vendredi 26 août 2011

"Amy & Roger's epic detour"



Du rose, une profusion de symboles américains artistiquement agglomérés: il n'en fallait pas plus pour que je saisisse "Amy & Roger's Epic Detour" sur la table des nouveautés de Sterling Books. Je le retourne pour lire la quatrième de couverture et voir de quoi ça cause. Un road trip à travers les USA. J'embarque en me disant que même si c'est mal écrit et que l'histoire est inintéressante, ça me rappellera toujours des souvenirs.


Amy Curry a 17 ans et vit en Californie. Sa vie a basculé trois mois auparavant, lorsque son père est décédé dans un accident de la route. Depuis, sa mère et son frère jumeau sont partis s'installer sur la côte Est. L'adolescente doit les rejoindre avec leur voiture, et comme elle refuse de conduire, c'est le fils d'une amie de la famille qui lui servira de chauffeur. La mère d'Amy leur a préparé un itinéraire et réservé des hôtels sur la route, mais dès le départ, les jeunes gens décident de jeter ses instructions aux orties...


Quand j'ai découvert l'âge de l'héroïne, je me suis dit "Aïe aïe aïe, un roman YA*". J'ai craint une niaiserie consommée, et puis pas du tout. C'est vrai qu'au cours de leur périple transaméricain, les deux héros vont finir par tomber amoureux l'un de l'autre comme on s'en doutait dès le début. Ceci mis à part, Morgan Matson évite tous les écueils du genre. Ses personnages n'ont rien de stéréotypé; au fil des pages, ils révèlent leur caractère, leurs goûts, leur sensibilité et leurs blessures tandis que l'asphalte défile sous les roues de leur voiture.


J'ai aimé les flash-backs qui dévoilent la vie d'Amy avant l'accident et juste après celui-ci, aimé revoir par procuration certains lieux que j'ai visités, aimé l'émotion sincère et le sens de l'aventure qui imprègne chacune des rencontres faites par les deux héros, aimé la mise en page qui intègre des éléments de scrapbooking au texte du roman (playlists spécialisées par Etat traversé, photos, tickets de restaurants, de fast-foods ou de mini-marts...). Et j'ai plus que jamais envie de faire mon propre road-trip américain avec Chouchou.


*YA = Young Adults, c'est-à-dire qui vise la tranche des 15-20 ans

mercredi 24 août 2011

"Margherita Dolcevita"



Apparemment, plus le temps est apocalyptique dehors, plus j'ai la main heureuse en matière de bouquins. Ma grande veine littéraire de l'été se poursuit avec "Margherita Dolcevita", roman de l'auteur italien Stefano Benni que j'avais découvert à Noël 2009 avec "La grammaire de Dieu". La quatrième de couv me paraissant excellente, je vous la livre telle quelle:


Quinze ans, quelques kilos en trop et un (grand) coeur qui bat sur un rythme atypique, voici Margherita Dolcevita. Elle écrit des poèmes et dialogue avec la Petit Fille de poussière, qui hante une maison jadis frappée par un bombardement. Un père bricoleur acharné, une mère qui fume des cigarettes virtuelles, deux frères, l'un fana de foot, l'autre de mathématiques, un grand-père qui avale des yaourts périmés pour se mithridatiser et un chien de race indéfinissable: c'est la famille de Margherita, qui habite un reste de campagne aux abords d'une petite ville.

Quand apparaît un jour juste en face un énorme cube noir et menaçant, la maison des nouveaux voisins, les Del Bene, l'adolescente est la seule à mesurer les risques qu'encourt leur vie paisible. Mais elle est décidée à se battre jusqu'au bout contre la modernité maléfique que les Del Bene incarnent, avec son humour, son intelligence et son refus des stéréotypes qui font d'elle une sorte de Zazie italienne.


"Margherita Dolcevita" est un roman inclassable. A la fois poétique et politique, il emprunte avec bonheur des éléments à la satire, à la littérature fantastique mais aussi au thriller. Stefano Benni déploie un style vigoureux, inventif et jubilatoire, très bien servi par une merveilleuse traduction de Marguerite Pozzoli. Avec un humour féroce, il crucifie le capitalisme et la société de consommation auxquels il oppose la fantaisie et l'individualité dans le meilleur sens du terme. "Parfois, les nomades volent, mais beaucoup moins que les gens domiciliés à Monte-Carlo", fait remarquer sa piquante héroïne. Je l'aurais aimée rien que pour cette phrase, mais chaque page de "Margherita Dolcevita" contient au moins un passage que j'ai envie de citer d'un air triomphant pour vous convaincre de le lire toutes affaires cessantes. Quand je pense que ma pile contient encore un bouquin de Stefano Benni, j'en frétille d'avance.

dimanche 21 août 2011

"Une longue route"



Est-ce un hasard si, après "Une bonne épouse indienne", j'ai enchaîné sur une autre histoire de mariage arrangé? Ici aussi, un garçon se retrouve lié à une fille qu'il n'a pas choisie, dont il ne veut pas et pour qui il n'entend pas renoncer à sa vie d'avant. Ici aussi, cette fille va supporter son indifférence et rester à ses côtés malgré les difficultés. Mais si Anne Cherian traitait son sujet de façon très sérieuse, "Une longue route", en revanche, joue dans le registre de la comédie décalée.


Sôsuke est un branleur de première bon-à-rien incapable de garder un travail, doublé d'un Don Juan porté sur la boisson et toujours à la recherche d'une nouvelle maîtresse. Michi, de son côté, est complètement dans la lune, incapable de se rendre compte de ce qui se passe autour d'elle ou d'y attacher vraiment de l'importance. Pourtant, malgré sa soi-disant totale absence de charme, on se surprend très vite à éprouver une énorme tendresse pour elle.


