mardi 29 décembre 2015

"Avant l'ouragan" (Jewell Parker Rhodes)


En Louisiane, tout le monde croit aux esprits. Lanesha, elle, a le don de les voir. 
"Tu es comme moi, ma chérie, tu as un don de double vue", lui a expliqué Mama Ya-Ya, la sale-femme qui l'a recueillie à sa naissance. 
Mama Ya-Ya savait qu'un ouragan approchait, bien avant que la radio et la télévision n'en parlent. 
Les dégâts seront incommensurables, répète le présentateur. Tous les habitants de La Nouvelle-Orléans doivent quitter la ville. 
Mama Ya-Ya est très âgée et ne possède pas de voiture, alors Lanesha a fait des provisions d'eau et de nourriture et cloué des planches sur les fenêtres. Elle ne sait pas ce qui l'attend, mais elle se prépare de toutes ses forces à survivre. 
Avec TaShon, le fils des voisins, avec le chien Spot qu'ils viennent d'adopter ensemble. 
Avec le fantôme silencieux de sa mère, qui est venu pour l'aider. 
Avec l'amour de Mama Ya-Ya, qui est incommensurable. 

C'est décidément de la littérature jeunesse que seront venus mes plus belles surprises en cette fin d'année.
Dans le District Neuf, un des quartiers les plus pauvres de la Nouvelle-Orléans (et de ceux qui ont le plus souffert du passage de l'ouragan Katrina), Lanesha est une orpheline de douze ans, rejetée par la famille riche de sa mère et élevée par une vieille femme qui voit des signes partout. Bonne élève, elle veut devenir ingénieure pour construire des ponts. Elle n'a pas d'amis, ni de beaux vêtements ou de jouets coûteux, mais jette un regard curieux et émerveillé sur tout ce qui l'entoure. C'est une héroïne touchante, pleine de volonté et d'espoir en toutes circonstances. Sa relation avec Mama Ya-Ya est magnifique, et le fait de voir les esprits lui confère beaucoup de sagesse et de sérénité par rapport à la mort.
Bien qu'a priori destiné aux 9-11 ans, "Avant l'ouragan" m'a remuée de la meilleure des façons avec son message positif et l'extraordinaire élan de vie qui le traverse de bout en bout. Je le recommande sans aucune modération, aux petits comme aux grands.

"- La météo annonce une grosse tempête, peut-être un ouragan. Qu'est-ce que j'avais dit? dit Mama Ya-Ya en éteignant le feu sous une casserole. Je le sentais. J'ai vu les oiseaux quitter leurs arbres, j'ai vu que l'eau mettait du temps à bouillir. Rentre tout de suite après les cours, Lanesha. Je vais avoir besoin de toi pour acheter des réserves. Du lait, du pain, du riz, des haricots et des bouteilles d'eau. 
- Tu crois que ce sera un autre Betsy? 
Avant ma naissance, l'ouragan Betsy a ravagé La Nouvelle-Orléans. J'ai vu des images d'archive au journal télévisé. Les gens n'avaient même plus d'eau potable ni de nourriture. Mama Ya-Ya nous veut prêtes à toute éventualité. 
Spot s'assied et mendie auprès de Mama Ya-Ya. Il a déjà eu son petit déjeuner mais elle lui donne un morceau de pain grillé, puis dépose une assiette devant moi. Fascinée par les couleurs vives de l'oeuf retourné, je perce le jaune et observe la rivière baveuse qui tourbillonne, puis l'arrose de sauce piquante rouge." 

"Au déjeuner, je mange un sandwich au thon et un jus de pomme à ma table. Je l'appelle "ma table" car personne ne vient se joindre à moi. Cependant, à l'inverse de TaShon, je n'essaie pas d'être invisible. Je suis installée au beau milieu de la cantine. Je n'ai pas honte de moi-même. En cours, c'est la même histoire: mes camarades m'évitent comme la peste. Dans mon ancienne école, lorsque les professeurs obligeaient un élève à se mettre à côté de moi, il se mettait à hurler: "Je ne veux pas, je ne veux pas!". 
Mes professeurs, croyant voir que la situation ne me dérangeait pas, ont fini par laisser tomber. En réalité, l'attitude de mes camarades me blesse, mais par fierté, je n'en montre rien. Au déjeuner, je lis; en classe, je me concentre sur le professeur et le tableau. J'efface de mon champ de vision les élèves et préfère imaginer que ce sont des fantômes, eux aussi."

lundi 28 décembre 2015

"L'île Louvre" (Florent Chavouet)


Après une brève incursion dans la fiction avec "Petites coupures à Shioguni", Florent Chavouet revient au style d'album descriptif qui l'a fait connaître. Cette fois, cependant, nous ne sommes pas au Japon mais dans le plus grand musée du monde, dont l'auteur a longuement exploré les coulisses et observé les visiteurs. On retrouve avec bonheur le charme de ses dessins aux crayons de couleur et de ses perspectives fabuleuses. On rit des remarques savoureuses ou absurdes qu'il a relevées. ("Bonjour, où est Le dernier soupir, s'il vous plaît?" "Vous voulez dire Le dernier souper ou La Cène, je suppose. Ce tableau est à Milan, en Italie." "Oui oui c'est ça. Mais c'est où Milan sur le plan?") "L'île Louvre" est donc un bon album, dont j'avoue néanmoins qu'il ne me laissera guère de souvenirs tant son sujet de base m'intéressait peu. Mais les amateurs de musées et d'art classique devraient adorer.




samedi 26 décembre 2015

"La passe-miroir T1: Les fiancés de l'hiver" (Christelle Dabos)


Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers: elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l'arche d'Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. A quelle fin a-t-elle été choisie? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d'un complot mortel

Ouah. 
OUAH. 
OUAAAAAAAAAAH. 
Pour un peu, j'en perdrais ma capacité à former des phrases cohérentes. 
Je ne comprends pas comment j'ai attendu si longtemps pour découvrir le premier tome de "La passe-miroir", lauréat du concours du premier roman jeunesse organisé en 2012-2013 par Gallimard. J'avais bien aperçu quelques critiques dans divers blogs de lecture, et Amazon me le recommandait avec insistance, mais j'ai fait une indigestion de fantasy il y a bien longtemps, et depuis, je suis devenue très, très sélective sur mes lectures en la matière. Au cours de la dernière décennie, seuls ont trouvé grâce à mes yeux la série des Kushiel de Jacqueline Carey et celle des Salauds-Gentilhommes de Scott Lynch. Alors, de la fantasy jeunesse écrite par une auteure française, ça ne m'attirait pas plus que ça a priori.

Et puis, par curiosité et parce que je ne cessais d'en entendre beaucoup de bien, je me suis plongée dans les 500 pages des "Fiancés de l'hiver". Et dès le premier chapitre, j'ai été complètement happée par l'univers riche et original de Christelle Dabos. La Terre, ronde autrefois, a volé en éclats pour donner naissance à différentes arches, mondes fragmentaires sur lesquels règnent des esprits de famille immortels. Les descendants humains de ces esprits sont dotés de pouvoirs qui diffèrent sur chaque arche, voire à l'intérieur de chaque clan. Ainsi, sur Anima, ce sont des animistes qui communiquent avec les objets et savent les faire se mouvoir par leurs propres moyens. Au Pôle, on trouve les Dragons capables de donner des coups de griffes mentaux, les Mirages qui sont des créateurs d'illusions ultra-réalistes, et bien d'autres encore qu'on ne découvre qu'au fil des chapitres.

