Très charmée l'année dernière par le premier roman de Camille Anseaume, et alléchée par les critiques élogieuses sur son deuxième, j'ai été ravie de le trouver samedi matin chez Pêle-Mêle, et je me suis jetée dessus le soir même pour le commencer.
Dans la première partie de "Ta façon d'être au monde", une narratrice qui utilise le pronom "Tu" pour se désigner décrit l'enfance de sa meilleure amie, "Elle", leur rencontre et les liens qu'elles nouent au fil des ans. "Elle" est fondamentalement inquiète comme "Tu" est fondamentalement joyeuse; "Elle" envie "Tu" et cherche par leur proximité à s'approprier un peu de son insouciance. J'avoue m'être souvent reconnue dans les descriptions que l'auteure fait d'"Elle":
"Elle qui travaille si dur pour réaliser sa chance, elle pense que tu n'es pas foutue de te confronter au pire pour regarder la tienne en face.
C'est vrai qu'elle travaille dur. Tous les soirs, elle tue sa mère pour tenter de ressentir en l'embrassant au petit matin le même soulagement que si elle était revenue à la vie. Tous les jours, elle imagine les scénarios les plus terribles pour goûter au plaisir qu'ils ne se réalisent pas. C'est une discipline exigeante qu'elle pratique avec rigueur et application."
C'est vrai qu'elle travaille dur. Tous les soirs, elle tue sa mère pour tenter de ressentir en l'embrassant au petit matin le même soulagement que si elle était revenue à la vie. Tous les jours, elle imagine les scénarios les plus terribles pour goûter au plaisir qu'ils ne se réalisent pas. C'est une discipline exigeante qu'elle pratique avec rigueur et application."
Malgré tout, cette histoire d'amitié ne m'accrochait pas spécialement, et j'étais rebutée par l'emploi systématique de ces pronoms là où des prénoms et un "Je" auraient rendu la lecture plus fluide.
Puis, dans la seconde moitié du roman, on change de point de vue. La narratrice est désormais la jeune femme inquiète, qui dit "Je" pour parler d'elle-même et "Tu" ou "Elle" pour parler de son amie. Déjà, ça m'a perturbée. Ensuite, cette partie raconte un décès subit qui frappe leur petite bande, mais plus particulièrement la jeune femme jusque là insouciante. Pendant cent vingt pages, l'auteure parle de deuil d'une façon pleine de sensibilité et de justesse, mais qui m'a d'autant plus ennuyée que je ne voyais pas du tout l'intérêt du changement complet de point de vue et de sujet.
Le temps que je comprenne où elle voulait en venir et, du coup, pourquoi elle avait procédé ainsi, j'arrivais presque à la fin du roman, et j'étais complètement passée à côté de celui-ci. Je l'ai refermé avec beaucoup de frustration, en me demandant: "Mais comment se fait-il que...?" et en me disant que j'aurais bien voulu connaître le point de vue de la personne défunte. Pour moi, une rencontre complètement manquée.