samedi 28 novembre 2009

"Un crayon dans le coeur"


Quand j'ai dit que je n'avais rien à bouquiner pendant ma retraite forcée, j'ai un tout petit peu menti. En fait, Christine m'a rendu hier une bédé que j'avais achetée et oubliée chez elle le mois dernier. Mais c'était une toute pitite bédé, que j'ai lue en une demi-heure avant de me coucher, donc on va dire que ça ne compte pas. Enfin, assez quand même pour me fournir un sujet de post :-)

Or donc, Laurel fait partie de ces dessinatrices/illustratrices qui se sont fait connaître grâce à leur blog et à qui on a proposé de publier un bouquin basé sur les meilleures planches d'icelui. Mais contrairement à une Margaux Motin ou une Pénélope Bagieu, ce n'est pas un archétype de Parisienne branchée, accro aux fringues et aux ragots entre copines. Attention: j'adore cet archétype-là; il fournit la base de gags hilarants. Mais c'est bien de lire les aventures d'un autre genre de fille, une fois de temps en temps.

Laurel a une petite Cerise qu'elle élève seule, une chatte nommée Choupinette, et pas trop de chance en amour. Elle raconte sa vie avec humour, bien sûr, mais surtout avec une sincérité touchante, sans passer sous silence les moments les plus tristes. Elle ne cherche pas à se composer un personnage en faisant un tri soigneux parmi ses anecdotes personnelles: elle aborde tous les sujets, y compris ceux qui font mal. De ce fait, sa bédé ressemble plus à un journal intime illustré qu'à un recueil de gags, et on s'attache davantage à son auteur au fil des pages. La bonne nouvelle, c'est qu'après l'avoir terminée, on peut continuer à suivre les aventures de Laurel sur son blog.

mercredi 25 novembre 2009

"Lorsque nous vivions ensemble" Vol. 1


Intriguée par l'épaisseur de ce manga et par la petite étiquette "Coup de coeur" qu'y avait collée un des employés de Brüsel, je l'ai feuilleté peu de temps après sa parution. Et trouvant le dessin franchement daté (pour cause: l'édition originale date de 1972!), je l'ai reposé aussitôt.
Quelques semaines ou quelques mois plus tard, j'ai vu Miss Sunalee acheter le volume 2. "Tu trouves ça bien?" ai-je demandé, intriguée. Elle a acquiescé avec enthousiasme, et le week-end suivant, à l'occasion de mon passage chez Cook&Book avec Kris et Céline, j'ai fini par faire l'acquisition du premier volume.

"Lorsque nous vivions ensemble" raconte l'histoire de Jirô et Kyoko, un couple de jeunes gens qui, bien que non mariés, partagent un studio ensemble à Tokyo. Je m'attendais à un récit léger, fait de petites choses du quotidien narrées sur le ton de la comédie. Je n'aurais pas pu être davantage à côté de la plaque. Dès les premiers chapitres s'installe une atmosphère lourde, très lourde. Tout n'est pas rose au royaume de la cohabitation mal tolérée dans un Japon où la libération des moeurs reste encore embryonnaire. Et surtout, un tas de personnages secondaires inquiétants ou juste tragiques gravite autour des deux héros: ici, un prêtre mutilé se masturbe devant un tableau de Mona Lisa; là, un jeune garçon incestueux conserve précieusement le cadavre pourrissant de sa soeur; ailleurs, une fillette massacre des animaux domestiques.

Jirô et Kyoko demeurent pourtant assez intouchés par tous ces drames. Ils sont trop centrés sur leur relation et sur les difficultés de celle-ci pour se préoccuper vraiment de ce qui ne les concerne pas. Illustrateur free lance, Jirô peine à gagner sa vie et à trouver la stabilité requise pour fonder un ménage. Face à lui, Kyoko tantôt clame crânement qu'elle aime leur liberté, tantôt pleure de la précarité à laquelle cette situation les condamne. Leur relation est passionnée et tumultueuse; empreinte parfois de violence, parfois d'une tendresse poignante, elle déborde en toutes occasions d'une énergie sexuelle que rien ne parvient à éroder.

Quant au dessin, j'ai très vite oublié son aspect daté pour me pâmer devant le sens de la composition de Kazuo Kamimura et sa faculté à restituer une atmosphère. Bref, malgré ma perplexité initiale, j'ai adoré ce manga et vais de ce pas faire l'emplette de la suite.

mardi 24 novembre 2009

"Les larmes de Tarzan"


Après avoir adoré "Le mec de la tombe d'à côté" de Katarina Mazetti, je ne pouvais que me laisser tenter par son nouveau roman traduit en français - d'autant que, reprenant la recette du précédent avec de nouveaux ingrédients, il promettait ce tour de force que peu d'auteurs parviennent à accomplir: refaire pareil tout en faisant différent.