Dans ce monde steampunkisant complexe évolue Ophélie, une héroïne très différente de celles qu'on trouve habituellement dans les romans de fantasy: maladroite en diable depuis un accident de miroir survenu alors qu'elle avait 13 ans, toujours vêtue de vieux habits élimés, de bottines dépareillées et d'une immense écharpe-golem qui se comporte comme un chat, si discrète qu'on l'entend à peine quand elle parle, pas romantique pour deux sous mais terriblement obstinée sous son apparente fadeur. Elle est entourée de personnages secondaires tout aussi bien campés: Thorn, son taciturne et mystérieux fiancé dont elle ne parvient pas à comprendre les motivations; la tante Berenilde, favorite d'entre les favorites, la beauté et le charme incarnés mais une redoutable manipulatrice; l'ambassadeur Archibald, déroutant de franchise et dont le passe-temps favori consiste à cocufier tous les époux de son entourage; Renard, le valet roux intéressé mais bon camarade; Gaëlle, la mécanicienne qui a de bonnes raisons de dissimuler un de ses yeux en permanence...

Outre cet univers passionnant et ces personnages formidables, "Les fiancés de l'hiver" possède deux énormes atouts. D'abord, une intrigue savamment tissée. Prise dans les manigances de la cour du Pôle, Ophélie ignore à qui elle peut se fier; les gens les plus attentionnés envers elle nourrissent souvent des intentions cachées, tandis que ceux dont elle se méfie au premier abord se révèlent des alliés potentiels - ou pas. Nul n'est tout noir ou tout blanc: chacun sert ses propres intérêts, et pour une étrangère au Pôle, il est très difficile d'en démêler les fils. Ensuite, Christelle Dabos écrit fichtrement bien, avec un style maîtrisé et plein de fantaisie qui fait jaillir les images sous les yeux du lecteur. Sa façon d'employer ça et là de vieux mots un peu désuets donne énormément de saveur à la narration. Bref, vous l'aurez compris, je suis totalement sous le charme de "La passe-miroir", qui ne m'a tenu trois jours que parce que je bossais en même temps et me forçais à me rationner. C'est certainement ma meilleure lecture de l'année, et une des meilleures lectures de fantasy de ma vie. Avant même de rédiger ce billet, je l'avais déjà fait acheter à trois personnes de mon entourage. Quant à moi, je dois patienter jusqu'à début janvier pour lire le tome 2 paru en novembre dernier. 

mercredi 23 décembre 2015

"Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une" (Raphaëlle Giordano)


Camille, trente-huit ans et quart, a tout, semble-t-il, pour être heureuse. Alors pourquoi a-t-elle l'impression que le bonheur lui a glissé entre les doigts? Tout ce qu'elle veut, c'est retrouver le chemin de la joie et de l'épanouissement. Quand Claude, routinologue, lui propose un accompagnement original pour l'y aider, elle n'hésite pas longtemps: elle fonce. A travers des expériences étonnantes, créatives et riches de sens, elle va, pas à pas, transformer sa vie et repartir à la conquête de ses rêves...

Coach en créativité et en développement personnel, auteur de "Mon carnet de coaching 100% bonheur", Raphaëlle Giordano a eu l'excellente idée de proposer un tour d'horizon assez exhaustif des méthodes permettant de prendre sa vie en main pour plus de bien-être et de bonheur - ceci, non pas sous la forme un peu barbante d'un manuel, mais sous celle d'une thérapie romancée et ultra-ludique. On peut très facilement s'identifier à Camille qui, sans avoir de réel problème, a laissé la pression du quotidien éteindre sa joie de vivre en minant ses relations avec son mari et son fils, ou en la maintenant dans un boulot qui ne l'excite plus. Bien que sceptique à la base, elle va se prêter au jeu et, malgré les moments de découragement, franchir un à un les obstacles qui la séparent d'une meilleure version d'elle, plus sereine et épanouie. A la fin, un vade-mecum récapitule toutes les méthodes abordées afin que le lecteur puisse s'y référer plus facilement. 

Soyons honnêtes: j'ai bien failli être rebutée, d'abord par le titre à rallonge vaguement sentencieux, puis par les trente premières pages que j'ai trouvées atrocement mal écrites, avec entre autres défauts une profusion d'images toutes moins judicieuses les unes que les autres. Mais dès qu'on entre dans la thérapie de Camille proprement dite, "Ta deuxieme vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une" devient franchement intéressant. C'est une excellente première approche du développement personnel pour les néophytes, un moyen de dédramatiser le concept et de le rendre accessible à tous. Sans aller jusqu'à chambouler sa vie de fond en comble comme Camille le fait au fil des pages, chacun pourra y piocher les méthodes les plus appropriées à son cas, les explorer davantage sur internet ou par le biais d'ouvrages spécifiques, voire les mettre en application seul.

"- Pour l'instant, agissez déjà sur votre vie de couple, devenez moteur de la relation, donnez plus!
- On en revient un peu à la case départ, vous ne trouvez pas? Pourquoi ce serait toujours à moi de faire des efforts? Pourquoi pas lui? 
- Parce que nourrir positivement la relation vous reviendra au centuple. "Faire du bien aux autres, c'est de l'égoïsme éclairé", disait Aristote. Et puis, pensez que pour l'instant, c'est vous qui avez un temps d'avance en développement personnel. C'est donc à vous de lui montrer le chemin. Peut-être aussi vous est-il plus naturel de prendre des initiatives? (...) Convenez que mieux vaut renoncer à être dans le classique duel du "qui fait quoi", cette compétitivité négative pour déterminer lequel, dans le couple, est le plus méritoire. (...) Partez du principe que l'autre essaie de donner le mieux de ce qu'il peut dans la relation à l'instant T, et retenez ce qu'il apporte de positif au lieu de vous concentrer sur ce qui vous déçoit, parce que ça ne correspond pas tout à fait à vos attentes. On récolte ce que l'on sème. (...) Semez du reproche, et vous récolterez rancoeur et désenchantement. Semez de l'amour et de la reconnaissance, et vous récolterez tendresse et gratitude."

lundi 21 décembre 2015

"Ce qui était perdu" (Catherine O'Flynn)


1984. Kate Meany est une petite fille hors du commun. Au lieu de fréquenter les enfants de son âge, elle joue les apprenties détective avec sa peluche dans les rues de Birmingham et les allées de Green Oaks, le tout nouveau centre commercial. Le reste du temps, elle s'amuse avec son seul ami, un jeune homme qui travaille dans un magasin du quartier, à scruter les clients et imaginer leurs troubles secrets. Jusqu'au jour où elle disparaît...
2003. Depuis des années, Kurt, agent de sécurité, contemple les masses somnambuliques venues tromper leur ennui ans l'immense centre commercial. Une nuit, il aperçoit l'image furtive d'une petite fille sur un écran de contrôle. Lisa, employée chez un disquaire, trouve quant à elle une peluche dans un couloir de service. Ensemble, ils se lancent à la recherche de la fillette. Dans les entrailles labyrinthiques de Green Oaks, ils vont tenter de retrouver ce qui était perdu: l'enfance, l'innocence, l'envie de vivre. 

