mercredi 15 juillet 2015

"Ma grand-mère vous passe le bonjour"


Elsa a sept ans, presque huit. Son plus grand trésor est son écharpe Gryffondor. Elle lit de la littérature de qualité (à savoir, des bédés de super héros) et tout ce qu'elle ne sait pas, elle l'apprend sur Wikipédia. Elsa est vachement futée pour son âge. Pour tous les âges, même. Du coup, elle n'a pas d'autre amie que sa grand-mère - et quelle grand-mère! Une femme chirurgien qui a sillonné le monde toute sa vie pour venir en aide à ceux que personne d'autre ne voulait aider, une briseuse de coeurs qui ne s'est jamais fixée avec personne, une fieffée emmerdeuse imperméable aux conventions. "Il n'arrive jamais d'accident à Mamie: c'est Mamie qui arrive aux accidents", affirme Elsa. C'est aussi Mamie qui, chaque soir, l'entraîne dans le Pays Presqu'Eveillé pour lui faire vivre des contes et légendes fantastiques. Mais un matin, à cause d'un sale crabe, Mamie ne revient pas du royaume de Miamos. Elle a laissé pour Elsa une drôle de chasse au trésor: trouver et distribuer des lettres dans lesquelles elle demande pardon...

J'avais tellement aimé "Vieux, râleur et suicidaire: la vie selon Ove", le premier roman de Fredrik Backman, que je redoutais la malédiction du deuxième roman super décevant. Et au final, j'ai encore plus adoré "Ma grand-mère vous passe le bonjour". Ici aussi, le personnage principal est quelqu'un de solitaire qui va apprendre à tisser des liens avec les gens qui l'entourent; ici aussi, chaque chapitre suinte l'humanité brute et la tendresse bourrue. Mais "Ma grand-mère..." possède une profondeur supplémentaire. Il parle du pouvoir de l'imagination et des rêves, de choses pas très marrantes comme la folie et la mort,  et puis surtout du droit à la différence ou à l'erreur. C'est une histoire à la fois très drôle et très poignante, parfois en même temps; une histoire bourrée de références à Harry Potter, aux super-héros et à la culture internet; une histoire qu'on termine avec du chaud dans le coeur, de l'amour pour son prochain et de la tolérance pour toutes les failles du genre humain. C'est aussi un portrait de gamine ultra attachante - maligne et têtue, horriblement franche et curieuse, très à cheval sur l'orthographe et la grammaire, bougonne et de mauvaise foi mais toujours droite dans ses bottes -, servi par une très chouette traduction de Laurence Mennerich. Une pépite, tout simplement.

"Mamie a soixante-dix-sept ans, presque soixante-dix-huit. Ce qui ne lui réussit pas très bien non plus. On voit qu'elle est vieille, son visage ressemble à du papier journal fourré dans des chaussures mouillées, mais personne ne trouve jamais que Mamie est mature pour son âge. "En forme", voilà ce que les gens disent parfois à la maman d'Elsa. Ensuite, ils prennent un air soit très inquiet soit très en colère, et maman demande en soupirant combien vont coûter les dédommagements."

"Elsa avait eu très peur cette nuit-là, et elle avait demandé à Mamie ce qu'elle devrait faire si un jour leur monde s'écroulait. Alors, Mamie avait serré fort les index d'Elsa et répondu: "Nous ferons comme tout le monde, nous ferons ce que nous pourrons". Elsa avait grimpé sur ses genoux et demandé: "Que pouvons-nous faire?" Mamie lui avait embrassé les cheveux, l'avait enlacée fort, fort, fort, et avait soufflé: "On porte autant d'enfants qu'on peut, et on court aussi vite qu'on peut"."

"Elsa décide que si les personnes qu'elle aime se sont comportées comme des ordures dans leur jeunesse, elle va juste devoir apprendre à les aimer quand même. Il ne reste plus beaucoup de monde si on disqualifie tous ceux qui se sont conduits en ordures à un moment ou à un autre."

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