mercredi 30 novembre 2016

"Le livre d'or" (Deborah Copaken Kogan)


Elles étaient colocataires à Harvard et sont toujours restées amies depuis la fin de leurs études. Addison, issue d'une riche famille WASP, a remisé son lesbianisme et ses prétentions artistiques pour faire trois enfants avec un écrivain qui n'écrit pas et ne s'occupe pas non plus de leur progéniture. Clover, métisse élevée dans une communauté hippie, est devenue directrice générale de Lehman Brothers, vient juste de se marier et aimerait bien avoir enfin un bébé. Mia a renoncé à sa carrière d'actrice pour devenir l'épouse au foyer d'un réalisateur de vingt ans plus âgé qu'elle, et cette vie lui convient si bien qu'elle vient de faire un quatrième enfant à la quarantaine passée. Jane, journaliste d'origine vietnamienne désormais installée en France, a perdu son mari grand reporter en Afghanistan il y a plusieurs années et vient juste de perdre sa mère adoptive d'un cancer; pendant qu'elle s'occupait de cette dernière, son nouveau compagnon l'a trompée, et elle n'arrive pas à le lui pardonner. La réunion des vingt ans de leur promo va être une occasion pour chacune de faire le point sur sa vie...

L'idée de suivre des amies de fac confrontées aux difficultés de la vie d'adulte est un grand classique de la littérature américaine. Récemment, on pense à "Les débutantes" de J. Courtney Sullivan qui a connu un beau succès en librairie. Rien de très original, donc, dans "Le Livre d'or", sinon les extraits de celui-ci intercalés entre les chapitres, dans lesquels chacun des protagonistes fait avec ses propres mots un bilan de sa vie durant les 5 ans écoulés depuis la réunion précédente. Pour le reste, il n'y a pas grand-chose à dire. La lecture est rapide et plutôt agréable, avec une fin chargée d'émotion sur le thème ultra-rabâché du "La vie est une pute et nous pouvons tous mourir du jour au lendemain, alors profitons pendant qu'il est encore temps". En somme, un bon bouquin de plage ou de train, mais pas plus.

lundi 28 novembre 2016

"La boutique Vif-Argent T1: Une valise pleine d'étoiles" (P.D. Baccalario)


Finley McPhee, treize ans, vit à Applecross, un minuscule village du nord de l'Ecosse où il ne se passe jamais rien. Ses parents élèvent des moutons, et les jours où il fait beau, le jeune garçon sèche l'école pour aller à la pêche avec son meilleur ami: son chien Chiffon. Jusqu'au jour où une mystérieuse boutique aux murs rouges, tenue par l'envoûtante Aiby Lily, apparaît sur la plage comme si elle sortait de nulle part... 

J'avoue: c'est la couverture, avec sa belle illustration et son enseigne embossée, qui a attiré mon attention en librairie. Et quand j'ai feuilleté ce premier tome de "La boutique Vif-Argent", j'ai été enchantée par les petits dessins qui en ornent les pages, ainsi que par les fiches d'objets magiques à la fin de certains chapitres. Restait la possibilité que ce soit mal écrit/traduit, ou que l'histoire soit inintéressante, mais ce n'est pas le cas du tout. J'ai adoré l'atmosphère d'Applecross (comme j'adore à peu près tous les bouquins qui se passent dans les highlands écossais), été intriguée par l'histoire originale de la boutique Vif-Argent et enchantée par les créatures et les artefacts mis en scène. Et si certains romans jeunesse pèchent par un style simpliste, ce n'est pas du tout le cas ici, où ni l'auteur ni la traductrice ne dédaignent un bon imparfait du subjonctif lorsqu'il se justifie. Bref, je suis plus que séduite, et la suite de cette série est déjà dans ma LAC (Liste A Acheter)! 




samedi 26 novembre 2016

"Les fabuleuses tribulations d'Arthur Pepper" (Phaedra Patrick)


Serrurier à la retraite, père de deux enfants adultes avec qui il n'a guère de contacts, Arthur Pepper mène une vie des plus routinières dans sa petite maison de la banlieue de York. Un an pile après la mort de sa femme bien-aimée, il se décide enfin à trier ses affaires... et au fond d'une botte, il découvre un bracelet en or garni de huit breloques. Certain de ne l'avoir jamais vu au poignet de Miriam, il se lance dans une quête pour comprendre l'origine de chacune des breloques - et découvre à sa femme un passé dont il ne soupçonnait pas l'existence. Connaissait-il vraiment la personne à côté de qui il a mené pendant quarante ans ce qu'il pensait être une vie conjugale réussie? 