Pendant les cent premières pages, je me suis passionnée pour les aventures urbaines de Kate Meany. Cette fillette solitaire, pas très chanceuse dans la vie mais attachante de par sa vocation précoce d'enquêteuse, me faisait penser à une petite Fantômette obstinée. Du coup, sans être vraiment léger, "Ce qui était perdu" remuait alors en moi une nostalgie de l'enfance dont je ne suis pourtant pas coutumière, et je trouvais sa lecture plutôt agréable.

Puis le roman a fait un bond de vingt ans dans le futur pour devenir une sorte de docu-fiction sur l'aliénation des temps modernes, ayant pour cadre les couloirs d'un gigantesque centre commercial où clients  et employés errent en traînant les pieds comme des zombies. Et j'ai commencé à le trouver très juste, mais aussi très plombant. Seules lueurs dans sa monotonie abrutissante: les apparitions qui louchaient du côté de l'histoire de fantôme.

Si j'ai beaucoup aimé les deux parties chacune pour ses propres mérites, j'ai du mal à considérer l'ensemble comme un tout cohérent. Surtout vers la fin, lorsque des fils oubliés depuis belle lurette se rattachent in extremis pour expliquer la disparition de Kate - même si celle-ci hante en filigrane toute la seconde moitié de l'histoire. J'ai conscience que la différence de ton est justement là pour exprimer d'une part l'innocence de l'enfance et d'autre part la désillusion de l'âge adulte, mais de mon point de vue, le contraste entre les deux est trop brutal. Malgré cela, le premier roman de Catherine O'Flynn m'a fait une très forte impression - assez pour que je jette un coup d'oeil à ce que l'auteure a écrit ensuite.

"D'après Adrian, quiconque demandait des bonbons citron-chocolat était un assassin: il les avait lui-même en horreur et pensait que personne ne pouvait à la fois vivre dans le respect des lois et aimer une combinaison aussi improbable. "Ces gens-là vivent en dehors des normes de la société, Kate. Leur boussole morale est devenue complètement folle. Ils n'ont plus de repères." (...) Kate s'efforçait de fonder ses soupçons sur des éléments plus tangibles, mais elle-même ne pouvait s'empêcher de nourrir des doutes sur les mangeurs de chips aux crevettes. Ils s'accordaient pourtant sur le fait que dans l'ensemble, les acheteurs de Kit Kat étaient du côté des forces du bien."

"Il y avait quelque chose dans l'atmosphère de Green Oaks qui rendait tout le monde accro à la fadeur artificielle et aux calories de la nourriture reconstituée. Certains de ses collègues y laissaient tellement d'argent qu'elle se demandait s'il ne serait pas plus simple pour eux d'être payés toutes les semaines en injections intraveineuses d'amidon modifié et de graisses hydrogénées. Elle imaginait sans trop de peine des employés élevés en batterie, sous perfusion, avant d'être flanqués derrière un comptoir, et Crawford se frottant les mains devant l'augmentation du rendement."

samedi 19 décembre 2015

"Un bébé à livrer" (Benjamin Renner)


J'avais A-DO-RE "Le grand méchant renard" de Benjamin Brenner. Je ne compte plus le nombre de personnes qui l'ont acheté sur mes recommandations enthousiastes. Alors, quand j'ai vu que l'auteur sortait un nouvel album avec, encore une fois, des animaux ni super futés ni super doués comme héros, je me suis jetée dessus. 

"Un bébé à livrer", c'est l'histoire d'un canard et d'un lapin qui, pour leur plus grand malheur, croisent une cigogne à l'aile cassée. Celle-ci leur confie une mission: livrer à sa place le bébé qu'elle apportait à ses futurs parents, en Avignon. Le problème, c'est que nos deux compères ne savent même pas dans quelle direction se trouve cette ville, et à plus forte raison comment s'y rendre. Ils tentent bien de refiler le nourrisson à leur pote le cochon râleur, mais celui-ci accepte seulement de les accompagner. A partir de là, les mésaventures vont s'enchaîner à toute vitesse...

A toute vitesse, certes, mais sans m'amuser une seule seconde. Je voulais aimer "Un bébé à livrer", je voulais vraiment. Mais alors qu'il est long comme un jour sans pain, ses gags ne m'ont arraché un vague sourire que dans les planches ci-dessous. Je n'ai retrouvé ni la drôlerie, ni le message social qui m'avaient tant séduite dans "Le grand méchant renard". Sans eux,  ce gros album pas franchement donné m'a juste paru ennuyeux à mourir. Puis j'ai découvert qu'il s'agissait d'une réédition d'un vieil album, et tout s'est éclairé: on y retrouve bien les bases qui font la qualité du "Grand méchant renard"; simplement, elles ne sont pas encore abouties. 




vendredi 18 décembre 2015

"Le journal de Frankie Pratt" (Caroline Preston)


1920. Frankie Pratt a 18 ans. Elève prometteuse, lectrice avertie, la jeune fille rêve de devenir écrivain. Avec une machine à écrire Corona et une fantaisie d'archiviste, elle se lance dans le récit de ses aventures sous forme de scrapbook. Tour à tour étudiante, danseuse de charleston amateur, rédactrice de potins à grand tirage, amoureuse éperdue de mauvais garçons, elle nous entraîne dans son sillage du New York de la Prohibition au Paris des Années Folles. 

Mélange de carnet intime et d'art journal à base de collages de documents d'époque, ce roman graphique est un vrai régal pour les yeux. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les aventures de l'héroïne, sa vie modeste d'orpheline de père dans une bourgade rurale, son béguin pour un homme plus âgé qu'elle et déjà marié, son entrée dans une université prestigieuse où elle tombe sous la coupe d'une amie riche et charismatique, sa découverte de New York et de la vie d'adulte, les plaisirs dont elle profite avec insouciance, sa traversée de l'océan dans la cabine de 3ème classe d'un énorme paquebot, les rencontres qu'elle y fait, son installation à Montmartre où elle interviewe Hemingway et fréquente une pléthore d'artistes fauchés... J'ai adoré le comportement émancipé de Frankie, son appétit de vivre et de découvrir des choses, ses observations sur le monde et les gens qui l'entourent. Bien que j'aie un peu regretté une fin assez convenue (et néanmoins logique pour l'époque), dans l'ensemble, cet ouvrage désormais disponible en version poche reste un plaisir de lecture à ne pas bouder, surtout si vous avez comme moi un faible pour les années 20!





jeudi 17 décembre 2015

"Ici ça va" (Thomas Vinau)


Pour échapper à un quotidien stressant, un couple trouve refuge au milieu des herbes folles, dans les ruines d'une maison familiale. Lui reconstruit, elle jardine. Et tandis que les blessures du passé surgissent entre les fissures des pierres, chacun se reconquiert, redécouvrant le goût de la vie et le chemin lumineux qui conduit à l'autre...