La recette, donc, c'est deux êtres que tout oppose et qui pourtant vont vivre une histoire d'amour compliquée, à la fois cocasse et touchante. Dans "Le mec de la tombe d'à côté", une jeune veuve intellectuelle et citadine jusqu'au bout des ongles craquait pour un agriculteur bien enraciné dans sa campagne. Ici, une mère célibataire, professeur d'arts plastiques à temps partiel et chroniquement fauchée, entremêle presque à son insu sa vie à celle d'un jeune loup plein aux as qui roule en Lamborghini, accumule les conquêtes et déteste les enfants saboteurs de sièges en cuir.

On retrouve le principe du récit à deux voix alternées (et même quatre, car les bambins interviennent de temps à autre pour faire part de leur point de vue), les héros hautement imparfaits et l'humour un peu grinçant des situations. Mais cette histoire-là possède aussi une dimension sociale indéniable à travers le personnage de Mariana, dite "Tarzan", qui n'a pas toujours de quoi payer sa facture de téléphone ou acheter à manger à ses enfants. Elle représente une catégorie de nouveaux pauvres invisibles, ceux qui ont un toit et un métier et qui pourtant se couchent parfois le ventre vide. On aurait pitié d'elle si Katarina Mazetti n'en faisait pas une femme si pragmatique et si pleine de ressources, dont un humour féroce n'est pas la moindre. A côté d'elle, Janne l'homme d'affaires bousculé dans sa vie et ses habitudes paraît un peu terne. Mais c'est le seul reproche que je ferais à ce très chouette bouquin.

vendredi 20 novembre 2009

"Her fearful symmetry"


Avant de commencer ce livre, je me suis promis une chose: ne pas tenter de le comparer à "The time traveller's wife". Parce que des romans qui m'ont émue à ce point, il doit y en avoir moins d'une vingtaine sur les milliers que j'ai lus dans ma vie, et il était impossible qu'un auteur parvienne à réitérer un tel exploit. Je me disais que si je lisais "Her Fearful Symmetry" en espérant quelque chose qui ressemble à, ou au moins qui me touche autant que le précédent opus d'Audrey Niffenegger, je ne pourrai être que déçue. Donc, je l'ai abordé avec un esprit vierge de toute attente sinon celle que j'ai chaque fois que j'entame un nouveau livre: passer un bon moment.

Et j'ai quand même été déçue.

Le pitch était pourtant alléchant. A la mort de leur tante Elspeth, qu'elles n'ont jamais connue, les jumelles Julia et Valentina héritent d'un appartement à Londres avec l'étrange consigne de l'habiter pendant un an avant d'en disposer comme bon leur semblera. Ainsi se retrouvent-elles voisines de Martin, un homme en proie à des troubles obsessionnels compulsifs qui ont fini par avoir raison de son mariage, de Robert, l'ancien compagnon d'Elspeth absolument inconsolable depuis sa mort, et surtout du cimetière de Highgate, un lieu historique entretenu par des bénévoles. Très vite, Valentina, la plus fragile des deux soeurs, perçoit la présence d'un fantôme dans leur nouvelle demeure...

Je pensais atmosphère londonnienne gothique, je pensais tourments amoureux et romantisme échevelé, je pensais regard perspicace sur la gemellité, je pensais fin poignante qui me nouerait la gorge, voire me tirerait une petite larme. Au lieu de ça, j'ai eu deux héroïnes insipides et caricaturales, un pseudo-héros ténébreux d'une fadeur à pleurer, une histoire qui n'en finissait plus de se mettre en place, un cadre plein de potentiel très mal exploité, une décision aussi irrationnelle qu'extravagante contre laquelle il ne fut protesté que très mollement, un plan ridicule, un secret de famille qui ne tenait pas debout et un petit twist final donnant à l'ensemble un sursaut mélancolique mais bien insuffisant pour rattraper la mollesse de l'ensemble.

