe-sujet au début des questions, ça ne sonne pas très juste. De multiples notes de bas de page pour expliquer ce que sont Thanksgiving, les pèlerins du Mayflower ou la Restauration, c'était peut-être justifié en 1946, mais de nos jours, je trouve ça un poil insultant. C'est dommage, car ceci mis à part, le style bien que désuet reste agréable à lire la plupart du temps. Soi-disant considéré comme "une oeuvre culte de la littérature américaine", "Le lys de Brooklyn" aurait bien mérité un petit coup de frais.

dimanche 24 juillet 2016

"Dédale" (Takamichi)


Et si la vie réelle pouvait bugger? 
Reika et Yôko, deux étudiantes, errent dans un gigantesque bâtiment, véritable dédale sans fin défiant l'imagination. Seul indice: un mystérieux message posé sur une table basse signé Tagami, un célèbre créateur de jeux vidéo, qui semble en savoir long sur cet endroit. 
Quel est la nature de cet étrange lieu? Pourquoi Reika et Yôko sont-elles le seul espoir de l'humanité? 

Parmi la profusion des titres désormais disponibles en français, c'est toujours chouette de tomber sur un manga vraiment original, et bouclé en deux tomes de surcroît. Je ne pouvais qu'être sensible au côté "escape game" de "Dédale", où les deux héroïnes passent tellement de temps à essayer de comprendre les règles d'un environnement nouveau, puis à les utiliser à leur profit ou à les contourner astucieusement.

Si le personnage de Yôko, peu développé et guère attachant, semble surtout là pour servir de faire-valoir à Reika, cette dernière en revanche ne cesse de surprendre le lecteur par sa façon de raisonner et de réagir. C'est un vrai plaisir de voir une otaku complètement inadaptée à notre monde s'épanouir dès lors qu'elle est placée dans des conditions qui lui correspondent davantage, et j'ai adoré son choix final si peu conventionnel. Lu d'un trait, "Dédale" a été pour moi une bouffée de fraîcheur inattendues et des plus plaisantes. 

mardi 19 juillet 2016

"The dandelion years" (Erica James)


Depuis l'accident de voiture qui coûta la vie à sa mère et à ses deux grands-mères lorsqu'elle n'avait que dix ans, Saskia Granger vit à Ashcombe, ravissante maison sise au coeur du Suffolk, en compagnie de son père et de ses deux grands-pères. Aucun des trois hommes ne s'est remarié, et à eux quatre, ils forment une cellule familiale peu commune mais bien organisée et débordante d'amour. 

Devenue adulte et d'un naturel peu sociable, Saskia exerce le métier de restauratrice de livres anciens dans un atelier situé au fond du jardin. Quand elle découvre un carnet intime caché à l'intérieur d'une vieille Bible, elle ne peut s'empêcher d'en dévorer le contenu malgré l'écriture abominable de l'auteur. Fils d'immigrés russes et diplômé de Cambridge, celui-ci raconte comment, durant la Deuxième Guerre Mondiale, il travailla à Bletchley Park où il rencontra l'amour de sa vie...

Acheté un peu au hasard pour profiter d'une offre "le second à moitié prix" chez Waterstones, ce roman a ensuite moisi dans ma PAL pendant plus d'un an avant que je ne me décide à lui laisser sa chance. Je n'avais jamais entendu parler de l'auteur, qui a pourtant à son actif une vingtaine de titres dont presque autant de best-sellers, et rétrospectivement, je trouve très curieux qu'elle ne soit pas traduite en français. Parce que "The dandelion years" est franchement excellent. Pour l'essentiel, j'ai adoré l'évocation du quotidien à Bletchley Park pendant la guerre, celui de ces hommes et de ces femmes qui se dévouaient nuit et jour pour tenter de décrypter les messages codés de l'ennemi. Les conditions de vie spartiates chez des particuliers transformés en logeurs souvent malgré eux, l'acharnement fiévreux à accomplir un travail qu'ils savaient crucial, le désespoir parfois quand ils ne parvenaient pas à empêcher les sous-marins allemands de couler un bâtiment anglais... Et à côté de ça, l'ivresse d'un premier amour partagé dans ses conditions si particulières, à une époque où de nombreux obstacles pouvaient se dresser entre deux tourtereaux. 

Par contraste, la moitié contemporaine du récit semble un peu plus fade, mais elle s'en tire encore assez bien grâce à l'atmosphère douillette d'Ashcombe, qui donne envie de tout lâcher pour aller s'installer illico dans la campagne anglaise. J'avoue avoir été séduite par l'arrangement domestique peu conventionnel de la famille Granger, ainsi que par le métier de Saskia, et touchée par les deuils respectifs des deux protagonistes principaux, l'impact qu'ils ont sur leurs choix de vie et leur personnalité même. Bref, encore un bouquin très plaisant que je vous recommande pour vos vacances si vous lisez l'anglais!