Parfois, pour faire de la bonne littérature, il n'y a pas besoin de personnages psychologiquement fouillés, d'une intrigue diabolique, d'un cadre exotique, d'un style hyper travaillé ou d'une histoire-fleuve. Parfois, avec des phrases toutes simples, des chapitres courts comme des instantanés, un décor réduit à sa plus simple expression et deux protagonistes à peine esquissés, on peut toucher à l'essentiel: produire une émotion lumineuse, vibrante d'humanité et de vérité fondamentale. Mais pour ça, il faut avoir le talent d'un Christian Bobin - ou de Thomas Vinau, que je découvrais ici et dont j'ai maintenant très envie de lire les autres romans. En guère plus de cent pages, son "Ici ça va" m'a touchée profondément et d'une façon très paradoxale, me mettant les larmes aux yeux et m'emplissant de sérénité tout à la fois. Je ne peux qu'en recommander la lecture à tous les gens en quête de sens et de simplicité. 

"Ema a pris une brindille pour écrire la date dans le béton frais. J'ai bu une bière en la regardant faire. (...) Je me suis demandé si un jour mes parents ne s'étaient pas retrouvés pour faire la même chose. J'ai pensé que c'était parfois tout ce qu'il restait d'une vie d'amour et de sueur. D'une histoire entière d'homme. Une date gravée dans le ciment. Comme dans les cimetières."

"La joie est belle. La joie est simple. Avec le temps je vois ça comme une sorte de sport. De régime. Une discipline. Une acuité du coeur et de l'oeil. Il y a des ressources considérables à puiser là-dedans. De la force. De la beauté. De la vérité. Pourtant ce n'est pas une situation confortable. Elle demande de la vigilance. De la volonté. Pas de forcer les choses, non, mais de faire attention. Il est bien plus confortable d'être négatif. C'est naturel, et on trouve toujours de quoi faire pour se tirer vers le bas."

"Nous construisons quelque chose, même si tout semble immobile. Même recroquevillés au fond de nous-mêmes. Nous construisons la prochaine saison. La prochaine lumière. Ce moment où les jours rallongeront. Cette façon de renaître."

mardi 15 décembre 2015

"Les choses comme je les vois" (Roopa Farooki)


Diagnostiquée Asperger dans sa petite enfance, Yasmine Murphy présente aussi le syndrome du savant, et elle est synesthète par-dessus le marché. Sa vision du monde ne ressemble à aucune autre - et elle s'apprête à la partager avec les neurotypiques en se laissant filmer pendant qu'elle prépare ses examens de fin de lycée.
Lila est la soeur de Yasmine. Rongée par un eczéma chronique qu'elle se donne un mal fou pour dissimuler, elle vit dans un taudis et enchaîne les conquêtes amoureuses autant que les petits boulots. C'est une artiste douée mais en colère, persuadée que Yasmine fait du cinéma depuis toujours et qu'elle lui a volé toute l'attention maternelle. 
Asif est l'aîné de la fratrie, l'éternel gentil garçon invisible aux yeux de tous. A la mort de leur mère, il a abandonné des études prometteuses pour prendre soin de Yasmine. Depuis, il fait un travail de bureau sans intérêt et a tiré une croix sur toute vie sociale. 
Le tournage du documentaire consacré à Yasmine va bouleverser leur équilibre bancal, obligeant chacun d'eux à repenser sa vision de la vie et de son propre avenir.

Je ne saurais dire si la voix très particulière de Yasmine est réaliste par rapport à sa forme d'autisme, mais elle m'a complètement fascinée - sans doute parce que je suis également synesthète, même si beaucoup moins qu'elle, et que je partage pas mal de ses névroses à un certain degré. J'ai trouvé passionnant de voir comment son neuroatypisme affectait les autres membres de sa famille, les forçant à adopter des rôles dont ils ne voulaient pas. Roopa Farooki montre bien de quelle façon le handicap d'un enfant concentre toute l'attention sur lui au détriment de ses frères et soeurs, créant des situations injustes et frustrantes qui ne sont la faute de personne et auxquelles personne ne peut remédier vraiment. Pour autant, "Les choses comme je les vois" n'est pas une lecture déprimante, puisque tous ses protagonistes finissent par trouver leur place - un compromis entre devoirs et choix personnels - ainsi qu'une certaine forme d'apaisement. Un beau roman humain et intelligent, qui s'efforce de comprendre sans jamais juger. 

"Si je m'organise soigneusement, je peux essayer de faire en même temps une dernière chose sur ma liste qui est la seule qui ne concerne pas une expérience sensorielle: je pourrais sauver une vie. En fait, je pourrais peut-être même en sauver plusieurs si je me débrouille pour mettre un terme à ma vie d'une manière qui permette à mes organes d'être prélevés pour des greffes. C'est logique: on pourrait sauver plein de vies si on organisait de temps à autre une loterie dans laquelle une personne mourante donnerait ses organes à tous les autres avant que la maladie qui est en train de la tuer ne les abîme, mais je suppose que la famille s'y opposerait. Cette idée ne me dérange pas, mais je suis réaliste quant au fait que je suis en train de mourir. Comme tout le monde. C'est juste une question de temps. Et aucune personne n'est plus importante qu'une autre, pas plus qu'un grain de sable dans l'océan." 

dimanche 13 décembre 2015

Concours "Touch": les gagnantes!



Premier commentaire tiré au sort par Random: celui de Balise, 
qui ne participe pas parce qu'elle est en Suisse. 
Bon, on reprend à zéro!


La première gagnante est donc Jeanne Blue


La deuxième gagnante est Nelly.  


La troisième gagnante est Solaena

Le hasard fait bien les choses (après un petit cafouillage): 
vous êtes toutes les trois en Belgique, donc je peux vous expédier vos livres rapidement. 
Jeanne, tu es la seule dont je n'ai pas l'adresse postale, merci de me l'envoyer à: l_annexe@hotmail.com

Merci à toutes les participantes et à bientôt pour un prochain concours!

10 suggestions de livres à offrir aux enfants de votre entourage pour Noël



Les mous: guide illustré drôle et tendre pour apprendre à "ne pas mener la vie dure aux mous" (à partir de 3 ans).

Dinomania: magnifique popup book au graphisme légèrement rétro, plein de dinosaures et de tout ce qu'il y a à savoir sur eux (à partir de 6 ans).

Par bonheur, le lait: court roman d'aventure rocambolesque avec un stégosaure, des vampires, des pirates et des extra-terrestres, illustré par Boulet (à partir de 9 ans).

Mon frère est un super-héros: roman débordant d'humour dont le jeune narrateur estime que c'est lui qui aurait dû se voir confier des super-pouvoirs (à partir de 9 ans).

Ce qu'on a trouvé dans le canapé, puis comment on a sauvé le monde: roman d'aventure loufoque à souhait où un Crayola couleur courgette décide du sort de l'humanité (à partir de 9 ans).

Cartes, voyage parmi mille curiosités et merveilles du monde: superbe atlas qui met en évidence la richesse du monde à l'aide de cartes illustrées à la manière des grands explorateurs, pour les fans de géographie et de voyages (à partir de 9 ans).

Les petites reines: roman intelligent et optimiste sur les thèmes du harcèlement et de l'acceptation de soi (à partir de 11 ans).

Yama: roman d'initiation ancré dans la culture fantastique japonaise, et situé à la période Edo (à partir de 11 ans).

