samedi 21 mai 2011

"Les chaussures italiennes"



Il y a quelques mois, alors que je manifestais l'envie d'approfondir ma connaissance de la littérature scandinave moderne, plusieurs lectrices ont mentionné ce roman, que j'ai du coup acheté les yeux fermés dès sa sortie en poche.

Fredrik est un ancien chirurgien qui, suite à une terrible faute professionnelle, a abandonné son métier. Depuis plus de dix ans, il vit en ermite sur une île minuscule avec une chienne et une chatte pour seule compagnie. Le matin, il creuse un trou dans la glace pour se baigner et se souvenir qu'il n'est pas encore mort. Plus tard, il reçoit la visite de son facteur hypocondriaque qui n'a jamais de courrier pour lui mais chercher systématiquement à lui soutirer des consultations gratuites. Ainsi ses jours s'écoulent-ils, tous tristement semblables, jusqu'à l'apparition d'une vieille femme agrippée à un déambulateur. Harriet a follement aimé Fredrik autrefois, mais il a disparu de sa vie sans le moindre mot d'explication. Atteinte d'un cancer à l'estomac, elle sait que ses jours sont comptés. Elle est venue demander à son amant de tenir la promesse qu'il lui a faite près de quarante ans plus tôt: celle de lui montrer un petit lac sans nom enfoui au fond d'une forêt...

J'avoue qu'en découvrant le mal dont souffrait Harriet, j'ai pensé à un complot littéraire dirigé contre moi. Depuis un an, je ne peux plus ouvrir un bouquin sans tomber sur un cancéreux mort ou mourant. C'est une véritable épidémie. J'en ai même trouvé un dans "A game of thrones" (le père de Catelyn, dont "un crabe ronge les entrailles"). Pendant un certain temps, j'ai laissé tomber les livres ainsi contaminés; puis je me suis dit que me forcer à les poursuivre pouvait aussi m'aider à combattre ma peur panique. Dont acte.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que malgré son titre engageant, "Les chaussures italiennes" ne démarre pas dans la joie et la bonne humeur. Le paysage glacé et désolé de l'île apparaît comme une manifestation physique de la solitude et de l'engourdissement affectif du narrateur. La maladie d'Harriet est présentée d'emblée comme incurable et douloureuse - souffrance à laquelle va s'ajouter celle des plaies sentimentales rouvertes à la faveur des retrouvailles qu'elle a orchestrées... avec une idée derrière la tête. C'est là que la vie, enfin, se décide à poindre dans ce roman. Inattendue, chaotique, cruelle parfois, mais la vie, quand même. Malgré lui, Fredrik va renaître au monde et redevenir l'acteur de sa propre existence. Au milieu des larmes, du sang, de la rancoeur, de la culpabilité et de l'amertume, il trouvera une lueur d'amour et d'espoir.

Henning Mankell ne ménage ni son héros ni ses lecteurs. Même si "Les chaussures italiennes" se termine mieux qu'il n'avait commencé, même si le cheminement de Fredrik vers sa rédemption est aussi crédible que digne d'intérêt, même si le style de l'auteur réussit à allier simplicité, pudeur et efficacité, je ne mettrais pas ce roman âpre entre toutes les mains.

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