mardi 27 novembre 2012

"L'ami Odd Thomas"


C'est toujours difficile d'enchaîner après un premier tome génial. Dean Koontz ne fait pas exception à la règle avec cette suite des aventures d'un des héros les plus attachants dont j'aie jamais fait la connaissance dans les pages d'un livre. 

Quelques mois après les événements racontés dans "L'étrange Odd Thomas", le jeune cuisinier qui voit les morts peine à se remettre de la tragédie qu'il a vécue. "J'ai vingt-et-un ans, dit-il au début du chapitre 1, et je suis beaucoup plus vieux que quand j'en avais vingt." Un soir, son ami d'enfance Danny Jessup, atteint de la maladie des os de verre, est enlevé à son domicile de Pico Mundo. Odd Thomas utilise son don de magnétisme psychique pour le retrouver. Pendant les trois quarts du bouquin, il va jouer au chat et à la souris avec les ravisseurs de Danny, dans un casino abandonné grouillant de spectres. 

Franchement, c'est chiant. 

Pourtant, malgré une quasi absence d'intrigue policière et des méchants en carton-pâte, malgré l'absence de scènes choc comme la rencontre avec les parents du héros ou la révélation finale du premier tome, j'ai dévoré "L'ami Odd Thomas" (en VO). L'histoire ne m'intéressait pas du tout, mais j'étais plus que jamais sous le charme si particulier du narrateur: son dévouement et son fatalisme, sa mélancolie et sa foi, son humour et sa modestie. Avec Odd Thomas, Dean Koontz a réussi à créer un héros singulier dont la voix me happe en trois lignes. Le prochain tome de la série est déjà dans ma PAL.

"Le Nao de Brown"


Après la déception provoquée par "Omni-visibilis", "5000 kilomètres par seconde", "La vie avec Mr. Dangerous" et "Tonoharu", je m'étais juré de ne plus jamais acheter de bédé recommandée par Pénélope Bagieu dans ses chroniques vidéo. Pourtant, après avoir entendu la dernière, je n'ai pas pu m'empêcher de foncer chez Brüsel pour jeter un coup d'oeil à "Le Nao de Brown". En 3 pages feuilletées et autant de secondes, j'étais tellement convaincue par le graphisme que je me foutais presque de savoir si l'histoire serait à la hauteur. 

Nao est une jeune femme métisse anglo-japonaise. Ravissante et férue de mangas, elle travaille dans une boutique d'art toys pour compléter le maigre revenu fourni par ses illustrations. Et dans son temps libre, elle fréquente un centre bouddhiste pour essayer de trouver la paix intérieure. Car depuis toujours, Nao est la proie d'hallucinations ultra-violentes dans lesquelles elle se voit faire du mal aux gens qui l'entourent - et auxquelles elle attribue une note sur 10 selon le niveau de satisfaction qu'elles lui procurent...

Franchement, les aquarelles de Glyn Dillon sont somptueuses. Jugez par vous-mêmes:





Pour le reste, j'ai été très touchée par l'histoire de cette jeune femme malade dans sa tête, en proie à une souffrance invisible pour les autres. Qui pourrait soupçonner qu'une violence pareille se cache derrière un si joli et si exotique minois? Qui pourrait se rendre compte de la torture que représentent pour Nao certaines situations des plus banales, comme prendre l'avion ou côtoyer une femme enceinte? Et malgré ça, "Le Nao de Brown" n'est pas une bédé plombante. La vie de l'héroïne ne se résume pas à ses troubles mentaux: on voit l'amitié qui la lie à sa colocataire et à son patron, la naissance de son histoire d'amour avec un réparateur de machines à laver poète, philosophe et ivrogne.... Dans la catégorie "tranche de vie", Glyn Dillon ne craint pas d'explorer la noirceur enfouie de ses personnages sans en faire tout un drame. Je regrette juste la fin, un peu rapide à mon goût et jouant sur une explication qui me hérisse. 