La Balance Brisée: excellente trilogie de romans dont l'héroïne récemment orpheline se découvre des pouvoirs magiques et apprend à les apprivoiser (à partir de 11 ans).

Les enfants d'Evernight: série de romans de fantasy dont l'action se déroule dans un monde onirique (à partir de 11 ans, deux tomes parus à ce jour, également disponibles sous forme de bandes dessinées).

vendredi 11 décembre 2015

"Transparence" (Alex Christofi)


A l'image du verre, dont il porte le nom, Günter Glass est la transparence, la pureté, l'honnêteté même. Dans la ville de Salisbury où il a grandi (un peu), il fait figure de Candide bouboule, myope et accro aux gaufres. Si bien qu'à vingt ans, muni d'un optimisme débordant, d'une frêle culture wikipédiesque et d'une fascination immodérée pour la matière translucide, il se satisfait pleinement d'un emploi de laveur de carreaux - discipline où il excelle au point d'être réclamé sur les plus haut gratte-ciel londoniens...
Mais la vie est compliquée aux ingénus. Entre un patron fasciste, un premier amour désarçonnant, un frère aussi teigneux que sourd-muet et un colocataire aussi allemand qu'ermite, le naïf Günter expérimente les vertiges de l'âge adulte. Comment faire le bien quand tout est si compliqué? Voir au travers d'un monde aux facettes si multiples? Et si la perfection, comme le verre, passait plutôt par des milliards de petites impuretés?

Conquise par les récentes publications de Fleuve Editions, je me suis laissée tenter par "Transparence" que l'on m'avait vanté comme un roman feel good. Et je l'ai refermé franchement perplexe quant à ce qui avait pu lui valoir une telle appréciation. Il est vrai que j'ai suivi les mésaventures du jeune Candide sans déplaisir, en souriant des réflexions très justes qui émergeaient parfois de sa naïveté et en me demandant où sa curieuse fascination pour le verre allait le mener. Mais la vérité, c'est qu'elle ne le mène nulle part sinon à une fin triste, absurde, bâclée et profondément insatisfaisante qui laisse toutes les intrigues secondaires en suspens. Du coup, ce n'est pas une lecture que je recommanderais.

J'étais incapable de parler aux femmes. Je pouvais le faire tant qu'elles restaient des êtres humains. Mais dès qu'elles devenaient des femmes, qu'elles portaient des vêtements sexy et me regardaient dans les yeux, j'étais paralysé. Kali avait déjà cessé de s'intéresser à moi pour parler avec les deux autres. Je m'entraînerais à parler aux femmes une autre fois. Quand l'occasion se présenterait. Une fois que toutes les conditions seraient réunies. Mais dans l'idéal, avant mon rencard de samedi. 

Je me retrouvais confronté à un dilemme - et non des moindres. Les gens illuminés ou délirants me mettaient mal à l'aise. Mais ma modeste expérience en la matière (et par expérience, j'entends les heures passées devant MTV) m'avait appris que le sous-ensemble des femmes que je trouvais sexy recoupait souvent le sous-ensemble des femmes qui avaient l'air folles. 

Le plus effrayant, c'est que la Cagoule semblait entretenir des liens avec les plus grosses sociétés de l'époque: Michelin, la banque Worms et certaines sociétés pétrolières françaises. Le fondateur de L'Oréal avait même été un de leurs leaders. Dire que j'utilisais leurs shampoings tous les jours sans savoir que j'enrichissais une dynastie fasciste. Tout ce que je voulais, moi, c'était me débarrasser de mes pellicules. Ce n'était pas toujours facile de faire le bien, mais c'était en revanche absolument, incroyablement, extraordinairement facile de faire le mal. 

mercredi 9 décembre 2015

"A bunch of pretty things I did not buy" (Sarah Lazarovic)


Dans ce mémoire illustré, l'artiste Sarah Lazarovic décortique son parcours de consommatrice depuis l'enfance: la recherche de son style, adolescente, et la façon dont ses choix vestimentaires participent à la construction de son image d'elle-même; le départ de chez ses parents et la nécessité d'établir un budget; sa boulimie de shopping et ses regrets consécutifs; sa découverte du minimalisme et, par la suite, la culpabilité associée à la moindre dépense; l'établissement de critères et la liste des achats auxquels cela l'a amenée à renoncer; enfin, une forme d'apaisement vis-à-vis de la consommation. J'ai aimé ses interrogations très proches des miennes, sa façon ludique de les présenter et le ton qu'elle emploie - celui de la confidence plutôt que d'une leçon donnée au lecteur.

"A Bunch of Pretty Things I Did Not Buy" n'est pour le moment pas traduit en français (hélas) (mais je veux bien m'en charger). 






lundi 7 décembre 2015

"Les nuits de laitue" (Vanessa Barbara)


Otto et Ada partagent depuis un demi-siècle une maison jaune perchée sur une colline et une égale passion pour le chou-fleur à la milanaise, le ping-pong et les documentaires animaliers. Sans compter qu'Ada participe intensément à la vie du voisinage, microcosme baroque et réjouissant.
Il y a d'abord Nico, préparateur en pharmacie obsédé par les effets secondaires indésirables; Anibal, facteur fantasque qui confond systématiquement les destinataires pour favoriser le lien social; Iolanda et ses chihuahuas hystériques; Mariana, anthropologue amateur qui cite Marcel Mauss à tout-va; M. Taniguchi, centenaire japonais persuadé que la Seconde Guerre Mondiale n'est pas finie.
Quant à Otto, lecteur passionné de romans noirs, il combat ses insomnies à grandes gorgées de tisane tout en soupçonnant qu'on lui cache quelque chose...

Premier roman de la chroniqueuse brésilienne Vanessa Barbara, "Les nuits de laitue" dissimule derrière une galerie de portraits savoureusement barrés une intrigue policière qui sème ses indices ça et là, l'air de rien, pour ne se dévoiler réellement qu'à la toute fin. On s'attache très vite au couple singulier formé par Otto et Ada, deux caractères totalement opposés mais aux goûts similaires qui ont choisi de ne pas avoir d'enfants pour mieux profiter l'un de l'autre, et on s'amuse des excentricités pas-si-anodines-que-ça de leurs voisins. L'atmosphère presque fantasmagorique du village, ainsi que l'absence de références géographiques, placerait l'histoire hors du monde et même hors du temps sans les références à la Seconde Guerre Mondiale. Bref, un roman inclassable mais très réussi, et une auteure à suivre!

Certaines lettres passaient entre les mains de tous les habitants du quartier, sauf de ceux qui auraient dû les recevoir; elles décrivaient ainsi de drôles de loopings avant d'être finalement ouvertes et jetées au panier, le délai de paiement ayant expiré - "Regardez-moi ça, une facture d'électricité de 1997! s'exclamait Nico, à la lumière d'une lanterne. Mais il ne faut pas voir tout en noir. Certains j-habitants, n'ayant pas la force de se révolter, finirent par entamer une correspondances avec les enfants, neveux et nièces d'inconnus, nouant ainsi des relations sincères et diffusant les nouvelles autour d'eux. 

