mercredi 28 avril 2010

"Cadavre Exquis"


Après l'hilarant recueil des meilleures notes de son blog, après les deux tomes de "Joséphine" qui m'avaient moins convaincue, Pénélope Bagieu se lance pour la première fois dans l'exercice du "récit au long cours" plutôt que des gags en une page.

L'héroïne de "Cadavre exquis" s'appelle Zoé. Elle a 22 ans, un job pourri d'hôtesse d'accueil, un copain chômeur qui pète au lit, un appartement de douze mètres carrés et aucune ambition dans la vie. Un jour, son chemin croise celui de Thomas Rocher, ex-écrivain à succès en mal d'inspiration qui vit terré dans son somptueux appartement...

Je ne peux ni vous dévoiler la fin, ni même vous révéler le pitch de cette bédé - ce serait gâcher son principal intérêt, qui est de surprendre le lecteur tout en restant dans la logique d'une histoire dont la mise en place dure presque cent pages. Je l'avoue: avant de comprendre où Pénélope Bagieu m'emmenait, j'ai failli m'ennuyer. Puis j'ai juste eu envie d'applaudir. Malgré quelques longueurs, "Cadavre exquis" est une jolie réussite qui prouve que son auteure est bel et bien capable d'écrire de la fiction pure, et pas seulement de faire rire en se moquant d'elle-même.

lundi 12 avril 2010

"Ma vie à deux" vs "Tout sur ma vie avec le prince charmant"


Parues en même temps chez le même éditeur, ces deux bédés de filles ont aussi le même sujet: la vie de couple traitée sur le mode humoristique. Pourtant, "Ma vie à deux : Pour le meilleur et pour le pire !" a réussi à me faire rire et sourire tout au long de ses 130 pages tandis que "Tout sur ma vie avec le Prince Charmant" n'a suscité chez moi qu'un profond agacement.

Malgré un graphisme plus recherché que celui de sa consoeur, Hélène Badault se contente de ressasser le thème usé jusqu'à la corde de Mars contre Vénus - autrement dit, des différences domestiques "fondamentales" entre hommes et femmes. Du coup, l'ambiance de sa bédé est assez aigre et peu plaisante.

Missbean, en revanche, sait aussi montrer les moments de complicité presque gamine de ses héros et la cocasserie de leur vie à deux dans un espace minuscule. Son album déborde de la tendresse et du sens de l'auto-dérision qui devraient être le ciment de n'importe quel couple. Pour l'avoir personnellement vécue, je suis particulièrement fan de l'anecdote relatée pages 66-67 et appelée "Le dernier samouraï", mais j'ai adoré presque toutes les autres aussi. Une chouette idée de cadeau pour des amoureux qui s'installent ensemble... ou pour se faire plaisir à soi-même.

dimanche 4 avril 2010

"Plage de Manaccora, 16h30"


Il y a sept ou huit ans, à l'époque de la sortie du "Cosmonaute", j'ai eu une brève période Philippe Jaenada, durant laquelle j'ai dévoré quasiment tout ce qu'il avait écrit jusque là. Si j'ai adoré son sens de l'humour et les situations parfois absurdes dans lequelles il n'hésitait pas à mettre ses personnages, ses tics d'écriture ont fini par me lasser. Les digressions dans les digressions, c'est sympa pendant quelques centaines de pages; au-delà, ça agace. Et puis cette manie d'utiliser toujours la même figure féminine folledingue... Saturée, j'ai regardé les bouquins suivants de Jaenada se succéder sur les tables des libraires sans que me vienne l'envie d'en acheter un.

Jusqu'à "Plage de Manaccora, 16h30". Pourquoi celui-là et pas un de ceux qui l'ont précédé, ou qui le suivront? Parce que Caro de Pensées de Ronde en avait dit beaucoup de bien, et que j'ai pas mal de coups de coeurs littéraires en commun avec elle depuis deux ou trois ans. J'ai bien fait de l'écouter: j'ai adoré ce roman court que j'ai lu quasiment d'une traite. De quoi parle-t-il? Pendant leurs vacances dans le sud de l'Italie, un couple et son jeune fils sont confrontés à un monstrueux incendie de forêt qui les rabat vers la mer. Et fidèle à l'adage qui veut que l'on revoie toute sa vie en accéléré quand on est sur le point de mourir, le narrateur se remémore des scènes marquantes de son existence tandis qu'il s'efforce d'entraîner sa famille en sécurité. Outre la force de l'histoire, j'ai beaucoup apprécié l'évolution du style de l'auteur. Philippe Jaenada a su conserver ce qui faisait sa spécificité d'écrivain tout en se débarrassant d'une certaine arrogance plumitive. Désormais, il sait parfaitement doser ses digressions poupées-russes pour amuser ou interpeler sans perdre son lecteur en route. Et au lieu de chercher à éblouir ce dernier, il s'attache juste à être vrai, ce qui le rend souvent émouvant. "Plage de Manaccora, 16h30" est l'oeuvre d'un auteur enfin parvenu à maturité que je continuerai à suivre avec intérêt.