mercredi 26 août 2015

"La fiancée américaine"


Un gâteau renversé à l'ananas peut-il changer le cours de l'histoire?
Aux confins enneigés du Québec, l'histoire d'une famille étonnante, un clan de bûcherons, de croque-morts et d'entrepreneurs, marqué pour l'éternité par Madeleine, cette fiancée venue d'Amérique avec pour seul trésor son livre de recettes.
"La fiancée américaine" est une extraordinaire saga familiale campée entre la petite ville de Rivière-du-Loup, sur les bords du fleuve Saint-Laurent, Rome et Berlin. On se laisse emporter par la genèse et le destin d'une lignée rare, peuplée d'hommes forts, de religieuses québécoises et de petites filles aux yeux bleus qui utilisent les tartes au sirop pour tuer leur frère. 

Pas facile de critiquer ce pavé de presque mille pages en poche qui a connu un énorme succès au Canada. Pas facile, parce ce que le premier tiers m'a happée et enchantée comme ça m'arrive rarement, tenant toutes les promesses que de la quatrième de couverture. J'étais à fond dans l'histoire de la 3ème Madeleine de la famille Lamontagne, cette petite personne déterminée bien que peu amène et de surcroît coiffée comme Mireille Matthieu. Contre toute attente, je me passionnais pour les errances de son joli-coeur de père, pour la vie dans la rude campagne québécoise, pour les médisances de voisinage et l'omniprésence de la religion dans le quotidien. Le style volontiers grinçant voire assassin d'Eric Dupont me portait de chapitre en chapitre, et j'avais énormément de mal à m'y arracher le soir venu.

Puis, un peu abruptement, le récit saute jusqu'à l'âge adulte de la 4ème génération: les jumeaux Gabriel et Michel, encore plus antipathiques que leur mère et dépourvus de la moindre qualité qui les rachèterait. Les lettres qu'ils s'échangent, écrites de façon ampoulée et peu crédible au moins pour l'un d'entre eux, m'ont plongée dans un ennui profond. Je n'ai tenu le coup que parce que je voyais se dessiner un mystère en filigrane, le destin-miroir d'une Madeleine allemande dont j'étais curieuse de connaître la justification et les liens exacts avec la famille Lamontagne canadienne. La partie consacrée aux mésaventures de Magda Berg durant la Seconde Guerre Mondiale a su réveiller mon intérêt... jusqu'à la fin vaguement grand-guignolesque qui n'explique absolument rien et m'a donné l'impression d'avoir été victime d'une arnaque littéraire. Au lieu de faire des effets de manche pour éblouir le lecteur, j'aurais franchement préféré qu'Eric Dupont me raconte l'ascension sociale de la 3ème Madeleine et la façon dont elle construit un empire agro-alimentaire. Oui, ça aurait été un sujet plus classique et moins ambitieux, mais nettement plus satisfaisant. 

jeudi 13 août 2015

"Retour en Islande"


"Disa s'apprête à retourner dans son Islande natale après vingt ans d'exil en Angleterre, où elle dirige de main de maître les cuisines de sa belle auberge. Préparatifs, repas d'adieux, dernière inspection de la maison et des objets familiers, transfert en voiture, traversée en mer: chaque étape de son voyage ouvre les vannes à un flot de souvenirs que sa vie si bien ordonnée avait pu lui faire croire enfouis..."

Bénis soient les libraires indépendants, ceux qui s'offrent encore le luxe d'avoir, dans leur rayon "Voyages", quatre exemplaires d'un obscur roman islandais paru voici plus de dix ans - juste parce que c'est un bijou injustement méconnu. Sans Ombres Blanches, jamais je n'aurais passé quelques heures paresseuses à savourer cette succession de courts chapitres qui, à petites touches impressionnistes désordonnées, dépeignent la trajectoire d'une femme forte depuis le petit village d'Islande où elle voit le jour au début des années 1920 jusque dans la campagne anglaise où elle achèvera son existence singulière. Disa n'est pas une héroïne particulièrement sympathique: orgueilleuse, intransigeante, volontiers injuste envers les autres, elle est cependant rachetée par sa capacité à s'immerger dans l'instant présent, à remarquer chaque nuance de la météo et chaque subtil mouvement de la nature, à trouver de la sérénité dans les menus plaisirs du quotidien. Son histoire est servie par une belle plume sensible et évocatrice, si bien traduite que l'on peine à imaginer qu'elle n'ait pas été écrite directement en français. Un roman contemplatif plein de délicatesse. 

"Je demande à la serveuse de m'apporter un morceau de fromage et un autre ballon de rosé. Etonnant comme une simple omelette, un verre de vin et un rayon de soleil par une fenêtre à demi ouverte peuvent vous remonter le moral en un rien de temps." 

"L'âme peut se contenter de menus plaisirs, si les pensées la laissent en paix ne serait-ce qu'un court instant."

lundi 10 août 2015

"Comment (bien) rater ses vacances"


"Chers parents,
Mon stage de survie en milieu hostile se passe bien, merci. J'espère que vous n'êtes pas trop morts, rapport aux frais de rapatriement qui doivent coûter bonbon depuis la Corse. 
Si jamais vous ne reveniez pas, ce serait sympa de m'envoyer un mandat parce que la prostitution masculine, ça marche pas trop dans le quartier. 
Votre fils bien-aimé, 
Maxime"

Maxime a 17 ans et aucune envie de partir faire le GR20 en Corse avec ses parents. Il préfère encore passer l'été au Kremlin-Bicêtre, avec sa chère grand-mère et un ordinateur devant lequel glander toute la journée. Du moins, c'est le plan jusqu'à ce qu'il découvre la confiture de cerises en train de cramer dans la cuisine et Mamie Lisette inanimée dans le cellier... 

Ca faisait longtemps qu'un héros de roman jeunesse ne m'avait pas été aussi sympathique. Solitaire assumé, joyeux et sarcastique, passionné par Sherlock Holmes et l'économie, mais aussi fan de rock et d'épinards, Maxime est un ado délicieusement capable de savourer l'instant présent. J'ai dévoré d'un trait le récit de ses vacances pas comme les autres, en riant beaucoup de ses mésaventures culinaires et en m'amusant de ses réflexions sur la vie. Vers la fin, j'ai été surprise par l'apparition d'un secret de famille qui semblait tomber comme un cheveu sur la soupe avant une conclusion un peu brusque... puis j'ai vu qu'il existait deux autres tomes des aventures de Maxime. Clairement, il me les faut!