Moralité: si vous voulez lire une trèèèès bonne histoire de jumelles, quelque chose qui vous prendra aux tripes et vous fera vraiment vibrer, offrez-vous plutôt "26a" de Diana Evans, en français et en livre de poche chez Pocket.

lundi 16 novembre 2009

"L'échappée belle"


Je ne déteste pas les bons sentiments, bien au contraire. J'adore refermer un livre ou ressortir d'une salle de cinéma le sourire aux lèvres et le coeur plus léger. Mais les jolies choses ne sont pas nécessairement les plus palpitantes. Pour capter l'attention de quelqu'un en lui parlant de choses du quotidien ou en lui racontant la vie de gens ordinaires à qui il n'arrive rien de spécial, il faut beaucoup, beaucoup de talent. Exemples d'essais transformés en littérature: "La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" de Philippe Delerm ou "Ensemble c'est tout" d'Anna Gavalda, deux bouquins que j'ai adorés malgré l'enthousiasme quasi-unanime qu'ils ont soulevé à l'époque de leur sortie. (Oui, "malgré", car je suis une snob littéraire et me méfie du consensus public en la matière. Mais j'ai mes raisons. Trois d'entre elles se nomment Dan Brown, Marc Lévy et Guillaume Musso. Si vous voyez ce que je veux dire.)

J'avais déjà parlé ici de ma déception à la lecture du roman suivant d'Anna Gavalda, "La consolante". Son cinquième opus paru au début du mois chez Le Dilettante ne rattrape en rien cette mauvaise impression. Une histoire de frères et soeurs qui s'échappent d'un mariage à la campagne pour se payer une dernière virée dans l'enfance, ça aurait pourtant pu être sympa. Manque de chance: ça reste superficiel et franchement insipide. On ne fait pas un bon bouquin en se contentant d'accumuler des touches de dégoût facile et de nostalgie convenue. Je sais qu'Anna Gavalda a écrit "L'Echappée belle" il y a déjà huit ans, pour répondre à une commande de France Loisirs qui souhaitait offrir une oeuvre originale à ses lecteurs. Je veux bien croire qu'elle a subi des contraintes de volume qui l'ont empêchée de développer sa trame pour en faire quelque chose de plus intéressant. Mais là, la jolie couverture aux cornets de riz cache un texte pareil à une barbe à papa: trop sucré, inconsistant et franchement hors de prix pour la satisfaction qu'on en retire.

dimanche 15 novembre 2009

"The creative license"


Si les ouvrages sur les art journals des autres ne manquent pas, il est beaucoup plus difficile d'en trouver un qui motive le lecteur pour se lancer à son tour, surtout s'il ne possède aucune notion de dessin et pas la moindre idée sur la façon de procéder. J'ai longtemps cherché, et mon obstination vient enfin d'être récompensée: "The Creative License" de Danny Gregory est le manuel que j'attendais, et plus encore.

Après avoir très rapidement convaincu le lecteur que dessiner est à la portée de chacun et que cela enrichira sa vie en l'obligeant à regarder vraiment les choses qui l'entourent, l'auteur enchaîne par une série d'exercices faciles et passionnants. Chaque chapitre de son livre est un parfait mélange de conseils, d'anecdotes, de citations inspirantes et de dessins extraits de ses propres carnets. Il n'est pas une page qui ne donne des fourmis dans les doigts et une furieuse envie de lâcher tout ce qu'on est en train de faire pour se mettre à gribouiller avec un enthousiasme fiévreux. Un must pour tous les aspirants carnettistes. Je suis sûre que même les dessinateurs chevronnés adoreraient.

mercredi 11 novembre 2009

"Septembre en t'attendant"


Alissa Torres est enceinte de son premier enfant lorsque son mari, qui travaillait au World Trade Center depuis la veille, est tué dans les attentats du 11 septembre 2001. Commence alors pour la jeune femme un long parcours du combattant. Il lui faut non seulement faire le deuil de son époux avec qui elle était en froid la dernière fois qu'elle l'a vu, mais aussi se préparer à son nouveau rôle de mère dans des circonstances matérielles difficiles...

Beaucoup d'oeuvres de fiction ont été écrites sur la tragédie qui frappa New York en ce mardi funeste, voici déjà huit ans. Ce qui fait la force de "Septembre en t'attendant", c'est son côté journal intime. Le lecteur vit le drame de l'intérieur: les cauchemars de la jeune femme qui imagine son époux se jeter du 83ème étage, sa lutte incessante pour obtenir les dédommagements financiers qui lui sont dus, les absurdités bureaucratiques auxquelles elle se heurte, la nécessité pourtant de continuer à avancer pour son bébé... Mais aussi les souvenirs de temps plus heureux qui nous permettent de reconstituer sa vie d'avant - avant qu'elle ne soit plus qu'une victime d'abord prise en pitié, puis en butte à une étrange hostilité pour son statut de veuve du 11 septembre. C'est un parcours bien solitaire et bien douloureux que retrace là le dessinateur Sungyoon Choi. "Septembre en t'attendant" est plus qu'une simple bédé: un documentaire historique intime et émouvant.