A la première ligne du premier chapitre de "C'est ici que l'on se quitte", le héros apprend que son père vient de mourir d'un cancer du colon après avoir atrocement souffert pendant six mois.
...Y'a pas à dire, j'ai un flair très sûr pour choisir mes lectures.
J'ai failli m'arrêter immédiatement, ce qui aurait quand même été un record. Mais je n'avais rien emporté d'autre à lire dans ce vol Bruxelles-Istanbul, ni pour le séjour en Turquie qui allait suivre. Alors, j'ai serré les dents et me suis forcée à continuer.
Judd Foxman vient donc de perdre son père, une catastrophe de plus dans la longue série qui s'est récemment abattue sur lui. Après la mort in utero de leur bébé, sa femme Jen a entamé une liaison avec Wade, un gros beauf qui se trouvait par ailleurs être le patron de Judd. Les découvrant un jour au lit ensemble, Judd a mis le feu aux testicules de Wade à l'aide des bougies allumées d'un gâteau d'anniversaire et démissionné dans la foulée. Du coup, il a dû abandonner le domicile conjugal et s'installer dans le sous-sol déprimant loué par un couple de vieillards chinois.
Là-dessus, son père avec lequel il n'a jamais réussi à communiquer vraiment décède en laissant une surprenante dernière volonté: bien que juif non-croyant et peu pratiquant, il tient à ce que sa famille observe après ses obsèques le rituel de la shiv'ah. Pendant sept jours, Judd va donc se retrouver enfermé dans la maison de son enfance avec tout un paquet de gens qu'il supporte à peine. Sa mère auteure de livres de psychologie enfantine, qui à 63 ans continue à exhiber sa poitrine refaite avec des décolletés jusqu'au nombril. Son frère aîné Paul qui a pris la direction du magasin d'articles de sport créé par leur père, et qui tente en vain de faire un bébé à sa femme Alice (une ex-petite amie de Judd). Sa soeur Wendy, mère de trois enfants et épouse de Barry, un gros beauf accro au boulot qui ne décolle pas de son BlackBerry. Son frère cadet Philip, l'éternel trublion amateur de filles et de substances illicites. Inutile de dire que le mélange est explosif et que la semaine s'annonce agitée...
Contre toute attente, j'ai beaucoup, beaucoup ri en lisant "C'est ici que l'on se quitte". J'ai aussi eu le coeur tour à tour serré et gonflé d'espoir. Jonathan Tropper joue à merveille sur toute la gamme des émotions humaines suscitées par les grandes questions de la vie-la mort. Il parvient à rendre très exactement le mélange d'amour et d'irritation qu'on s'inspire toujours entre membres d'une même famille. Il manie l'humour vaudevillesque et le comique de situation avec assez de virtuosité pour contrebalancer les grincements de dents qu'il inspire par ailleurs, la mélancolie et l'amertume qui imprègnent une grande partie de son texte. Comme quoi, en littérature, il faut parfois savoir faire fi de sa première impression pour découvrir de vraies bonnes surprises. Ce roman brillant à tous points de vue en était une.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire