"Chaque année en septembre j'ai peur de mourir, alors j'achète un cahier. J'ai peur de mourir depuis l'âge de cinq ans, tous les jours, à chaque heure du jour et encore plus au milieu de la nuit, quand je vais aux toilettes sans allumer. Si j'allumais j'aurais encore plus peur. En septembre c'est beaucoup plus cruel. C'est si beau septembre, si limpide, si bleu. Chez nous, ici, c'est le plus beau mois de l'année. Ce n'est pas un mois, c'est un fruit. "
Ainsi commence "Je me souviens de tous vos rêves", extrait du journal intime tenu par René Frégni entre septembre 2014 et février 2015. "Chez nous", c'est du côté de Manosque, dans la campagne provençale - donc, c'est aussi un peu chez moi. Et dès les premiers chapitres, où l'auteur décrit les virées de chasse durant lesquelles il accompagnait son père comme je le faisais moi-même enfant, je me suis tout pris dans la figure, la lumière du jour naissant, le murmure des ruisseaux à l'eau glacée, le crincrin des insectes, le goût acide des raisins pas tout à fait mûrs chipés dans les vignes, le plumage moucheté des grives inertes entassées dans la gibecière...
Quels points communs puis-je bien avoir avec un sexagénaire qui a déserté l'armée autrefois, fait de la prison, réussi à s'évader, élevé seul sa fille unique, passé plusieurs décennies à battre la campagne et à transmettre l'amour de la lecture à des détenus? Plus que je n'aurais pu le croire. La nécessité d'écrire, pour commencer. Les angoisses de mort, évidemment. La peur de perdre la vue. Le chagrin à la disparition d'un chat bien-aimé. La solitude apprivoisée. L'émerveillement devant les choses les plus simples. Un fantôme parental. Une révolte sourde face au sort des déshérités, une sympathie instinctive pour ceux qui finissent par tout casser. "C'est facile de parler de tolérance lorsqu'on possède tout, de donner des leçons de tolérance la bouche pleine de petits-fours. Les racines du mal... Il y a un banquet, et ce sont toujours les mêmes qui sont autour de la table sous des lustres d'or. Alors, de temps en temps, ceux qui regardent renversent tout."
Je crois que les livres qui nous ont le plus ému sont ceux dont il nous est le plus difficile de parler. Dans le cas de "Je me souviens de tous vos rêves", je pourrais vanter sa "mélancolie solaire" (pour reprendre l'expression sur le bandeau de couverture), son mélange de douceur et de rudesse, la profonde humanité qui transpire de chacune de ses phrases, mais aucun de ces arguments ne suffirait à exprimer combien il m'a touchée.
Je crois que les livres qui nous ont le plus ému sont ceux dont il nous est le plus difficile de parler. Dans le cas de "Je me souviens de tous vos rêves", je pourrais vanter sa "mélancolie solaire" (pour reprendre l'expression sur le bandeau de couverture), son mélange de douceur et de rudesse, la profonde humanité qui transpire de chacune de ses phrases, mais aucun de ces arguments ne suffirait à exprimer combien il m'a touchée.
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