jeudi 7 février 2019

"Dites aux loups que je suis chez moi" (Carol Rifka Brunt)


En 1987, dans l'Etat de NewYork. June a 14 ans lorsque son oncle adoré meurt du Sida. Finn était un artiste renommé qui venait juste d'achever un portrait de ses deux nièces. A son enterrement, June aperçoit un homme que sa soeur aînée Greta et leurs parents traitent d'assassin. Il s'appelle Toby, et il était le compagnon de Finn depuis presque dix ans. D'abord blessée d'apprendre que son oncle lui a caché tout un pan de sa vie, June trouve bientôt un message dans lequel Finn lui demande de veiller sur Toby, également malade et désormais seul au monde. Une amitié étrange naît entre eux...

On pourrait faire beaucoup de reproches au premier roman de Carol Rifka Brunt. June est l'archétype de l'ado maussade, persuadée que personne ne la comprend. Greta est jalouse et cruelle; leur mère, amère et injuste; leur père, falot et inexistant. Toby suscite la compassion mais se comporte en irresponsable total d'un bout à l'autreSérieusement, il n'y a pas un personnage pour rattraper l'autre - hormis Finn, sorte de saint intouchable mais essentiellement vu à travers les yeux de ses proches, sans qu'on sache à quel point l'image qu'ils s'en font correspondait à la réalité. 

Même avec des parents très pris par leur travail, June jouit d'une liberté de mouvement assez peu crédible pour son âge. Pourtant, son portrait psychologique est fouillé et accrocheur, notamment dans l'approche de ses sentiments les plus inavouables. Même si j'ai rouspété intérieurement tout le long, j'ai lu "Dites aux loups que je suis chez moi" presque d'un trait. L'autrice dépeint avec justesse les réactions que suscitait le Sida à la fin des années 80: la curiosité morbide du public, la honte de l'entourage, l'isolement des malades. Elle tisse des relations familiales complexes et douloureuses dans l'ensemble, mais leur offre une résolution aussi créative qu'émouvante. 

Traduction de Marie-Axelle de La Rochefoucauld

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