"- Now then, a toast to our very own dandelion years.
I cocked my head.
- What do you mean by that?
- It's how I think of the war and the effect it's having on everybody. The hopes and certainties we used to live by have been swept away. We live in a time where all it might take is one little puff and everything could be gone. You. Me. Everything we hold dear."

samedi 16 juillet 2016

Concours "La soudaine apparition de Hope Arden": la gagnante!



C'est donc Petite G qui remporte le livre cette fois. 

Merci de m'envoyer tes coordonnées postales sous 8 jours à: leroseetlenoir@hotmail.com

Merci à toutes pour votre participation et à bientôt pour d'autres concours!

jeudi 14 juillet 2016

"Le monde caché d'Axton House" (Edgar Cantero)


Suite au suicide d'Ambrose Wells, un lointain cousin d'Amérique qui s'est défenestré à l'âge de 50 ans comme son père avant lui, A. hérite du gigantesque et mystérieux manoir nommé Axton House. Il y débarque avec Niamh, jeune Irlandaise muette que sa tante Liza a chargée de veiller sur lui. Dès les premiers jours, il découvre que le majordome s'est enfui, que le défunt a laissé des instructions codées et qu'une grande réunion avait lieu à Axton House chaque année au moment du solstice d'hiver. Il commence également à faire des rêves récurrents aussi vivaces qu'inquiétants. Et que dire de la présence qui semble hanter la salle de bain? 

Je suis une hyper-rationnelle qui aime, le temps de ses lectures, croire à la possibilité de phénomènes paranormaux, à l'existence de dimensions invisibles pour l'oeil humain. Des histoires d'occultisme, j'en ai lu énormément sur la fin de mon adolescence. Leurs intrigues prometteuses à la base se révélaient généralement boiteuses ou décevantes et me laissaient frustrée à la fin. Au bout d'un moment, j'ai estimé avoir fait le tour du genre, et j'ai plus ou moins abandonné. Jusqu'à ce que j'entende dire beaucoup de bien du roman d'Edgar Cantero et que je profite de sa sortie en poche pour en faire l'acquisition. Je me préparais à être déçue cette fois encore et... c'est tout le contraire qui s'est produit. 

Immédiatement, j'ai été séduite par la narration déstructurée, composée d'extraits de carnets intimes, d'extraits d'ouvrages scientifiques, de lettres et de retranscriptions d'enregistrements audio ou vidéo à partir desquels le lecteur peut sans peine suivre le fil du récit. Et mon intérêt n'a jamais faibli tout au long des 500 pages du roman, tandis que l'auteur convoquait tous les poncifs du genre - manoir lugubre en plein hiver, fantômes créés par une ancienne tragédie, rêves hallucinatoires, expériences sur la télépathie, portes dérobées, messages codés, jeu de piste à travers le monde, sociétés secrètes, références à la mythologie - et les mélangeait avec assez d'habileté pour former un tout cohérent autant que bourré de suspens. Certains éléments m'ont évoqué "Malpertuis" ou "La maison des feuilles", d'autres "Le projet Blair Witch", d'autres encore l'oeuvre de H.P. Lovecraft et certaines campagnes du jeu de rôles "L'appel de Cthulhu". Dosés à la perfection, ils créent une sorte de murder party surnaturelle et haletante. Quant à la fin, le moment toujours si casse-gueule dans ce type de roman... Je dirais qu'elle peut se décomposer en trois volets; j'ai adoré le premier, trouvé le deuxième un peu trop abrupt et été franchement scotchée par l'épilogue. Bref, "Le monde caché d'Axton House" est une grande réussite, et sans doute mon roman préféré depuis le début de l'année. 

mardi 12 juillet 2016

"One" (Sarah Crossan)


Grace et Tippi sont plus que des soeurs jumelles: des siamoises. En-dessous de la taille, elles n'ont qu'un seul corps pour deux. On avait prédit à leurs parents qu'elles ne vivraient pas longtemps; pourtant, elles ont dépassé les seize ans et mènent une vie relativement heureuse malgré l'alcoolisme de leur père. Celui-ci étant au chômage depuis trop longtemps, la mère de Grace et Tippi leur annonce qu'ils n'ont plus les moyens de leur faire donner des cours à la maison et qu'elles vont devoir fréquenter un lycée ordinaire. Les jeunes filles craignent d'y être un objet de curiosité malsaine, mais elles se font rapidement deux amis précieux: Yasmeen, qui vit avec le virus HIV depuis sa naissance, et Jon dont les parents l'ont abandonné. Bientôt, hélas, leur santé commence à décliner...

