mardi 29 juillet 2014

"My real children"


Patricia est en maison de retraite. Et malgré son diagnostic de sénilité, son problème n'est pas d'avoir oublié des choses, mais de s'en rappeler trop. Elle jurerait avoir mené deux vies différentes. Dans l'une, on la surnommait Trish. Elle était mariée avec Mark, un homme froid et désagréable qui la rabaissait constamment, refusait qu'elle travaille et lui avait fait quatre enfants - mais bien que malheureuse, elle vivait dans un monde de tolérance et de paix. Dans l'autre, on l'appelait Pat. Elle avait une relation merveilleuse avec une autre femme, trois enfants conçus à l'aide d'un ami qui avait bien voulu servir de géniteur, une belle maison de vacances à Florence et une carrière épanouissante d'auteur de guide de voyages, mais le monde avait été ravagé par une guerre nucléaire...

J'ai fait des pieds et des mains pour me procurer le dernier roman de Jo Walton. Je l'ai cherché à Paris et à Bruxelles dans cinq librairies anglophones qui ne l'avaient pas en stock malgré sa sortie très récente, et de guerre lasse, j'ai fini par le commander sur Amazon. Oui, c'était un hardback; oui, il coûtait plus de 20€, mais j'avais été tellement enchantée par le réalisme magique de "Among others", et j'étais si motivée par cette idée de base prometteuse qu'il me le fallait absolument. 

J'ai vite déchanté. Narrées en parallèle, les deux existences de Patricia se résument à une énumération d'événements, une chronologie sèche et dépourvue d'émotion. Je me rends bien compte que 300 pages, c'est court pour raconter deux vies entières, mais il m'aurait semblé plus judicieux de se focaliser sur des moments-charnière ou des anecdotes parlantes, comme le fait Kate Atkinson dans "Life after life" - autre uchronie personnelle nettement plus réussie. Jamais on ne sait pourquoi le monde de Pat est si différent de celui de Trish, même si l'héroïne envisage que ça puisse être dû à un effet papillon généré par le fait qu'elle accepte ou refuse la demande en mariage de Mark (un Anglais ordinaire nullement impliqué dans la politique internationale).

Je me suis vaillamment mais fermement ennuyée jusqu'au dernier chapitre, que je ne peux que qualifier de grotesque dans sa façon de loucher vers "Le choix de Sophie". Pourquoi, arrivée à la fin de sa vie, Patricia se sent-elle tenue de choisir une de ses deux existences et de faire prévaloir un monde sur l'autre? C'est un mystère presque aussi épais que la façon dont laquelle une auteure capable d'écrire avec la sensibilité et le talent d'évocation dont elle fait preuve dans "Among others" a pu dans la foulée commettre un roman d'une platitude aussi abominable

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