vendredi 20 septembre 2013

"Le restaurant de l'amour retrouvé"


Un soir, alors qu'elle rentre du restaurant turc où elle travaille comme cuisinière, Rinco trouve son appartement complètement vide. Son petit ami indien, avec qui elle vivait depuis 3 ans, est parti en emportant toutes leurs affaires et sans même laisser un mot d'explication. Par chance, la saumure que Rinco a héritée de sa grand-mère - son bien le plus précieux - était cachée dans le compteur électrique.

Sa jarre sous le bras, la jeune femme que le choc a rendu muette rentre dans le village de montagne où elle a grandi et qu'elle n'avait pas revu depuis dix ans. Elle y retrouve sa mère, personnage fantasque qui a adopté un cochon en guise d'animal domestique, papy hibou qui hulule toujours à minuit précise, et son vieil ami Kuma qui était autrefois le concierge de son lycée. Et parce qu'il faut bien qu'elle gagne sa vie, Rinco décide de réaliser son rêve: ouvrir un restaurant. Mais un restaurant très particulier, qui ne servira qu'une seule table par jour et dont le menu sera composé en fonction des convives...

Sympathique découverte que ce premier roman d'Ito Ogawa. Le thème de la cuisine thérapeutique, à la fois pour celui qui la prépare et celui qui la mange, ne pouvait que me séduire. Devant ses fourneaux, Rinco trouve un sens à sa vie et exauce les voeux de ses clients. Son retour à la maison va également lui permettre d'éclaircir le mystère de ses origines, de comprendre l'histoire sous-jacente de sa famille de femmes et de construire un pont entre elle et sa mère. Dommage que l'écriture de l'auteur, bien que marquée par la pudeur qui caractérise beaucoup d'écrivains japonais, manque de la subtilité et de la poésie qu'on retrouve chez sa célèbre homonyme Yoko. J'ai trouvé son style un peu pauvre et malheureusement pas à la hauteur d'une histoire qui, mieux racontée, aurait pu devenir vraiment magique.

mercredi 18 septembre 2013

"Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage"


"On n'est jamais mieux servi que par soi-même. Lorsque son ex-femme Geraldine disparaît, Ethelred décide de mettre à profit ses talents de détective pour la retrouver. Petit problème: les connaissances en criminalité d'Ethelred, écrivain professionnel, proviennent de romans policiers tout droit sortis de son imagination qui, depuis un moment, s'est elle aussi volatilisée. Quoi de mieux, pour retrouver l'inspiration, qu'une enquête grandeur nature? De fausses pistes en révélations renversantes, la réalité dépasse de loin la fiction..." 

Ce petit bouquin à la couverture rétro et au titre à rallonge m'a immédiatement inspiré un mélange de curiosité et de méfiance. Il m'a suffi de parcourir ses trois premières pages pour savoir que j'allais beaucoup l'aimer. L'histoire est narrée tour à tour par Ethelred Tressider, personnage un peu fallot sauvé par son humour typiquement anglais, et Elsie Thirkettle, son agent littéraire aux tenues extravagantes et au franc-parler réjouissant. 

"Elle est aussi très honnête dans ses critiques.
- C'est de la merde.
- Tu pourrais être un peu plus précise? 
- C'est de la merde de chien. 
- Je vois, répondis-je en tripotant le manuscrit posé sur la table entre nous. 
C'était seulement le premier jet de quelques chapitres, mais j'avais espéré qu'ils seraient universellement salués comme un chef-d'oeuvre. 
- Laisse le polar littéraire à Barbara Vine, nom d'une pipe. Ce n'est pas ton truc. Ou, si tu préfères, elle sait y faire, pas toi. C'est suffisamment précis à ton goût, ou tu veux que je te le brode au point de croix sur un cache-théière?"

Accro au chocolat et épouvantablement sans-gêne, Elsie m'a fait hurler de rire d'un bout à l'autre de cette enquête dans laquelle elle s'incruste sans qu'Ethelred parvienne à la déloger. Il n'y a qu'une seule personne au monde qu'elle aime moins que les auteurs, et c'est justement Geraldine, qu'elle surnomme "la Salope". Si j'avais la place et si je ne craignais pas de vous spoiler, je vous citerais l'intégralité de ses répliques tant je les trouve savoureuses.

Quant à l'enquête à proprement parler... La grosse ficelle m'est apparue dès les premiers chapitres, sans doute parce qu'à cause de mon métier, j'ai l'habitude de faire très attention au choix des mots employés (ou pas) par un auteur. Il me semble que tous les amateurs de romans policiers devineront rapidement de quoi il retourne. Mais même privée de suspens, j'ai pris un énorme plaisir à dévorer cet "Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage" quasiment d'une traite: il est drôle, bien traduit, et égratigne la profession littéraire d'une façon que j'ai trouvée tout à fait jubilatoire.

Les aventures d'Ethelred se poursuivent dès demain dans "Homicides multiples dans une auberge miteuse des bords de Loire". Pourvu qu'Elsie soit toujours de la partie!

lundi 9 septembre 2013

"Chroniques de la vigne"


Dans le sillage du succès inattendu remporté par "Les ignorants" d'Etienne Davodeau, l'an dernier, les rayons des librairies ont vu fleurir tout un tas de bédés consacrées au vin. Généralement, je ne leur jette qu'un regard distrait. Mais cette fois, c'est Fred Bernard qui s'y colle, et comme je suis fan des aventures de Jeanne Picquigny, j'ai été incapable de résister à l'achat de ses "Chroniques de la vigne".