Si l'idée était pour chaque année de mariage supplémentaire, de trouver quelque chose de plus noble pour symboliser leur union, alors les tulipes et le chou-fleur étaient tout indiqués. Il y avait eu les noces de gâteau à la carotte et aussi une année où ils avaient décidé de fêter leurs noces d'os, juste pour le plaisir de l'assonance, tout en reconnaissance volontiers que l'os n'était en rien supérieur à la turquoise, à l'argent ou au corail. L'année de la disparition d'Ada, ils auraient célébré leurs noces de couverture à carreaux. 

Cet hiver-là, Otto fut contraint d'avaler une tisane de laitue tous les soirs, sans le moindre résultat concret, si ce n'est des douleurs au ventre ainsi qu'une progressive et totale aversion pour les légumes-feuilles. Le soixante-dixième jour, il fut mis fin à l'expérience pour cause d'échec et de soulèvement du public cible, de sorte qu'Ada nota en conclusion de son compte-rendu l'observation suivante: "Hypothèse réfutée. A bas la lactucine. La seule vue d'une laitue est devenue insupportable au cobaye."

samedi 5 décembre 2015

Concours: gagnez 3 exemplaires de "Touch" (Claire North)


Kepler est un fantôme, une entité désincarnée. D'un simple contact peau contre peau, il "saute" d'une personne à l'autre, utilisant le corps de ses hôtes aussi longtemps qu'il lui plaît avant de les laisser sans aucun souvenir de ce qu'ils ont fait durant la période où il les possédait. Jusqu'au jour où un assassin mandaté par une organisation mystérieuse commence à le traquer à travers ses hôtes successifs. S'engage alors une folle course-poursuite à travers toute l'Europe, durant laquelle Kepler convoque ses souvenirs pour tenter de comprendre qui peut bien chercher à l'éliminer...

Qui sommes-nous au-delà du corps que nous portons, de sa position sociale et de ses biens? Telle est la question que pose Claire North, la très talentueuse auteure de "Les Quinze Premieres Vies d'Harry August", à travers ce nouveau roman fantastique cette fois décidément mâtiné de thriller. Non seulement elle livre une histoire haletante, construite de façon très habile avec ses chapitres courts et ses multiples aller-retour passé-présent, mais elle se paye le luxe d'une vraie réflexion sur la notion d'identité. Son méchant est l'un des plus flippants que j'aie jamais rencontré dans un bouquin. Quant à son style, je le trouve toujours aussi percutant. Peu d'auteurs savent aussi bien qu'elle croquer une situation en quelques phrases lapidaires d'une justesse criante, ou manier l'ironie pour la faire claquer comme un coup de fouet. 

Accessoirement, c'est moi qui ai traduit ce roman - en transpirant à très, très grosses gouttes du fait qu'on ne sait jamais si Kepler est un homme ou une femme, ce qui passe très bien en anglais mais pas du tout en français où les adjectifs s'accordent avec le genre du nom auquel ils se rapportent. Et comme mon éditeur a été très généreux en m'envoyant mes exemplaires, je peux exceptionnellement vous en faire gagner non pas un, mais trois! Avant dimanche 13 décembre à midi, laissez-moi un commentaire en me disant de quelle personne vous aimeriez occuper le corps l'espace d'une journée, et pour faire quoi. Je procèderai ensuite à un tirage au sort. Ouvrages expédiés uniquement en Belgique (dans la foulée des résultats) ou en France (début janvier). Bonne chance!

jeudi 3 décembre 2015

"Broadway Limited: Un dîner avec Cary Grant" (Malika Ferdjoukh)


"Normalement, Jocelyn n'aurait pas dû obtenir une chambre à la pension Giboulée. 
Mrs Merle, la propriétaire, est formelle: cette respectable pension new-yorkaise n'accepte aucun garçon, même avec un joli nom français comme Jocelyn Brouillard. 
Pourtant, grâce à son talent de pianiste, grâce, aussi, à un petit mensonge et à un ingrédient miraculeux qu'il transporte sans le savoir dans sa malle, Jocelyn obtient l'autorisation de loger au sous-sol. Nous sommes en 1948, cela fait quelques heures à peine qu'il est à New York, il a le sentiment d'avoir débarqué dans une maison de fous. 
Et il doit garder la tête froide, car ici il n'y a que des filles. 
Elles sont danseuses, apprenties comédiennes, toutes manquent d'argent et passe leur temps à courir les auditions. 
Chic a mangé tellement de soupe Campbell's à la tomate pour une publicité que la couleur rouge suffit à lui donner la nausée. 
Dido, malgré son jeune âge, a des problèmes avec le FBI.
Manhattan est en proie à l'inquiétude depuis qu'elle a cinq ans. 
Toutes ces jeunes filles ont un secret, que même leurs meilleures amies ignorent. 
Surtout Hadley, la plus mystérieuse de toutes, qui ne danse plus alors qu'elle a autrefois dansé avec Fred Astaire, et vend chaque soir des allumettes au Social Platinium. 
Hadley, pour qui tout a basculé, par une nuit de neige dans un train. 
Un train nommé Broadway Limited." 

J'ai lu beaucoup de romans de Malika Ferdjoukh, et "Quatre soeurs" est l'un de mes principaux doudous littéraires comme je vous le rappelais encore avant-hier. Alors, quand j'ai vu qu'elle avait sorti au printemps dernier un pavé de 600 pages qui n'était que la première moitié d'un diptyque, je me suis ruée dessus immédiatement, et je l'ai dévoré en trois jours pourtant bien remplis par ailleurs.

J'avoue avoir eu quelques difficultés à rentrer dans l'histoire au début, essentiellement parce qu'il y avait trop de personnages à mon goût. Les filles de la pension, en particulier, me semblaient trop nombreuses, et jusqu'à la fin de la première moitié du roman, quand on aborde leurs histoires individuelles, j'ai eu beaucoup de mal à les distinguer les unes des autres - d'autant qu'elles pratiquent toute la même forme d'humour à froid hyper littéral. Pour la première fois, les libertés que prend Malika Ferdjoukh avec la langue française m'ont aussi un peu agacée; jusqu'ici, j'avais trouvé ça charmant; là, ça devenait un peu convenu, presque forcé. Un moment, j'ai cru que j'allais abandonner ma lecture en cours de route.

Puis le charme a opéré. Je me suis laissée gagner par l'atmosphère de New York au croisement de deux axes forts: la saison (automne-hiver) et la période historique. Au sortir de la guerre, l'Amérique, pays d'abondance et de coutumes exotiques aux yeux du jeune Frenchie expatrié, est surtout gangrenée par la ségrégation raciale et la chasse aux communistes. Et si les jeunes femmes de la pension Giboulée évoluent dans un milieu chic et clinquant, elles connaissent surtout l'envers du décor - les aspects peu glamour, les couleuvres à avaler, les fins de mois difficiles. Bien que ce soit peu réaliste, j'ai trouvé jubilatoire la façon dont les histoires des unes et des autres se recoupent de manière parfois très inattendue. Face à elles, Jocelyn pose sur tout un regard parfois perplexe mais généralement émerveillé; il fait son apprentissage de la vie et connaît ses premiers émois amoureux, apportant une indispensable touche de fraîcheur. Quoi de plus romantique qu'un premier baiser dans les rues enneigées de New York?

