En 1967, quatre femmes scientifiques inventent une machine à voyager dans le temps. Mais lorsqu'elles révèlent son existence à la presse, l'une d'elles se met à divaguer en direct. Pour ne pas risquer que ses problèmes mentaux compromettent l'exploitation de leur découverte, les trois autres l'écartent immédiatement et poursuivent sans elle.
En 2017, le voyage dans le temps est devenu une chose banale, gérée par un Conclave qui possède ses propres lois et ne répond de ses actes devant aucune autre autorité. Barbara, qui fut la quatrième pionnière et continue à regretter d'avoir été mise sur la touche autrefois, reçoit un message du futur: un article de journal relatant la découverte du corps d'une vieille femme dans l'étranges circonstances. Craignant qu'il ne s'agisse d'un avertissement, Ruby, sa petite-fille bien-aimée, décide de mener l'enquête...
Le voyage dans le temps est une de mes obsessions littéraires. La plupart des romans qui traitent de ce sujet explorent la notion de paradoxe temporel - la manière dont, de par leur intervention, les voyageurs risquent de modifier des événements du passé et donc le cours de l'histoire à venir. Articulée sur les ressorts de la logique, l'intrigue traite des conséquences pour le monde en général et les personnages en particulier. Le plus intéressant dans "The psychology of time travel", c'est que son auteure a choisi de prendre le contrepied absolu des conventions du genre. Elle part du principe que, quoi qu'ils fassent, les voyageurs dans le temps ne peuvent rien changer au déroulement des choses: ils peuvent juste être changés eux-mêmes par leurs expériences. Et la chose en eux qui se transforme le plus profondément, c'est leur rapport à la mort. Puisqu'ils peuvent retourner dans le passé quand ils le veulent afin de revoir les proches qu'ils ont perdus, le décès de ceux-ci en arrive à ne plus avoir aucune signification pour eux. De leur point de vue, seule leur propre mort reste réelle et définitive - ce qui les rend plus cyniques et détachés que la moyenne, les coupe du commun des mortels et complique d'éventuelles relations amoureuses avec eux.
Kate Mascarenhas est psychologue, et on sent qu'elle a beaucoup réfléchi à cet aspect jusque là moins exploré du voyage dans le temps. A la fin du roman, on trouve même les questionnaires très élaborés que le Conclave administre aux postulants avant de les accepter dans ses rangs. Du coup, je trouve assez curieux que ses héroïnes manquent à ce point de personnalité, chacune possédant au mieux un unique trait de caractère et une unique motivation: Ruby est lesbienne et veut protéger sa grand-mère; Odette, qui découvre le corps de la vieille femme anonyme, est noire et cherche à être acceptée quelque part; Margaret, qui dirige le Conclave, est une garce blonde et riche, prête à tout pour imposer sa volonté. Des stéréotypes ambulants sur le squelette desquels aucun détail personnel ne vient ajouter un tant soit peu de chair.
Et c'est fort dommage, car par ailleurs, j'ai trouvé le roman tout à fait épatant (malgré des failles énormes dans la physique du voyage dans le temps). Moi qui aime les points de vue multiples et les lignes temporelles mélangées, j'ai été servie! J'ai adoré essayer de reconstituer le puzzle du crime au musée du jouet à partir des indices semés en désordre dans les différentes époques. La féministe en moi a également apprécié que tous les rôles importants, dans le livre et au sein du Conclave, soient tenus par des femmes. Enfin, la fan de "The time traveler's wife" a retrouvé avec bonheur des échos de cette histoire d'amour très particulière entre un partenaire qui voyage dans le temps et un autre dont la chronologie reste linéaire. "The psychology of time travel" est un premier roman à l'écriture trop clinique à mon goût, mais que j'ai quand même dévoré et qui a beaucoup excité mon imagination. Ce qui est déjà très bien.
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