Issu d'une famille de vignerons bourguignons, l'auteur retranscrit ici ses conversations avec son grand-père, le nonagénaire aux 40 000 bouteilles bues dans sa vie ("Ca ne fait qu'un peu moins de deux par jour", se défend-il.) Encore bon pied bon oeil, le vieil homme plein de malice parle du travail de la vigne, fustige le snobisme de certains amateurs et relate une foule d'anecdotes liées au vin - certaines drôles, d'autres touchantes voire tragiques. Entre ses histoires, Fred Bernard intercale des aquarelles pleine page réalisées dans les coteaux de son village natal de Savigny-lès-Beaune. Une bédé qui fleure bon le terroir, et qui se savoure à petites gorgées comme un bon cru.

dimanche 8 septembre 2013

"Stars of the Stars" T1


J'aime bien Joann Sfar et Pénélope Bagieu séparément, aussi étais-je curieuse de ce qu'ils pourraient produire ensemble. 

"Stars of the Stars" est une histoire déjantée d'aliens qui, considérant la Terre comme un obstacle gênant sur leurs routes commerciales, décident de la faire exploser purement et simplement. Mais avant ça, ils enlèvent sept danseuses censées les représenter à un concours intergalactique. Problème: elles sont toutes nulles, et la plupart ne s'entendent pas du tout entre elles, si bien que ça devient rapidement le bordel à bord du vaisseau spatial...

Malgré ma curiosité initiale, "Stars of the Stars" ne m'a pas convaincue. Je n'ai pas été sensible à son humour vaguement trash, ni séduite par ses personnages de danseuses calamiteuses et toutes plus ou moins hystériques. Reste l'originalité d'une histoire rondement menée, mais je doute qu'elle suffise pour m'inciter à poursuivre la série.

samedi 7 septembre 2013

"Nos plus beaux souvenirs"


Pendant les vacances, j'ai lu et adoré "Emily", beau portrait de femme seule au crépuscule de sa vie. Du coup, j'ai eu envie de découvrir le roman auquel il faisait suite, et dont l'action se déroule quelques années plus tôt, juste après la mort de l'époux d'Emily. Toute la famille se retrouve une dernière fois dans la maison au bord du lac de Chautauqua, où les Maxwell passaient leurs vacances depuis plusieurs décennies et qu'Emily a décidé de vendre. Une semaine durant, nous suivons tour à tour chacun des protagonistes: Emily, sa belle-soeur Arlene, ses enfants Margaret et Kenneth, sa bru Lise, ses petits-enfants Sarah, Justin, Ella et Sam. La pluie s'en mêle, limitant les activités et favorisant les ruminations nostalgiques sur le passé ou inquiètes quant à l'avenir.

Stewart O'Nan a un incroyable talent pour disséquer les gestes les plus banals, mettre à jour les motivations les moins évidentes et retranscrire quasiment mot pour mot, émotion pour émotion la chaîne de pensées de ses personnages. Au fil des 600 pages de "Nos plus beaux souvenirs", il tisse avec une patience infinie la toile des rapports humains entre les membres de la famille Maxwell - des gens à la fois parfaitement ordinaires et extrêmement complexes comme nous le sommes tous. Sa chronique familiale n'est pas juste très bien écrite (et traduite): elle possède une qualité universelle qui a ressuscité, le temps de ma lecture, les vacances que je passais autrefois chez mon grand-père, et qui a m'a serré le coeur pendant les évocations du patriarche défunt. C'est pour moi la marque d'un grand écrivain, que je suis ravie d'avoir découvert grâce à Miss Sunalee et dont je lirai sûrement d'autres ouvrages.


lundi 2 septembre 2013

"Snaps: instantanés volés"


Après avoir trouvé, sur un marché aux puces, un album rempli de photos des années 40, Rebecca Kraatz s'est amusée à inventer une histoire aux personnes figurant sur les clichés. Ainsi est né "Snaps : instantanés volés", dans lequel s'entrecroisent les trajectoires d'une trentaine de Canadiens jeunes et vieux dont la vie va être, directement ou non, affectée par la guerre qui se livre en Europe.

J'aime beaucoup le principe du "puzzle" narratif, dans lequel le lecteur reconstitue au fur et à mesure la toile des liens unissant les divers personnages. J'ai également apprécié la grande variété de ton des portraits: certains donnent dans une poésie presque surréaliste, d'autres dans le romantisme plus ou moins tragique, tandis que d'autres encore exposent des situations et des sentiments bien peu glorieux. En revanche, j'ai eu beaucoup de mal à me faire au dessin, surtout celui des visages, ce qui a pas mal gâché mon appréciation globale de l'ouvrage.

dimanche 1 septembre 2013

"La rue des autres"


Sacha est vendeuse dans une librairie dont le patron préfère les chiffres aux lettres. Régulièrement, elle arrive en retard à son travail. Mais c'est à cause de Marcel-James, ce vieux clochard en fauteuil roulant qui a toujours des histoires extraordinaires à lui raconter... 

"La rue des autres", c'est l'histoire d'une amitié entre une jeune femme un peu en retrait de sa propre vie et un de ces marginaux dont les passants détournent très vite le regard. Violaine Leroy parle de solitude urbaine et de rejet de la différence, mais d'une façon plus humaine et positive que moralisatrice ou culpabilisante. Le bleu-gris qu'elle a choisi comme unique teinte de ses dessins reflète bien la tonalité de son récit: ni vraiment triste ni vraiment gai, juste émouvant et un peu mélancolique. Une très jolie bédé publiée par les éditions canadiennes La Pastèque auxquelles on doit entre autres "Paul", la merveilleuse série de Michel Rabagliati.