dimanche 20 novembre 2005

"Going postal"


Au bout de vingt-neuf tomes, le Disque-Monde n’a plus aucun secret pour ses lecteurs. Le style efficace de Pratchett, ses héros farfelus, sa satire à peine voilée de notre société, pas davantage. Mais pour aussi prévisibles qu’elles soient désormais, ses histoires n’en demeurent pas moins savoureuses.
Dans « Going postal », par exemple, il reprend très exactement l’idée de base de « The truth », se contenant de substituer la résurrection de la poste à la création d’un journal. Et ça marche quand même - parce que son sens de l’humour est toujours aussi féroce, et surtout parce qu’il a su créer un univers extraordinairement cohérent où l’on prend plaisir à voir réapparaître de loin en loin des personnages récurrents.
Je n’ai qu’un regret : les sorcières de Lancre me manquent beaucoup depuis leur dernière apparition dans « Maskerade ».

“I wonder if it’s like this for mountain climbers, he thought. You climb bigger and bigger mountains and you know that one day one of them is going to be just that bit too steep. But you go on doing it, because it’s so-o good when you breathe the air up there. And you know you’ll die falling.”

jeudi 29 septembre 2005

"Tout ce que j'aimais"


Depuis quelque temps, je me rends compte qu'à force de lire des quantités astronomiques de bouquins et de revues en anglais, j'ai de plus en plus de mal à trouver mes mots en français. Mon vocabulaire s'appauvrit. J'ai donc décidé de me remettre à lire des traductions de bons auteurs pour voir comment mes collègues résolvaient certaines difficultés ou contournaient certains obstacles.

C'est ainsi que j'ai fait l'acquisition de ce roman de Siri Hustvedt - l'histoire, narrée à la première personne, d'un artiste/intellectuel new yorkais depuis les années 70 à nos jours. Apparemment comblé par la vie, il va peu à peu perdre tout ce qu'il aimait. Et ce livre est une parfaite synthèse de tout ce que j'aime, moi. Des personnages très fouillés, tellement nuancés que j'ai l'impression de les connaître intimement au bout de cent pages, mais dont l'évolution continue à me tenir en haleine jusqu'à la fin. Un foisonnement de détails dont le pouvoir évocateur rappelle le "Mrs Dalloway" de Virgina Woolf. Une plongée vertigineuse dans l'âme humaine, ses passions et ses souffrances, qui ne cède jamais à la facilité de la complaisance. Tout le talent de Siri Husdvedt, c'est de réussir à raconter des choses objectivement tristes avec un tel amour de la vie que le lecteur, même ému, n'est pas tenté de s'apitoyer sur le sort des personnages. Au plus fort de la tragédie, elle ne fait jamais dans le haïssable "lacrymal". Et son style magnifique, à la fois littéraire et fluide, est très bien servi par la traduction de Christine Le Boeuf. Bref, encore un titre à ajouter sur la liste des romans à cause desquels je n'écris pas.

"Comme tout le monde, Bill récrivait sa vie. Les souvenirs d'un homme mûr sont différents de ceux d'un jeune homme. Ce que l'on trouvait vital à quarante ans, on peut le trouver moins significatif à soixante-dix. Nous fabriquons des histoires, après tout, avec les matériaux sensoriels fugaces qui nous bombardent à chaque instant, suite fragmentée d'images, de conversations, d'odeurs, et le contact des objets et des gens. Nous en effaçons la plus grande partie afin de vivre dans un semblant d'ordre, er ce remaniement de la mémoire se poursuit jusqu'à notre mort."

"Je ne savais pas quoi répondre. Le mot "précipitation" me semblait convenir assez bien à toutes les premières rencontres sexuelles que j'avais eues dans ma vie et le fait que ces deux jeunes gens éprouvent la nécessité de délibérer là-dessus m'attristait quelque peu. J'ai connu des femmes qui s'écartaient de moi au dernier moment et des femmes qui regrettaient leur passion le lendemain matin, mais une réunion de commission préalable à l'accouplement n'avait jamais fait partie de mes expériences."

"Quand je sortis de l'immeuble dans Central Park West, je regardai les arbres couverts de feuilles de l'autre côté de la rue et j'éprouvai une sensation d'ineffable étrangeté. Etre vivant est inexplicable, pensai-je. La conscience elle-même est inexplicable. Il n'y a rien d'ordinaire en ce monde."

"L'autre modèle de la conduite de Mark aurait pu être comparé à des strates géologiques. Les pulsions dites "bonnes" composaient une surface très étendue qui déguisait ce qui se trouvait au dessous. Régulièrement, les forces frémissantes d'impatience de ce dessous opéraient une poussée soudaine vers la surface, tel un volcan en éruption."

"La difficulté de bien voir m'a hanté longtemps avant que ma vue ne se dégrade (...). C'est un problème de perspective - ainsi que Matt me l'avait fait remarquer ce soir-là dans sa chambre, en constatant que lorsque nous regardons des gens et des objets, nous sommes absents de notre tableau. Le spectateur est le vrai point de fuite, la piqûre d'épingle dans la toile, le zéro."

"L'écriture est un moyen de remonter la piste de ma faim, et la faim n'est pas autre chose qu'un vide."

samedi 23 juillet 2005

"Harry Potter and the Half-Blood Prince"


Je viens juste de terminer le sixième tome des aventures d'Harry Potter, et malgré l'heure tardive (3h30 du matin...) je ne résiste pas à l'envie de rédiger immédiatement mes impressions.

