Après avoir acheté sur un site de vente aux enchères une enveloppe bourrée de photos d'une famille de Français moyens, dont une fillette qui doit être née à peu près à la même période qu'elle, Isabelle Monnin a l'idée d'un double ouvrage. Elle commence par s'inspirer des clichés pour imaginer la vie des gens qui figurent dessus. Puis, une fois cette partie romanesque bouclée, elle s'attèle à la tâche de retrouver les modèles et de découvrir leur véritable histoire, tout en tenant un journal de son enquête. Pour parachever le concept, Alex Beaupain écrit dix chansons interprétées par lui-même, Camélia Jordana, Clotilde Hesme et Françoise Fabian, tandis que "Les gens dans l'enveloppe" reprennent des morceaux qui les ont marqués; le CD est inclus à la fin du livre.
J'ai beaucoup aimé la première partie du livre, qui fait se succéder trois points de vue: celui de la fillette, baptisée Laurence, qui grandit dans l'absence de sa mère et le chagrin de son père; celui de Michelle, la mère qui se sent étouffer dans son existence d'ouvrière et qui finit par s'en échapper très loin; celui de Simone, la grand-mère arrivée en fin de vie qui ressasse ses souvenirs une dernière fois. Les instantanés d'un quotidien plutôt tristounet sont magnifiés par une écriture parfois dure et crue, parfois poétique voire lyrique.
"Adossée à un arbre, j'observe la baignade de deux chiens dans le ruisseau. Je les dessine dans ma tête, je peine à rendre la transparence de l'eau sur leur poil. Je me demande ce que serait le monde en mon absence. Une fille adossée à un arbre observe des chiens ou aucune fille adossée à cet arbre pour observer ces chiens: rien d'essentiel ne manquerait, tout ce qui compte vraiment serait là, l'arbre, le ruisseau, les chiens. Complètement le même monde, sans moi. J'en déduis une conclusion parfaite pour ma collection de réflexions inutiles."
"A la mort qui vient, elle offre mais ouvertes sa solitude grise et ses odeurs froides. Elle offre aussi ses bocaux à la cave, les haricots verts que personne ne prend plus, elle donne les pommes alignées sur le papier journal, son couteau noir et ses bouteilles de bouillon, elle cède sans un regard les tricots commencés pas terminés et ses photos mélangées, n'emportera que celles qui trempent dans le lait. Elle lui offre tout, ses importants et ses regrets, le même jour hagard toujours recommencé."
Je n'avais pas envie que ça se termine, et j'ai été agacée de voir le récit de l'enquête survenir si vite. Dans cette seconde partie, Isabelle Monnin rencontre ses sujets et les fait parler d'eux. Il est très étrange de constater que, même si elle lui fait parfois écho de façon inattendue - la répétition des prénoms, le thème de l'abandon... -, la réalité est bien plus complexe et bien moins "propre" que la fiction. Elle semble aussi mettre en lumière plusieurs épisodes intimes douloureux de la vie de l'auteur, qui sont évoqués en passant mais pas approfondis.
Au final, ce récit m'a laissé une impression parfaitement illustrée par sa dernière phrase: "Des bribes, des bouts, des lambeaux. Je les étale. Si quelqu'un sait coudre, qu'il les assemble entre eux." Je n'avais pas envie de coudre, mais de lire quelque chose de structuré - que j'avais eu avec la partie romancée. Et la juxtaposition de la fiction avec la réalité, censée faire toute la valeur de l'ouvrage, m'a rebutée plus qu'autre chose.
"Adossée à un arbre, j'observe la baignade de deux chiens dans le ruisseau. Je les dessine dans ma tête, je peine à rendre la transparence de l'eau sur leur poil. Je me demande ce que serait le monde en mon absence. Une fille adossée à un arbre observe des chiens ou aucune fille adossée à cet arbre pour observer ces chiens: rien d'essentiel ne manquerait, tout ce qui compte vraiment serait là, l'arbre, le ruisseau, les chiens. Complètement le même monde, sans moi. J'en déduis une conclusion parfaite pour ma collection de réflexions inutiles."
"A la mort qui vient, elle offre mais ouvertes sa solitude grise et ses odeurs froides. Elle offre aussi ses bocaux à la cave, les haricots verts que personne ne prend plus, elle donne les pommes alignées sur le papier journal, son couteau noir et ses bouteilles de bouillon, elle cède sans un regard les tricots commencés pas terminés et ses photos mélangées, n'emportera que celles qui trempent dans le lait. Elle lui offre tout, ses importants et ses regrets, le même jour hagard toujours recommencé."
Je n'avais pas envie que ça se termine, et j'ai été agacée de voir le récit de l'enquête survenir si vite. Dans cette seconde partie, Isabelle Monnin rencontre ses sujets et les fait parler d'eux. Il est très étrange de constater que, même si elle lui fait parfois écho de façon inattendue - la répétition des prénoms, le thème de l'abandon... -, la réalité est bien plus complexe et bien moins "propre" que la fiction. Elle semble aussi mettre en lumière plusieurs épisodes intimes douloureux de la vie de l'auteur, qui sont évoqués en passant mais pas approfondis.
Au final, ce récit m'a laissé une impression parfaitement illustrée par sa dernière phrase: "Des bribes, des bouts, des lambeaux. Je les étale. Si quelqu'un sait coudre, qu'il les assemble entre eux." Je n'avais pas envie de coudre, mais de lire quelque chose de structuré - que j'avais eu avec la partie romancée. Et la juxtaposition de la fiction avec la réalité, censée faire toute la valeur de l'ouvrage, m'a rebutée plus qu'autre chose.
Bonsoir,
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai un ressenti totalement inverse ^^.
En effet, je n'ai pas accroché au style de l'auteur et n'ai pas vraiment apprécié la partie romance. Au contraire, j'ai trouvé l'enquête sympa (sur le fond, parce que dans cette partie non plus, la forme ne m'a pas passionnée).
Bref, j'aurais aimé aimer ce livre (que j'ai reçu en cadeau) et comme toi être touchée par l'écriture de l'auteur, mais ce fut un rendez-vous raté :/
j'ai été touchée par l'idée de l'auteur et sa démarche, mais finalement comme vous, je suis plutôt déçue du résultat, parce que le style est peut-être un peu trop quelconque:-(
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