Le tome 4 de "A song of fire and ice" ("Game of thrones" pour la télé) est généralement considéré par les fans comme le plus faible de la série jusqu'ici, une sorte de "demi-tome". En effet, à l'époque où il l'écrivait, George R.R. Martin s'est rendu compte qu'il était bien parti pour dépasser les 1500 pages, et plutôt que de rendre à son éditeur un livre impubliable, ou de faire une coupure à la moitié chronologique de l'histoire prévue, il a préféré parler d'une seule moitié de ses personnages (ceux qui se trouvent dans le sud de Westeros, dans les Iles de Fer et à Dorne) pendant un laps de temps donné, et de passer ensuite à l'autre moitié dans le tome 5 "A dance with dragons".
Quand on sait que 6 ans se sont écoulés entre la publication des deux, on peut comprendre la frustration des fans de la première heure. Mais moi, je n'ai commencé à lire la série que pendant les vacances de Noël 2010. J'ai dévoré le tome 1, aussitôt enchaîné sur le 2, souffert énormément pour le finir, attendu plusieurs mois avant d'entamer le 3 et souffert encore davantage qu'avec le précédent. Il faut dire que les longues descriptions de bataille, ce n'est pas du tout mon truc, et que j'ai du mal à encaisser des scènes aussi pénibles que celle des Noces Pourpres. Du coup, malgré l'absence de certains de mes chouchoux (Tyrion, Daenerys et Jon Snow, rien que ça!), j'ai beaucoup apprécié le calme relatif de "A Feast for Crows".
Loin des conflits à grande échelle, on se recentre sur la trajectoire individuelle de certains des personnages. Cersei a enfin obtenu le pouvoir qu'elle désirait tant; hélas, elle se révèle totalement inapte à l'exercer et sombre peu à peu dans une paranoïa proche de la démence. Je n'ai pu, malgré tout, m'empêcher d'éprouver une forme de compassion pour cette femme qui se rebelle si fort contre les limitations imposées par son sexe. Arya se retrouve à Braavos, chez les Sans-Visage dont elle va tenter d'intégrer l'ordre pour devenir comme Jaqen H'ghar et se venger de ses nombreux ennemis. Mais elle aura beaucoup de mal à renoncer à son identité... Son histoire est l'une des plus passionnantes, et j'ai regretté que l'auteur lui consacre seulement 3 chapitres dans ce tome. Brienne, qui souhaite tenir la promesse faite à Catelyn, erre à travers Westeros à la recherche de Sansa. J'ai beaucoup d'affection pour cette femme laide et noble qui, se battant pour être acceptée dans un monde d'hommes, m'apparaît un peu comme le "négatif lumineux" de Cersei. Sansa, elle, a adopté le nom d'Alayne et vit désormais au Val d'Eyrie compagnie de Petyr Baelish, qui la fait passer pour sa fille naturelle. Je me fous toujours royalement de ce qui peut arriver à cette cruche olympique, mais la façon qu'a Littlefinger d'embobiner tout le monde est un perpétuel régal.
Oui, ce tome fait la part belle aux personnages féminins - y compris Asha Greyjoy, que l'on retrouve avec grand plaisir dans la guerre de succession qui l'oppose à ses oncles. Finalement, seuls deux hommes jouent un rôle significatif dans "A feast for crows". Jaime se détache de plus en plus de sa soeur et entreprend une sorte de quête personnelle pour reconquérir son honneur perdu. Suis-je la seule à penser que le frère de Cersei qui finira par la tuer, ce n'est pas Tyrion, mais bel et bien lui - son double, son amant, le père de ses enfants? De son côté, Samwell, envoyé par Jon à la Citadelle pour y devenir un mestre (maester en VO), peine à trouver son courage, mais on sent que ça peut venir. Il a désormais quelqu'un de plus faible que lui à protéger en la personne de Gilly, et cela le pousse à se surpasser. D'autres personnages masculins servent de point de vue l'espace d'un ou deux chapitres seulement. Du coup, "A feast for crows" apparaît à la fois plus resserré géographiquement et plus éparpillé au niveau de l'action. Contrairement aux trois tomes précédents, il ne contient aucun énorme coup de théâtre, mais se termine par plusieurs cliffhangers sublimes. C'est celui que j'ai lu le plus vite, et pas seulement parce que c'est le plus court - mais parce qu'il a beaucoup moins plombé mon moral!
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