mardi 12 août 2014

"Avril enchanté"


"A tous ceux qui aiment les glycines et le soleil. Italie. Mois d'avril. Particulier loue petit château médiéval meublé bord Méditerranée." Du moment où elle découvre cette annonce un jour de pluie particulièrement déprimant, Mrs Wilkins, timide Londonienne mariée à un avocat aussi pingre de son argent que de son affection, n'a plus de cesse que de s'organiser des vacances de rêve au nez et à la barbe de son époux. Pour diminuer le coût de la location, elle entraîne trois autres femmes dans son aventure: la très pieuse Rose Arbuthnot, dont le mari écrit sous pseudonyme des bibliographies de courtisanes célèbres, l'acariâtre Mrs Fischer qui vit dans le souvenir des grands intellectuels qu'elle fréquentait autrefois, et la sublime Lady Caroline Dester qui n'aspire qu'à mettre un maximum de distance entre elle et ses innombrables prétendants. La beauté enchanteresse de San Salvatore va transformer les quatre femmes en profondeur...

Ecrit dans les années 20, "Avril enchanté" surprend par sa liberté de ton et son ironie très fine. Elizabeth von Arnim se moque gentiment de ses personnages, avec une belle irrévérence mais aussi beaucoup de tendresse et un style tout à fait savoureux. L'excellente traduction de François Dupuigrenet Desroussilles contient des ratiocinations, des irénismes et une flopée d'imparfaits du subjonctif - de quoi satisfaire tous les amoureux d'un certain langage fleuri. Véritable explosion de couleurs et de parfums, la peinture de la végétation au coeur de laquelle se niche San Salvatore évoque un jardin d'Eden aux vertus miraculeuses. Les tourments et les déboires des quatre vacancières témoignent du carcan des conventions de leur époque avec un humour qui ne fait pas oublier les avancées de la condition féminine au cours du dernier siècle. Bref, une lecture légère et pétillante, mais plus substantielle qu'il n'y paraît au premier abord. 

"Autrefois, ce seul mot était à la fois magique et rassurant. Ses amis de Londres, tous gens de son âge et de sa condition, avaient connu cet univers enchanté, pouvaient le comparer aux légèretés du temps présent, et savaient trouver dans le souvenir des grands hommes une consolation à la médiocrité vulgaire des jeunes gens qui, en dépit de la guerre qui en avait tué beaucoup, occupaient indûment la plus grande partie du monde."

"Mellersh, en dépit de son tempérament froid, se laissait même aller à des gestes de tendresse tout à fait inhabituels (...). Au cours de cette deuxième semaine au château, il lui arriva en effet de lui pincer non pas une oreille mais deux avant d'aller dormir. Très peu préparée à de pareils débordements, Lotty se demandait ce qu'il lui réservait pour la troisième semaine, lorsqu'il ne lui resterait plus de nouvelles oreilles à pincer."

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