Commençons par la fin. Depuis le premier tome, Rowling essaie de faire passer Snape pour un gentil incompris, et j'étais persuadée que c'était un vrai méchant. Maintenant qu'elle semble avoir prouvé que c'est un vrai méchant, je suis à peu près certaine que c'est un gentil incompris. Voici comment j'interprète la confrontation entre Dumbledore et lui en haut de la Tour d'Astronomie: Dumbledore ne supplie pas Snape de l'épargner - il le supplie de l'achever. Il sait qu'il n'a plus aucune chance de s'en sortir, et il veut 1/éviter à Draco de devenir un assassin 2/préserver la couverture de Snape 3/peut-être même éviter que Snape se sacrifie pour lui, s'il est au courant pour l'Unbreakable Vow. Quant au regard que lui lance Snape avant de le tuer, je pense que la haine qu'il traduit est soit dirigée contre lui-même, soit contre Dumbledore parce que celui-ci le force à faire quelque chose pour lequel il va encore se haïr. La suite me paraît aller dans le sens de cette théorie: quand Harry le rattrape, Snape ne le tue pas - mieux, sous couvert de se moquer de lui, il lui donne des conseils pour livrer un duel contre quelqu'un de plus puissant (utiliser des sorts non-verbaux et apprendre à fermer son esprit).

Pour le reste... J'ai beaucoup apprécié le retour à une atmosphère moins glauque malgré la menace qui pèse sur Hogwarts pendant toute l'année scolaire. Harry revient à un comportement plus raisonnable vis-à-vis de ses amis, et les relations amoureuses entre les élèves prennent une place prépondérante - ce qui paraît bien normal chez des ados de seize ou dix-sept ans, logiquement gouvernés par leurs hormones. Quelques scènes m'ont fait rire tout haut; Dieu merci on retrouve l'humour qui avait totalement disparu dans "Order of the Phoenix". Et la fin, très prenante, dégage une belle intensité dramatique.

Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai apprécié "Half-Blood Prince" davantage que "Prisonner of Azkaban" et surtout que "Goblet of Fire", mais il n'est vraiment pas loin derrière. Quand je pense qu'il va falloir attendre encore deux ou trois ans pour lire le septième et dernier tome! Je suis très curieuse de savoir si Harry reviendra à Hogwarts ou pas: il a quand même quatre Horcruxes à retrouver; ça fait un peu beaucoup à cumuler avec ses cours. D'un autre côté, je vois mal l'action se dérouler ailleurs qu'à Hogwarts, mais Rowling va peut-être nous surprendre en ne choisissant, là encore, pas la solution la plus évidente.

PS: I love Luna Lovegood - de loin mon personnage secondaire préféré.

vendredi 8 juillet 2005

"Un amour de jeunesse"


Carrie a 23 ans. Elle a toujours habité dans la même petite ville, connaît sa meilleure amie depuis le jardin d'enfants et doit épouser le garçon avec qui elle sort depuis près de dix ans. Et déjà, elle commence à regimber contre ce destin tout tracé...

"Pendant longtemps, j'avais considéré Mike comme nécessaire, j'avais vu en lui le ballast qui me protègerait. A présent, ce ballast me maintenait à ras de terre, me retenait: or j'avais envie de légèreté, de liberté. Je fondis en larmes et il bondit du canapé pour me prendre dans ses bras et, je détestais ça aussi, la facilité du geste, ce faux réconfort. Je ne supportais pas de voir les semaines, les années se déployer avec autant de clarté."

...Lorsqu'à la suite d'un accident, son fiancé devient tétraplégique. Incapable de faire ce que son entourage attend d'elle, Carrie s'enfuit à New York où elle commence une autre vie et noue une liaison avec le mystérieux Kilroy. Elle est en train de devenir une autre personne lorsque survient une nouvelle tragédie qui semble réclamer sa présence à Madison.

"Dans 24 heures, je serais là-bas, couchée dans mon vieux lit au premier étage de chez ma mère. Je serais rentrée de l'aéroport avec elle en empruntant des rues dont je savais déjà que je les trouverais dégagées et d'un calme sinistre. (...) New York me serait devenu un rêve, à peine tangible face à toutes ces choses que je connaissais si bien. Or ce que je voulais, c'était que Madison devienne le rêve et cette chambre, cette soirée, la réalité durable."

Que doit-on à nos proches? Faut-il sacrifier ses propres désirs au nom de l'amour? Vaut-il mieux faire du bien pour de mauvaises raisons (la culpabilité) que du mal pour de bonnes raisons (accomplir son propre destin)? Et jusqu'à quel point notre identité dépend-elle de ce et ceux qui nous entourent? Telle sont les questions qu'Ann Packer pose avec énormément de finesse dans "Un amour de jeunesse".

"A midi, je l'emmenai faire la connaissance de Mike. Ne sachant pas trop lequel des deux allait impressionner l'autre, je me sentais mal à l'aise, mais le problème ne se situait pas là: je me sentais mal parce que je n'étais pas sûre de réussir à être une seule et même personne face à eux deux."

Ce roman est merveilleusement bien écrit - et pas trop mal traduit pour une fois. Il regorge de détails qui sollicitent les cinq sens et transportent instantanément le lecteur dans les décors où évolue son héroïne. Et surtout, je me suis beaucoup retrouvée dans les interrogations de Carrie - même si je ne suis pas certaine que j'aurais fait le même choix à la fin.