"Le Nao de Brown" fait partie de la sélection du prochain Festival d'Angoulême.

jeudi 22 novembre 2012

Supermarket Sarah et ses "Wonder Walls"




Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. En 2009, Sarah Bagner cherche un moyen de se distinguer des autres sites internet pour vendre ses trouvailles mode vintage et ses objets customisés. Elle décide de les exposer sur un pan de mur dédié. Le succès de Supermarket Sarah est tel que très vite, de grandes marques font appel à elle pour créer des displays temporaires en magasin. Sarah voyage à travers le monde pour son boulot et rencontre toutes sortes de designers qui partagent sa passion pour la décoration. Cet été, elle a sorti un ouvrage compilant les shootings réalisés chez certains d'entre eux, de Londres à Tokyo en passant par la Suède. 







Si comme moi vous avez tendance à amasser des séries d'objets d'un même type ou sur un même thème, et si comme moi vous aimez les intérieurs colorés, bien rangés mais plutôt foisonnants et pleins de personnalité, vous avez encore le temps de vous faire offrir "Supermarket Sarah Wonder Walls: A Guide to Displaying Your Stuff!" pour Noël!

mercredi 21 novembre 2012

"Le passeur du temps"


J'avoue: j'aurais dû me méfier de la mention "Vendu à plus de 5 millions d'exemplaires dans le monde" - ou de son équivalent anglais, puisque j'ai acheté et lu ce roman en VO. Mais de temps en temps, je suis prise d'un étrange accès d'humilité. J'essaie alors de mettre mon snobisme littéraire en veilleuse, de ne pas me dire qu'un ouvrage populaire est forcément une daube infâme. Surtout si sa construction me rappelle fortement le génial "La voleuse de livres": chapitres courts avec saut de ligne après presque toutes les phrases, têtes de paragraphes en gras, incarnation d'un concept (la Mort dans un cas, le Temps dans l'autre). 

Vous voulez que je vous fasse une confidence? L'humilité, c'est vachement surfait. C'est le genre de truc à cause duquel vous vous retrouvez assise dans un train pour un voyage de près de 7h, sans aucune autre distraction que la prose surfaite d'un sous-Paulo Coelho qui repompe éhontément les trouvailles narratives de Dickens pour tenter de donner de la substance à sa barbe à papa littéraire.

(Excusez-moi, je marque une petite pause pour reprendre mon souffle.)

Donc à la base (et là je vais vous spoiler, mais c'est pour vous faire économiser 18€), on a l'historiette simpliste du gars qui jadis inventa la mesure du temps. Condamné à l'immortalité pour avoir voulu sauver sa femme d'une épidémie, il ne pourra trouver le repos qu'après avoir enseigné la valeur du temps à une ado en pleine tentative de suicide suite à un râteau monumental, et à un vieillard richissime atteint d'un cancer en phase terminale qui tente de se faire cryogéniser. En leur montrant ce que sera l'avenir s'ils réussissent, il les dissuade d'altérer le cours naturel de leur vie. C'est censé, j'imagine, avoir valeur de fable à la morale universelle et profonde comme mon ennui pendant près de 7h; mais ça ne réussit qu'à être mièvre et désespérément creux. A mon humble avis.

Ah non, on avait dit que j'arrêtais l'humilité. Donc voilà, ce bouquin est naze, ne l'achetez pas.

De rien. 

lundi 19 novembre 2012

"Une place à prendre"


A Pagford, paisible bourgade du sud-ouest de l'Angleterre, Barry Fairbrother vient de décéder brutalement. Le siège de conseiller paroissial qu'il laisse vacant va susciter toutes les convoitises, et l'élection de son remplaçant mettre toute la petite communauté en émoi... jusqu'au drame. 

"Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir": tel pourrait être le sous-titre du nouveau roman de J.K. Rowling. L'auteur de la série "Harry Potter" avait bien prévenu qu'elle écrivait cette fois une oeuvre pour adultes, mais j'avoue que je ne m'attendais pas à une peinture aussi noire de la nature humaine. Loin de toute magie, la vingtaine de héros de ce roman choral rivalise de petitesse et de veulerie. Tous les adultes, apparemment membres respectables de la société, sont animés par les pulsions les plus méprisables qui soient. Face à eux, une poignée d'adolescents se débat pour exister tant bien que mal, et plutôt mal que bien en règle générale. 

Par bien des aspects, "Une place à prendre" est extrêmement plombant; j'imagine que c'est la raison pour laquelle il a reçu des critiques aussi mitigées. C'est un peu son paradoxe: on le lit parce que c'est le dernier J.K. Rowling, mais on ne peut véritablement l'apprécier qu'en oubliant que c'est le dernier J.K. Rowling. Car au-delà de sa cruauté, il s'agit d'une brillante satire sociale avec des personnages très bien croqués, des histoires individuelles qui s'entremêlent toutes les unes aux autres (et on reconnaît là le souci du détail dont J.K. Rowling a toujours fait preuve dans "Harry Potter"), un style fluide et élégant très bien rendu par la traduction de Pierre Demarty. Malgré son épaisseur et un emploi du temps plutôt chargé, je l'ai dévoré en quelques jours. 

Roman reçu pour critique dans le cadre de l'opération "Les matchs de la rentrée littéraire" organisée par Price Minister.

mercredi 14 novembre 2012

"L'Amour sans le faire"


Après des années de silence, Franck décide de retourner dans sa campagne natale. Il approche de la cinquantaine, n'a ni femme ni enfant et se relève tout juste d'un gros problème de santé. C'est un homme sans attaches, un peu à la dérive. Quand il appelle ses parents pour les prévenir de son arrivée, c'est un petit garçon qui décroche - un petit garçon prénommé Alexandre, comme le frère cadet disparu de Franck... 

De son côté, Louise ne s'est jamais vraiment faite à la ville. Mais après la mort de son compagnon, elle s'est sentie incapable de rester à la ferme familiale. Depuis, elle mène la vie d'un fantôme, passant de petit boulot en petit boulot et refusant de s'attacher à quiconque. A la faveur de quelques jours de vacances, elle décide de rendre visite à son fils dans le Lot... 

"L'Amour sans le faire", c'est l'histoire d'un retour aux sources que les personnages n'ont pourtant eu de cesse de fuir, une rencontre entre deux êtres cabossés auxquels les circonstances interdisent de s'aimer. Avec une plume sensible et délicate, Serge Joncour raconte la distance entre un fils et ses parents qui sont des étrangers pour lui, le poids de l'incompréhension et des non-dits, de cette transmission qui n'a pas su se faire. Il faudra l'apparition de Louise pour réconcilier Franck non seulement avec son passé, mais avec la perspective d'un avenir - cet avenir qu'ils ne pourront envisager ensemble, ou du moins, pas au sens traditionnel du terme. 

D'habitude, j'ai beaucoup de mal à rentrer dans un livre si je n'ai aucun point commun avec les personnages, si aucun des thèmes abordés ne fait partie de mes préoccupations du moment. Cette fois pourtant, je me suis laissée happer par l'humanité du récit, le style sans fioritures mais d'une grande justesse de ton et de sentiments. J'ai lu "L'Amour sans le faire" d'une traite, et il m'a presque donné envie de retourner en pèlerinage dans le petit village de Haute-Loire où je passais mes vacances, enfant. C'est dire si je l'ai trouvé réussi. 

Roman reçu pour critique dans le cadre de l'opération "Les matchs de la rentrée littéraire" organisée par Price Minister

lundi 12 novembre 2012

"Les apparences"


Ca fait déjà plusieurs jours que je me demande comment je vais bien pouvoir vous convaincre que vous DEVEZ vous précipiter pour acheter ce bouquin. Parce que raconter quoi que ce soit dessus, ce serait déjà spoiler les futurs lecteurs et leur gâcher en partie le suspens d'un thriller psychologique exceptionnel, et le roman le plus prenant que j'aie lu cette année, voire cette décennie. 

