Ivy Trent et Abe McFadden sont des âmes-soeurs, destinées à se rencontrer et à s'aimer. Mais selon le moment et les circonstances dans lesquels ils font connaissance, leur histoire ne prend pas du tout la même tournure...
L'uchronie personnelle est un de mes sous-genres favoris, et je dois dire que j'ai été particulièrement gâtée avec ce roman. Elizabeth Enfield prend le parti de présenter à rebours les différentes vies de ses héros: dans le premier chapitre, ils se rencontrent en 2026, quand ils ont 70 ans et sont veufs tous les deux; dans le deuxième, en 2015, alors qu'ils sont théoriquement libres tous les deux mais qu'Abe reste extrêmement présent dans la vie de son ex-femme; dans le troisième, en 2010, alors qu'Ivy se décide enfin à faire le test pour savoir si elle est porteuse du gène défectueux qui a condamné sa mère et son frère à une fin horrible... Et ainsi de suite jusqu'à leur enfance.
L'auteure prend un malin plaisir à ne pas dissimuler sa main: ses personnages font très souvent référence au déjà-vu et aux notions de physique quantique régissant les univers parallèles, ce qui rend le lecteur encore plus complice du procédé de création que d'ordinaire. Et une botte de foin tombée d'un camion - l'instrument le plus aléatoire du monde - joue presque toujours un rôle crucial. Je la guettais dans chaque chapitre avec l'impression de voir une main géante descendre du ciel pour la saisir délicatement entre deux ongles et la jeter sur la route. Le truc pourrait paraître maladroit; je l'ai juste trouvé jubilatoire.
J'ai aussi beaucoup aimé le fait que fondamentalement, Ivy et Abe restent les mêmes personnes dans toutes leurs vies. Ivy est conditionnée par son incertitude d'être ou non porteuse du gène défectueux, et très ambivalente par rapport au fait de découvrir de quoi il retourne; elle travaille toujours dans le tourisme et, quand elle ne rencontre Abe qu'assez tard, elle épouse toujours le même autre homme et a toujours avec lui les mêmes enfants. De son côté, Abe est toujours issu d'une famille nombreuse; il devient toujours concepteur de fontaines et il est toujours très attentionné mais aussi plutôt faible de caractère.
Ce qui fait qu'une histoire d'amour va durer, ce n'est pas juste de rencontrer la bonne personne: c'est de la rencontrer au bon moment, affirme Elizabeth Enfield en présentant aussi des variations dans lesquelles les deux héros se passent à côté parce que les circonstances sont contre eux. Ce qui contrebalance assez bien le principe un peu trop romantique à mon goût des âmes-soeurs destinées l'une à l'autre. Et qui m'a fait adorer "Ivy and Abe".
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