Les voyages initiatiques ne sont pas réservés aux adolescents,  et il n'est jamais trop tard pour bousculer sa vie, clame Phaedra Patrick dans son premier roman. Certes, l'histoire n'est pas des plus réalistes; il faut plutôt la voir comme une fable moderne et bienveillante. En fouillant le passé mouvementé de sa femme, Arthur Pepper apprend autant de choses sur lui que sur elle, brise la routine dans laquelle il est englué et sort enfin de la coquille de son deuil pour se rendre compte que son existence de septuagénaire a encore beaucoup à lui offrir. Alors, malgré un style assez scolaire qui manque un peu de peps, j'ai pris plaisir à lire  "Les fabuleuses tribulations d'Arthur Pepper" (en anglais, de sorte que je ne peux rien dire au sujet de sa traduction française).

samedi 19 novembre 2016

10 suggestions de livres à offrir aux enfants de votre entourage pour Noël




A partir de 3 ans
L'imagier le plus fou du monde: Parce qu'il tellement magnifique que mêmes les parents se régaleront à le feuilleter. 
A l'intérieur des méchants: Si on ouvre un loup, un ogre ou une sorcière, que trouve-t-on dedans? Pas forcément ce à quoi on s'attend, comme le démontre ce très original pop-up book.

A partir de 5 ans
Bagnoles: Livre illustré montrant l'intérieur en coupe de divers véhicules tous plus farfelus les uns que les autres, avec des tas de détails marrants et des commentaires pleins d'humour. 
Un petit tour avec Mary Poppins: L'histoire de la célèbre gouvernante, illustrée en style ombres chinoises et en papier découpé d'une finesse incroyable. 

A partir de 7 ans
Un voyage en mer: Merveilleux pop-up book qui, sous prétexte de raconter un voyage transatlantique, montre différents modèles de bateaux en 3D papier. 

A partir de 9 ans
Anatomie: Pour les enfants curieux du fonctionnement du corps humain, un livre éducatif splendide qui présente ce dernier sous forme de couches de papier découpé superposées - les organes internes par-dessus le squelette par-dessus le réseau nerveux... 
Warren XIII - L'oeil qui voit tout: Très beau roman fantastico-gothique avec des illustrations en rouge et noir.
Les dragons de Château-Croulant: Roman loufoque écrit par Terry Pratchett, l'auteur des Annales du Disque-Monde.
Miss Dashwood, nurse certifiée - De si charmants bambins: Roman drôle et tendre mettant en scène d'intenables bambins français dont une parfaite nurse va devoir prendre l'éducation en main.
Avant l'ouragan: Roman émouvant dont l'héroïne orpheline, vivant dans l'un des quartiers les plus pauvres de la Nouvelle-Orléans, se trouve confrontée à l'ouragan Katrina. 

(Pour des idées de livres convenant à des ados, cliquez sur le tag "jeunesse" dans la colonne de droite.)

lundi 14 novembre 2016

"Warren XIII T1: L'oeil-qui-voit-tout" (Tania del Rio/Will Staehle)


Warren XIII, douze ans, descendant d'une longue lignée de Warren, est l'héritier de l'hôtel éponyme. Hélas, depuis que son père est mort cinq ans auparavant et que son fainéant d'oncle Raoul a repris la gestion, l'établissement périclite. En attendant sa majorité, Warren est relégué dans une mansarde et obligé par son horrible tante Annaconda de se charger de tout le ménage et l'entretien. Ses deux seuls amis sont le chef Pralin qui lui refile de bons petits plats en douce, et son tuteur le vieux M. Zéphyr qui vit retranché dans la bibliothèque. Mais un jour, un étrange personnage à la tête entièrement bandée débarque à l'hôtel Warren... 