Au final, malgré un démarrage qui m'a désorientée autant que son jeune héros débarquant en pays inconnu, j'ai beaucoup aimé cette première partie de "Broadway Limited" et j'attendrai avec impatience la sortie de la seconde!

mardi 1 décembre 2015

20 livres qui font chaud au ♥︎



J'ignore ce qu'il en est pour vous, mais en ces temps troublés, j'ai envie de lectures qui me font chaud au coeur et me mettent une peu de baume à l'âme. Des livres-doudous dont l'atmosphère m'enveloppe comme une douce couverture et me fait oublier le reste du monde l'espace de quelques heures. Voici une petite sélection de mes préférés. Pour chacun d'eux, je vous donne quelques termes-clés ainsi qu'un lien vers ma critique détaillée. N'hésitez pas à me laisser vos recommandations personnelles dans les commentaires. Et dites-moi aussi si la forme de cette liste vous convient, ou si vous auriez préféré que je présente ça autrement. Merci d'avance!

ROMANS
Quatre soeurs de Malika Ferdjoukh: roman jeunesse, cinq orphelines, vieille maison, parents fantômes, atmosphère chaleureuse
Miss Charity de Marie-Aude Murail: roman jeunesse, manoir anglais, fillette solitaire, lectrice avide, ménagerie à domicile, carrière d'illustratrice
La dernière conquête du major Pettigrew de Helen Simonson: petit village anglais, couple mixte, beaucoup d'humour
La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis de Francis Dannemark: bande d'amis, soirées cinéma, entraide
Demain est un autre jour de Lori Nelson Spielman: mère décédée, liste d'objectifs de jeunesse à accomplir, jeune femme qui doit se sauver elle-même
La femme au carnet rouge d'Antoine Laurain: histoire d'amour romantique, Paris, libraire, carnet égaré
N'aie pas peur si je t'enlace de Fulvio Ervas: récit autobiographique, fils autiste, road trip en moto, USA et Amérique du Sud
Le théorème du homard de Graeme Simsion: scientifique psychorigide, recherche de l'âme-soeur, opposés qui s'attirent
Love saves the day de Gwen Cooper (en anglais seulement): New York, deuil, chat, magasin de disques
Et puis Paulette de Barbara Constantine: personnes âgées, vie en communauté, entraide
Rosa candida d'Audur Ava Olafsdottir: Islande, père malgré lui, roseraie fantastique
Spellman & associés de Lisa Lutz: détective privée, travaille en famille, catastrophe ambulante, rigoler tout haut
L'anniversaire de la salade de Tawara Machi: poésie, observation du quotidien, drôle et fin
Jeeves, intégrale T1, de P.G. Wodehouse: jeune noble anglais bon à rien, valet plein de sagesse, tante calamiteuse, maisons de campagne, hilarité garantie

BEDE
Les vieux fourneaux (3 tomes) de Lupano et Cauuet: trio de vieux anarchistes, langue bien pendue, tordant
Un océan d'amour de Lupano et Panaccione: histoires sans paroles, pêcheur disparu en mer, marée noire, mouette moyennement rieuse, bigoudène aux crêpes fabuleuses
Mes petits plats faciles by Hana (2 tomes) de Kusumi Masayuki: gourmande feignasse, improvisations avec fonds de frigo
Eloïza et Napoléon de Cristina Floride et Francisco Ruizge: amour improbable et magnifique
Lydie de Zidrou et Jordi Lafebre: années 30, jeune fille simplette, bébé mort-né, conspiration bienveillante d'une communauté, humain et émouvant
Shä et Salomé: Jours de pluie de Loïc Clément et Anne Montel: couple atypique, univers de geeks tendres et un peu surréalistes, Dieu est un poney

dimanche 29 novembre 2015

"A map of the world according to illustrators and storytellers" (Antonis Antoniou)



Noël approche à grands pas, et vous commencez à vous demander ce que vous pourriez bien offrir à vos proches (ou vous faire offrir par les gens en manque d'idées.) Si vous êtes amateur de graphisme en général et de cartographie en particulier, je vous recommande fortement "A Map of the World According to Illustrators and Storytellers". Antonis Antoniou y a compilé les oeuvres de plus d'une centaine d'artistes du monde entier, aux styles aussi variés que leurs provenances. C'est toujours un bonheur de reconnaître le plan d'une ville qu'on a visitée et de voir comment elle a été représentée: sous quel angle, avec quelle palette de couleurs, quelle sélection de monuments et autres lieux notables... Les cartes de pays et les mappemondes régalent tout autant les yeux et l'esprit, qu'elles montrent les spécialités culinaires, la musique locale ou encore le lieu d'origine des objets de notre quotidien. Franchement, c'est un cadeau magnifique à faire ou à se faire! (A ma connaissance, ce superbe ouvrage n'est pas disponible en français, mais il comprend si peu de texte que même un non-anglophone pourra en profiter au maximum.)














vendredi 27 novembre 2015

"Les liens du mariage" (J. Courtney Sullivan)


A la fin des années 40, Frances, célibataire endurcie, fait carrière dans la publicité en inventant des slogans pour le diamantaire De Beers. Dans les années 70, Evelyn, veuve très jeune et remariée avec le meilleur ami de son premier époux, s'oppose farouchement au divorce de leur fils unique. Dans les années 80, James doit faire des horaires de dingue dans son boulot d'ambulancier pour subvenir aux besoins de sa famille et se montrer à la hauteur en tant qu'homme. Au début des années 2000, Delphine, bourgeoise parisienne mariée sans amour à un homme plus âgé, s'éprend d'un musicien prodige dont elle pourrait être la mère. Enfin, en 2012, Kate, opposée de toutes ses forces au mariage pour des raisons idéologiques, s'apprête à célébrer celui d'un cousin homosexuel...

Si les héroïnes de "Les débutantes" étaient une bande d'amies de fac, tandis que celles de "Maine" appartenaient à la même famille, ici, les personnages ne se connaissent pas et vivent à des époques différentes. Pourtant, au-delà du fait que chacun d'eux incarne une facette différente de l'institution du mariage, ils sont tous liés d'une manière qui n'apparaît qu'à la fin. On reconnaît la patte de l'auteur dans ses portraits psychologiques fouillés et crédibles, qui lui permettent d'aborder par un biais intime de nombreux sujets de société. J'ai surtout été intéressée par l'histoire de Frances, qui couvre la plus grande période historique et permet de découvrir les débuts puis l'évolution du marketing. Et je me suis énormément retrouvée dans les opinions de Kate, son refus des conventions, sa critique mordante de la société de consommation et les compromis qu'elle est parfois obligée de faire. "Les Liens du mariage" confirme J. Courtney Sullivan comme une valeur sûre du roman choral dont les pages se tournent toutes seules - ou presque. 