Oui: encore une histoire d'ados confrontées à la mort. Mais celle-ci présente deux particularités. Tout d'abord, elle est rédigée entièrement sous forme de poésie en vers libres. Ensuite, elle a été jugée assez remarquable pour qu'on lui attribue cette année la prestigieuse Carnegie Medal. Pour ma part, j'avoue ne pas savoir quoi en penser. Je l'ai lue très vite, essentiellement parce que chacune de ses 400 pages ne représente guère que l'équivalent de deux phrases complètes, et bien évidemment j'ai eu le coeur serré à la fin, parce que c'est le sujet qui veut ça. Mais autant je ne suis pas contre un petit texte en vers libres à l'occasion, autant sur tout un roman, ça me donne l'impression de rester à la surface des choses sans jamais les approfondir. Peut-être est-ce le seul moyen que l'auteur a trouvé de traiter un sujet extrêmement délicat sans tomber dans le pathos ou le voyeurisme; je ne sais pas. Toujours est-il que, bien que dégageant une émotion indéniable, "One: Winner of the Cilip Carnegie Medal 2016" m'a laissée un peu sur ma faim.

Ce roman n'est pas encore traduit en français, mais de par la simplicité de son style, il me semble assez abordable pour des gens avec un niveau d'anglais moyen qui voudraient se mettre à la lecture en VO. 

lundi 11 juillet 2016

"In the unlikely event" (Judy Blume)


Aux USA, Judy Blume est une auteure culte, connue pour ses romans jeunesse qui dépeignent sans fausse pudeur les maux de l'adolescence féminine. Elle fut notamment une des premières à évoquer de front des sujets tels que les règles ou la masturbation, et elle parle incroyablement bien de la naissance de l'amour et de la sexualité. Amanda Palmer lui a consacré une merveilleuse chanson, une très belle démonstration de l'impact qu'un écrivain peut avoir sur son public. Personnellement, je l'ai découverte il y a vingt ans avec un de ses rares romans pour adultes, "Summer sisters" (en VF: "Soeurs d'un été") dont je recommande d'ailleurs très chaudement la lecture.

Dans "In the unlikely event", elle s'inspire d'une incroyable tragédie survenue dans sa petite ville natale du New Jersey lorsqu'elle était jeune. Durant l'hiver 1951, en moins de deux mois, trois avions de compagnies différentes s'écrasèrent au décollage ou à l'approche de l'aéroport voisin de Newark, faisant au total plus d'une centaine de victimes. Sur la base de ces événements réels, l'auteur bâtit l'histoire d'une communauté d'habitants dont les vies s'entremêlent et vont être affectées de différentes façons par le triple drame. Le jeune journaliste volontaire dont la carrière se retrouve ainsi lancée. La fille de bonne famille qui se voit hantée par l'esprit d'une danseuse morte dans le premier crash et bascule dans l'anorexie. L'étudiant prometteur qui, bouleversé par la disparition de sa petite amie, renonce à aller en fac pour s'engager dans l'armée en pleine guerre de Corée. L'adolescent logé dans un foyer pour orphelins qui devient un héros du jour au lendemain. Comme toujours, Judy Blume peint une galerie de personnages extrêmement humains, crédibles et vivants. Et elle restitue à merveille l'atmosphère du début des années 50 aux US, notamment le poids des conventions sociales encore imposées aux femmes mais aussi les rumeurs de conspirations communistes ou d'expériences extra-terrestres. Bref, encore un roman dont je vous recommande très chaudement la lecture. 




vendredi 8 juillet 2016

"La pâtissière de Long Island" (Sylvia Lott)


Pour l'empêcher de fréquenter l'homme qu'elle aime, le père de Marie décide de l'envoyer aussi loin que possible de leur petit village de Frise orientale: à New York, chez deux de ses frères. Avec pour seuls bagages son coeur brisé et la recette secrète de son gâteau au fromage blanc, la jeune fille débarque à Brooklyn par ce froid mois de novembre 1932, à la fois fascinée et terrifiée par ce qui l'entoure. Elle est bien loin de se douter de l'incroyable destin que lui réserve le Nouveau-Monde. 
Des décennies plus tard, Rona, sa petite-nièce en plein revers professionnel et sentimental, vient lui rendre visite. Marie lui raconte son histoire et lui confie la recette du cheesecake qui doit changer sa vie. 