Sur ces prémisses au croisement d'"Harry Potter" et de "La famille Addams", Tania del Rio bâtit une histoire fantastique délicieusement gothique, et surtout merveilleusement illustrée en rouge et noir par la talentueux Will Stahle. Immense et décrépit à souhait, l'hôtel Warren offre un cadre à l'atmosphère intrigante pour ces aventures d'un jeune héros au physique ingrat mais au caractère attachant. De l'amitié, du surnaturel, un mystère à élucider et un final spectaculaire feront de "Warren XIII: L'oeil-qui-voit-tout" un excellent cadeau de Noël pour les préados de votre entourage amateurs de ces genres.






dimanche 13 novembre 2016

"Chroniques de la fruitière" (Fred Bernard)


Trois ans après ses très réussies "Chroniques des vignes", Fred Bernard se voit proposer de reprendre le concept avec un autre produit du terroir: le comté! Durant une année entière, il va assister aux diverses étapes de la fabrication, rencontrer et interroger des producteurs et autres intervenants de la chaîne, apprendre à déguster en connaisseur puis rapporter tout ce qu'il a appris avec un savoureux mélange d'humour et d'émerveillement. On découvre avec lui que la filière du comté occupe une place un peu à part dans le monde agricole: restée très humaine avec sa structure coopérative, elle se porte paradoxalement (ou pas, en fait...) beaucoup mieux que l'ensemble du secteur. On a plaisir à voir la passion communicative que chacun des artisans met dans son travail, et on referme ce gros ouvrage exhaustif avec une seule envie: celle d'un verre de vin et d'un bout de fromage! 

"Un fromage comme le comté, c'est aussi le fruit d'une intelligence collective" (Pierre Parguel, "Chroniques de la fruitière")




jeudi 10 novembre 2016

"Je vois des antennes partout" (Julie Delporte)


Il y a deux ans et demi, j'avais lu et adoré le "Journal" dessiné de Julie Delporte. Alors, quand j'ai vu qu'elle avait sorti un nouveau récit biographique, je me suis immédiatement jetée dessus. Cette fois, l'auteur évoque, non pas sa vie de tous les jours en général, mais un problème bien particulier. Au printemps 2010, elle est toujours fatiguée et migraineuse; elle souffre aussi d'acouphènes, de sensations de brûlures, de chaud-et-froid et de tout un tas d'autres symptômes qui l'empêchent de réviser pour le concours qu'elle doit passer. Son médecin lui prescrit des antidépresseurs sans réellement pouvoir expliquer ce qui lui arrive. C'est dans un magazine que Julie trouve, tout à fait par hasard, une explication au mystérieux mal qui l'afflige: elle est électrosensible, perturbée par les ondes qui servent notamment à faire fonctionner les téléphones portables et le wifi. Or, en France, il ne reste pratiquement plus de zones blanches... Julie part donc au Canada, dans une cabane au fond des bois prêtée par la famille d'une amie, et elle s'interroge: comment vivre désormais dans un monde envahi par les antennes? Sur un sujet encore méconnu, un témoignage sincère toujours illustré aux crayons de couleur purs, dans un style plein de vie malgré le ton angoissé du récit.




mardi 8 novembre 2016

"The Cazalet chronicles T2: Marking time" (Elizabeth Jane Howard)