"Kate se demandait perpétuellement comment parvenir à agir au mieux dans un monde corrompu. Faire ses courses, allumer un ordinateur, vous rendait indirectement complice de la souffrance de quelqu'un, à l'autre bout de la planète. Dès qu'elle exprimait ses inquiétudes, elle mettait tout le monde autour d'elle mal à l'aise et passait pour la rabat-joie de service. 
Tous les jours, elle s'inquiétait pour (liste non exhaustive): les enfants qui mouraient de faim en Afrique, les produits chimiques dans l'alimentation de sa fille et dans l'eau du robinet. La corruption à Washington et dans le reste du monde. La pauvreté, les viols au Congo, les viols dans les universités américaines. Le plastique. Le pétrole. Les publicités pour la bière dans lesquelles les hommes étaient présentés comme des abrutis uniquement intéressés par le foot et les femmes, des pestes fascinées par le shopping. Les dangers d'internet. L'origine de tous les produits du quotidien: viande, vêtements, chaussures, téléphones portables. Le sort des ours polaires. Les Kardashian. La Chine. (...) Les cancers que les membres de sa famille ne manqueraient pas d'attraper à force de fumer, de réchauffer les aliments au micro-ondes, de s'exposer au soleil, d'utiliser des déodorants, bref de céder à tout ce qui rend la vie moderne un peu plus pratique et supportable."

mercredi 25 novembre 2015

"Ca aussi, ça passera" (Milena Busquets)


La mère de Blanca, le grand amour de sa vie, est morte il y a un mois. L'été arrivant, la narratrice quadragénaire va s'installer dans la maison de vacances familiale, à Cadaquès, en compagnie de toute sa tribu: ses deux ex-maris et les enfants qu'elle a eus d'eux, la nounou, ses amies Sofia et Elisa... Même son amant marié, Santi, n'est pas loin. Au fil des baignades et des promenades en bateau, des verres en terrasse et des dîners au jardin qui se prolongent tard dans la nuit, Blanca convoque ses souvenirs et continue à converser avec la défunte. Pour tromper son immense chagrin et se sentir vivante malgré tout, elle ne connaît qu'un seul moyen: s'étourdir de séduction et de sexe...

De toute évidence, Blanca et moi avons des manières très différentes de gérer le deuil. C'est pour cette raison que malgré des critiques ultra-élogieuses, j'ai mis assez longtemps à me décider à lire "Ça aussi, ça passera". J'ai fini par attaquer ce roman d'été au coeur d'un automne parfaitement lugubre, et au final, je l'ai dévoré dans la journée. D'abord pour la très belle écriture de Milena Busquets, admirablement traduite de l'espagnol par Robert Amutio. Ensuite pour la sensibilité aiguë dont l'héroïne fait montre, à la fois dans ses observations sur la vie et dans l'expression de son chagrin. Parler de choses extrêmement intimes sans jamais sombrer dans l'impudeur ou la vulgarité n'est pas donné à tout le monde. L'auteur fait encore mieux que cela: elle parvient, sur un thème casse-gueule, à produire un roman introspectif aussi solaire que la saison et le lieu qui lui servent de cadre. Je dis bravo. 

Je suis folle de mon corps asymétrique, doux, maigre, imparfait, disproportionné, je le gâte, je le tripote, je lui donne tout ce qu'il me demande, je le suis partout, je lui obéis docilement, je ne le contredis jamais. C'est le contraire d'un temple. J'ai essayé, j'essaie, sans trop de succès, de faire de ma tête un temple, mais le corps devrait être toujours un parc d'attractions.

Je remarque les mêmes choses, le petit chien monté sur ressorts dont la tête apparaît et disparait à la fenêtre d'un rez-de-chaussée, le grand-père qui donne la main à son petit-fils, les beaux mecs avec le radar branché, l'éclat du rayon de soleil sur mes bracelets cliquetants, les personnes âgées et seules, les couples qui s'embrassent avec passion, les mendiants, les vieilles suicidaires et provocatrices qui traversent la rue à la vitesse d'une tortue, les arbres. Nous voyons tous des choses différentes, nous voyons toujours les mêmes choses, et ce que nous voyons nous définit absolument. Nous aimons instinctivement ceux qui voient comme nous, et nous les reconnaissons tout de suite.

C'est l'observation, pas seulement l'amour, qui nous rend maîtres des choses, des villes que nous avons visitées, des histoires que nous avons vécues, des gens, de tout. Tout ce que tu as connu et vécu sans indifférence, avec attention, tout cela est à toi. Tu peux tout convoquer quand tu en as envie.

lundi 23 novembre 2015

"Par bonheur, le lait" (Neil Gaiman/Boulet)


C'est l'histoire d'un papa qui, sa femme étant partie donner une conférence et ses enfants n'ayant plus de lait pour arroser les céréales de leur petit-déjeuner, s'arrache à la lecture de son journal bien-aimé pour faire un tour à l'épicerie du coin. Et tarde à revenir, car il est en train de vivre une aventure rocambolesque pleine d'extraterrestres, de pirates et de vampires, qui le verra faire des allers et retours dans le temps à bord d'une montgolfière pilotée par un stégosaure... le tout en protégeant sa précieuse bouteille de lait!

Selon son éditeur français, ce court roman jeunesse est "un concentré d'action tonique et débridée, hommage au petit-déjeuner, à l'imagination, aux enfants et à tous les parents". Ce qui me semble une description très juste. On ne s'ennuie pas une seconde pendant la centaine de pages de "Par bonheur, le lait", et on est même un peu désolé que l'histoire farfelue inventée par Neil Gaiman se termine aussi vite - d'autant qu'elle contient quelques boucles temporelles particulièrement réjouissantes, ainsi qu'une bonne dose d'humour et de références culturelles plus ou moins planquées dans le texte. Le type même du bouquin qui réjouira les lecteurs de tous les âges. 

- Si deux objets qui sont le même se touchent, a proclamé le dieu volcan, alors l'Univers tout entier prendra fin. Ainsi parle le grand et indicible Splod.
- Comment se fait-il qu'un volcan en connaisse si long sur la métascience transtemporelle? a demandé un des extraterrestres vert pâle. 
- Etre une formation géologique laisse beaucoup de loisir pour réfléchir, a déclaré Splod. En plus, je suis abonné à un certain nombre de revues savantes.





samedi 21 novembre 2015

"Sorcière et ténèbres" T1 (Hiroko Nagakura)


"Hitsuji est probablement la fille la plus énergique, optimiste, enthousiaste et heureuse de l'école. C'est aussi une sorcière, une sorcière blanche pleine de bonnes intentions.  Un jour apparaît dans sa classe Kokuyô, un nouvel élève recouvert de bandages comme une momie. Même s'il est sacrément antipathique, Hitsuji tombe rapidement amoureuse de lui. Le problème, c'est que Kokuyô est un chasseur de sorcières. Il les déteste tellement qu'il souhaite toutes les exterminer..."

J'ai craqué pour la couverture de cet ouvrage, dont le style me faisait irrésistiblement penser aux films de Miyazaki. Hélas, elle s'est révélée plutôt trompeuse. Loin de l'atmosphère pleine de charme de "Kiki" ou du "Château ambulant", "Sorcière et ténèbres" mélange une magie noire au croisement du vaudou et du satanisme avec une romance d'une banalité à pleurer. L'héroïne mignonne, gentille et gaie qui soupire après un type mystérieux et désagréable, c'est tellement vu et revu... Le contraste entre sa naïveté typique du shôjo et la noirceur de batailles magiques dont l'ambiance rappelle plutôt "Death Notes" ne fonctionne pas du tout. De plus, sans être horribles, les dessins intérieurs sont d'une qualité assez médiocre - à part pour le très bel encart couleur de la fin. Bref, je n'ai vraiment pas apprécié "Sorcière et ténèbres".