Au début, j'avoue avoir été stupéfaite par les similitudes entre "La pâtissière de Long Island" et "Un goût de cannelle et d'espoir". Dans les deux cas, une jeune Allemande émigrée aux Etats-Unis vers le milieu du siècle dernier s'y fait une place grâce à son don pour la pâtisserie et, devenue vieille dame, narre son existence mouvementée à une quadra en pleine dérive pour la remettre sur les rails. Heureusement, l'atmosphère des deux romans n'est pas du tout la même. Au lieu d'un drame sous le régime nazi, Sylvia Lott propose une histoire feel-good et gourmande, où l'héroïne n'affronte rien de plus grave que le mal du pays et quelques déconvenues amoureuses tandis qu'elle découvre New-York et les moeurs américaines.

Soumise et conciliante au début, Marie se crée des expériences, forge ses propres opinions et gagne peu à peu son indépendance sans jamais renier ses origines ou sa famille. Le roman se concentre exclusivement sur sa vie pendant les années 30, puis sur sa rencontre, au début des années 2000, avec une Rona en pleine remise en question. Guidée par la sagesse de son aïeule, la plus jeune des deux femmes va complètement bouleverser sa vie et, ce faisant, trouver sa propre place tout en refermant une boucle d'une façon aussi symbolique qu'émouvante. "La pâtissière de Long Island" est un délicieux roman initiatique, un pur plaisir de lecture que je vous recommande chaudement en cette période estivale.

dimanche 3 juillet 2016

"Les lumières d'Assam" (Janet MacLeod Trotter)


1904. Malgré la mort de sa mère et l'alcoolisme de son père, Clarissa Belhaven coule une douce jeunesse dans la plantation de thé familiale, en Assam. Mais le développement des méthodes d'exploitation industrielle met Belgooree en grande difficulté, et au décès de leur père, Clarrie et sa jeune soeur Olivia se retrouvent ruinées. Elles quittent l'Inde pour l'Angleterre, où elles sont recueillies par un cousin dont l'acariâtre épouse les fait travailler comme des esclaves dans leur pub d'un quartier populaire de Newcastle...

Ceci est un roman historique à l'eau de rose. Rien n'y manque: ni la courageuse héroïne qui ne se laisse jamais abattre par les coups du sort, ni la petite soeur fragile et capricieuse qu'elle a juré de protéger, ni les revers de fortune étourdissants, ni les individus affreux qui ont juré sa perte et s'acharnent injustement sur elle, ni bien évidemment l'homme très beau mais très arrogant qu'elle prétend détester et qui fait battre son coeur malgré elle.

Mais il faut admettre que c'est drôlement bien foutu, et que je ne me suis ennuyée à aucun moment durant ma lecture. J'ai surtout aimé le début qui se passe en Inde, dans une modeste plantation de thé au milieu des montagnes, puis l'évocation des progrès de la condition féminine dans l'Angleterre d'avant la Première Guerre Mondiale. Telle une Scarlett O'Hara anglo-indienne, Clarrie se bat pour son indépendance dans une société encore conservatrice et hostile, surmontant un par un les obstacles placés sur sa route. Et bien qu'ultra-prévisible, l'histoire d'amour prend finalement peu de place dans le récit. Bien écrit et savamment dosé, "Les lumières d'Assam" fera un excellent bouquin de plage.

vendredi 1 juillet 2016

Concours: "La soudaine apparition de Hope Arden" (Claire North)


Dois-je encore vous présenter Claire North, alias "l'auteur du meilleur bouquin que j'ai traduit de toute ma carrière"? Après "Les quinze premières vies d'Harry August" et "Touch", je vous propose de gagner un exemplaire de son troisième roman récemment paru aux éditions Delpierre. Ici encore, il s'agit d'un individu qu'un pouvoir extraordinaire autant qu'incompréhensible isole du reste de l'humanité. 

Hope Arden, fille d'un policier anglais et d'une réfugiée soudanaise, ne marque pas la mémoire des gens qui l'entourent. Dès qu'ils ne l'ont plus sous les yeux pendant une minute, ceux-ci l'oublient purement et simplement. Ne pouvant occuper un emploi ordinaire ni avoir des relations normales, la jeune femme devient une voleuse au toupet stupéfiant. Jusqu'au jour où sa route croise celle de Perfection: une application qui, à travers leurs données personnelles, prend le contrôle de la vie de ses utilisateurs... 

Pour gagner un exemplaire de "La soudaine apparition de Hope Arden", laissez-moi un commentaire en me disant quel est votre super-pouvoir pourri au quotidien (exemple: Chouchou a "dispersion de nourriture" - en mangeant, il arrive à s'en coller jusque dans des endroits qu'on pourrait croire tout à fait inaccessibles, tandis que j'ai "bouts de doigts indétectables par les écrans tactiles" - une des raisons pour lesquelles je me refuse à prendre un smartphone). Clôture du concours vendredi 15 à minuit, et annonce du résultat durant le week-end. Envoi en Europe uniquement. Bonne chance à tous!