A la fin de "The light years", on laissait les Cazalet à l'automne 1938, soulagés que la Deuxième Guerre Mondiale ait été évitée. "Marking time" commence un an plus tard, alors que la famille rassemblée à Home Place écoute à la radio l'annonce du début du conflit. Personne ne peut prédire quelle ampleur il prendra, mais tout le monde se demande avec angoisse si l'Allemagne tentera d'envahir l'Angleterre. Si Hugh est désormais trop vieux pour s'engager, Edward pense rempiler dans la marine et Rupert, trop jeune lors de la Première Guerre Mondiale, compte bien se rendre utile cette fois malgré la farouche opposition de sa femme Zoë. Dans la génération suivante, les garçons n'ont pas encore l'âge de prendre part aux combats, au grand soulagement de leurs mères. Mais c'est sur les filles que l'auteur choisit de concentrer son attention. Toujours décidée à devenir actrice, Louise obtient d'être envoyée dans une école d'art dramatique. De deux ans plus jeunes que leur cousine, Polly et Clary se retrouvent coincées dans le Sussex, et ce qui avait d'abord des allures de vacances éternelles devient très vite d'un ennui mortel. Elles ne sont plus des enfants, mais les adultes les traitent toujours comme telles, et elles ont l'impression que la guerre a mis leur existence sur pause - que leur vraie vie ne pourra commencer qu'une fois la paix revenue...

Envolés l'insouciance du premier tome et les jours de lumière des vacances d'été à Home Place! Ce deuxième tome des "Chroniques des Cazalet" prend un ton bien plus grave. Pourtant, la guerre ne fait que servir de toile de fond au récit, et ses conséquences même sur certains membres de la famille ne sont abordées qu'indirectement. On reste dans le registre d'un quotidien certes bouleversé dans certains aspects mais pas fondamentalement différent, des pensées et des émotions disséquées avec une finesse remarquable. L'étude psychologique des trois jeunes filles est toujours aussi juste et captivante. Ma plus grande sympathie va à Clary qui souhaite devenir écrivain et trépigne de ne pas pouvoir, en ces circonstances, acquérir l'expérience de la vie dont elle aurait besoin pour nourrir sa créativité.

"I think it's awfully difficult for people our age. We need people to be in love with, and we're simple hemmed in by relatives and incest doesn't seem to go with modern life. We'll just have to wait."

"What I find peculiarly irritating is that nobody will say what rape actually is. If there's a danger of it, I really do think we ought to have some idea of what we're in for. But they simply won't say. It's part of this family's determination not to talk about anything that they think is at all unpleasant."

J'aime aussi beaucoup la gouvernante Ms Milliment, pauvre, laide et vieillissante, mais cultivée, ouverte d'esprit et si sympathique! Mieux que les domestiques, qui apparaissent toujours comme des êtres frustes et peu intéressants, elle illustre ce que pouvait être à l'époque la vie d'une femme seule n'ayant pas eu la chance de naître au sien d'une famille riche comme les Cazalet. La condition féminine est d'ailleurs souvent abordée dans la série, même si pas très frontalement. Ce deuxième tome confirme l'excellente impression que m'avait fait le premier. Si vous êtes anglophone et que les thèmes de la série sont susceptibles de vous intéresser, foncez: vous ne le regretterez pas!

vendredi 4 novembre 2016

"Le loup en slip" (Wilfrid Lupano/Mayana Itoïz/Paul Cauuet)


Dans la forêt, tout le monde a peur du loup. C'est l'unique sujet de conversation, le fondement même de l'économie locale. Et puis un jour, le loup descend de sa colline. Il porte un slip rayé, avec une petite poche sur le côté pour mettre son filet à provisions quand il va faire son marché, et non, il n'a rien à voir dans la disparition des trois petits cochons. Ce qui remet en cause tout le mode de vie des habitants...

"Le loup en slip", c'est le nom du théâtre de marionnettes dans la fantastique série "Les vieux fourneaux", dont le scénariste signe cette bédé dérivée et dont le dessinateur a apporté une contribution à la fin, histoire de faire le lien entre les deux. C'est surtout une fable maligne et, pour peu que l'on substitue le terrorisme islamiste au loup, terriblement dans l'air de notre temps. Le genre d'album drôle et intelligent que les parents devraient lire avec leurs enfants, et dont ils devraient se servir pour leur expliquer des choses un peu compliquées pour eux a priori: pourquoi la peur est mauvaise conseillère, pourquoi il ne faut pas se laisser influencer par des médias racoleurs et anxiogènes, ni juger sans savoir, ou comment les vrais coupables peuvent être bien planqués derrière une façade de respectabilité!