Il y a sept ou huit ans, à l'époque de la sortie du "Cosmonaute", j'ai eu une brève période Philippe Jaenada, durant laquelle j'ai dévoré quasiment tout ce qu'il avait écrit jusque là. Si j'ai adoré son sens de l'humour et les situations parfois absurdes dans lequelles il n'hésitait pas à mettre ses personnages, ses tics d'écriture ont fini par me lasser. Les digressions dans les digressions, c'est sympa pendant quelques centaines de pages; au-delà, ça agace. Et puis cette manie d'utiliser toujours la même figure féminine folledingue... Saturée, j'ai regardé les bouquins suivants de Jaenada se succéder sur les tables des libraires sans que me vienne l'envie d'en acheter un.
Jusqu'à "Plage de Manaccora, 16h30". Pourquoi celui-là et pas un de ceux qui l'ont précédé, ou qui le suivront? Parce que Caro de Pensées de Ronde en avait dit beaucoup de bien, et que j'ai pas mal de coups de coeurs littéraires en commun avec elle depuis deux ou trois ans. J'ai bien fait de l'écouter: j'ai adoré ce roman court que j'ai lu quasiment d'une traite. De quoi parle-t-il? Pendant leurs vacances dans le sud de l'Italie, un couple et son jeune fils sont confrontés à un monstrueux incendie de forêt qui les rabat vers la mer. Et fidèle à l'adage qui veut que l'on revoie toute sa vie en accéléré quand on est sur le point de mourir, le narrateur se remémore des scènes marquantes de son existence tandis qu'il s'efforce d'entraîner sa famille en sécurité. Outre la force de l'histoire, j'ai beaucoup apprécié l'évolution du style de l'auteur. Philippe Jaenada a su conserver ce qui faisait sa spécificité d'écrivain tout en se débarrassant d'une certaine arrogance plumitive. Désormais, il sait parfaitement doser ses digressions poupées-russes pour amuser ou interpeler sans perdre son lecteur en route. Et au lieu de chercher à éblouir ce dernier, il s'attache juste à être vrai, ce qui le rend souvent émouvant. "Plage de Manaccora, 16h30" est l'oeuvre d'un auteur enfin parvenu à maturité que je continuerai à suivre avec intérêt.
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