Que vous dire pour vous mettre l'eau à la bouche sans trop en dévoiler? Qu'il est question d'un couple de trentenaires new-yorkais, tous les deux journalistes, beaux et brillants. Qu'à cause de la crise, ils se retrouvent licenciés et contraints de déménager dans le Missouri, où les parents de l'homme se meurent. Que ce bouleversement va faire ressortir le pire chez chacun d'eux. Que la femme va disparaître le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, dans des circonstances pour le moins étranges. 

Que cette histoire, ils la racontent tour à tour et à la première personne, en chapitres alternés. Mais que tous les deux mentent, chacun à sa façon et pour des raisons qui lui sont propres. Que pour une fois, le titre français est bien plus pertinent que celui de la VO: car ici, tout repose sur les apparences, et leur crédibilité devient très vite une question de vie ou de mort. Que petit à petit se dévoile une machination époustouflante, oeuvre d'un esprit génial autant que malade. Que le portrait des deux héros est tracé avec une finesse psychologique qui rend plausible même leurs actions les plus extrêmes. Que la fin est amère et grinçante et que contrairement à d'autres, je l'ai trouvée très satisfaisante. 

Que vous DEVEZ vous précipiter pour acheter ce bouquin, vraiment. Parce que je meurs d'envie de discuter de ses coups de théâtre avec quelqu'un. Et aussi parce que si vous cherchez un chouette cadeau de Noël pour un proche qui aime lire, ça vous fera un casse-tête de moins.


PS: Si vraiment vous voulez en savoir un peu plus avant de vous décider et que vous ne redoutez pas trop les spoilers, je vous invite à lire les critiques de lecteurs publiées sur Amazon, notamment celle de Frédéric Fontès.

jeudi 1 novembre 2012

"13, rue Thérèse"


En s'installant dans son nouveau bureau parisien, le chercheur américain Trevor Stratton découvre une boîte pleine d'objets et de documents datant du début du XXème siècle. A partir des lettres et des photos, il reconstitue la vie amoureuse de Louise Victor: sa passion pour son cousin Camille, que son père refuse qu'elle épouse et qui sera tué pendant la première guerre mondiale; son mariage avec Henri Brunet, un des employés de son père, qui ne lui donnera jamais les enfants tant espérés; l'attirance qu'éprouve pour elle la jeune Garance à qui elle enseigne le piano; et enfin sa liaison adultère avec Xavier Langlais, qui vient de s'installer avec sa famille dans l'appartement en-dessous du sien. Petit à petit, Trevor se laisse fasciner par la personnalité de cette femme hors du commun, au point d'être tour à tour projeté dans la peau de chacun des protagonistes de son histoire...

Elena Mauli Shapiro a réellement vécu au 13, rue Thérèse, où elle a découvert la boîte dont elle utilise le contenu comme point de départ de cet étrange premier roman. J'ai beaucoup aimé l'héroïne à laquelle elle donne vie, personnalité joyeusement transgressive et bouillonnante de désir; beaucoup aimé, aussi, sa façon très juste de parler de l'élan incontrôlable, aveugle et ravageur qu'est la passion. J'ai frémi en lisant ses évocations émouvantes et tragiques de la guerre; j'ai été intriguée par les zones d'ombre qui demeurent dans la vie de Louise. En revanche, j'ai moins apprécié la toute fin de son roman - cette pirouette peu convaincante par laquelle elle conclut l'histoire de Trevor. Et ayant lu le livre en VO, je serais curieuse de savoir comment la traductrice s'est dépatouillée d'un soi-disant jeu de mots qui ne fonctionne pas réellement en français, ou comment l'éditeur a géré les reproductions de lettres visiblement rédigées par quelqu'un dont le français n'est pas la première langue.