Les dessins de Fumiyo Kouno, que je trouvais un peu trop enfantins au départ, sont en réalité parfaitement approprié au ton de son histoire. Les chapitres très courts (3 ou 4 pages) lui permettent de se renouveler sans s'enfermer dans une narration linéaire qui aurait vite pu devenir ennuyeuse. J'ai particulièrement aimé les mini-récits sans paroles, dans lesquels on perçoit encore mieux la poésie douce du quotidien. Une jolie découverte.

vendredi 19 août 2011

"Une bonne épouse indienne"



Parfois, je reste trois mois sans tomber sur un bouquin qui m'enthousiasme; et parfois, j'en enchaîne plusieurs à la suite. A défaut de météo merveilleuse, cet été aura au moins été placé sous le signe de la bonne, voire très bonne pioche littéraire.

Dès qu'il a pu le faire, Suneel Sarath a échappé à sa famille indienne pour partir étudier à l'université de Stanford. Devenu anesthésiste, il a changé son prénom en Neel, s'est acheté un bel appartement à San Francisco et trouvé une très blanche et très blonde maîtresse censée le guérir de son sentiment d'infériorité raciale. Il a désormais 35 ans, et aucune intention de se ranger alors qu'il vit au pays de tous les possibles. Mais lors d'une visite à sa famille, il se fait piéger par sa mère et son grand-père et, avant d'avoir compris ce qui lui arrivait, il se retrouve marié à une femme qu'il n'a rencontrée qu'une seule fois auparavant.

Leila a 30 ans. Elle est belle et intelligente, mais issue d'une famille pauvre qui ne peut pas lui procurer une bonne dot. Et surtout, un incident dans son passé entache sa réputation, de sorte qu'aucun des hommes que lui ont présentés ses parents n'a accepté de l'épouser. Jusqu'au jour où ce riche médecin américain a, semble-t-il, le coup de foudre pour elle. Mais quand il refuse de consommer leur union, la ramène aux USA sans lui adresser la parole plus de deux fois et prend l'habitude de la laisser seule tous les soirs dans son appartement si froid, Leila se retrouve complètement perdue, très loin des siens et de tout ce qu'elle connaît avec un mari dont elle ne comprend pas l'indifférence...

"Une bonne épouse indienne" raconte la genèse et l'évolution d'un mariage arrangé qui, contre toute attente, va se changer en histoire d'amour. Bien sûr, en tant qu'occidentale, jamais je n'aurais imaginé épouser quelqu'un que mes parents avaient choisi pour moi, et encore moins adopter une attitude soumise et conciliante envers un homme pour qui je n'étais clairement qu'une gêne. Cela dit, la moitié des mariages d'amour se terminant par un divorce, il est permis de s'interroger sur le bien-fondé des mariages arrangés - ceux qui sont décidés, non pas en fonction de la dot comme je crains que ça arrive souvent, mais en fonction de la compatibilité des futurs époux. Quand l'objectif est de fonder un foyer stable et non pas de se réaliser affectivement comme c'est si important dans nos pays occidentaux, j'imagine que le mariage arrangé apparaît comme une solution logique. La soumission automatique de la femme à son époux reste une tout autre question.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas eu l'impression qu'Anne Cherian tentait de faire l'apologie des mariages arrangés, mais plutôt qu'elle s'appliquait à retranscrire le choc des cultures et l'évolution de deux êtres que beaucoup de choses séparent a priori. Au début du roman, j'approuvais à fond les arguments de Neel pour ne pas céder à sa famille; j'étais même indignée de sa part, et je brûlais d'envoyer bouler sa mère et son grand-père. Puis Leila est entrée en scène comme un soleil dont la chaleur discrète contrastait très fort avec la froideur de son mari. Impossible de ne pas aimer ce personnage de femme à la fois respectueuse des traditions et déterminée à être heureuse. Sa docilité apparente cache une grande volonté, ainsi que beaucoup d'esprit et de caractère tenu en laisse mais qu'elle laissera peu à peu s'épanouir. L'auteur sait nous faire partager ses doutes et tout le cheminement intérieur qui lui permettra enfin de conquérir son mari.

Que dire d'autre? C'est bien écrit, bien traduit et les 500 pages de la version poche défilent toutes seules. Lisez-le.

jeudi 4 août 2011

"When God was a rabbit"



Intriguée par son titre, charmée par sa couverture, appâtée par une critique élogieuse dans quelque féminin anglais ou américain, j'ai commandé "When God was a Rabbit" en aveugle. Et je l'ai savouré à petites doses, pas plus de 40 pages à la fois pour le faire durer au maximum malgré mon envie de découvrir la suite.

Au fil de ma lecture, j'ai été frappée par les similitudes entre ce roman et "The particular sadness of lemon cake" terminé peu de temps auparavant. Ici aussi, Elly, la narratrice, est une fillette que l'on va suivre jusqu'à l'âge adulte; ici aussi, l'un des éléments-clés de l'histoire est son lien particulier avec son frère aîné; ici aussi, l'héroïne et son père ont chacun un secret qui remontera tardivement à la surface; ici aussi, des éléments subtilement fantastiques contribuent à créer une atmosphère singulière. Mais ce n'est pas tout: les deux auteurs ont un style également poétique - simple et concis pour Aimee Bender, plus ample et presque élégiaque pour Sarah Winman.

Pour autant, "When God was a rabbit" reste un roman tout à fait original qui sait tisser sa toile afin de captiver le lecteur. Un personnage y est pour beaucoup: Jenny Penny, l'amie d'enfance de l'héroïne, fillette excentrique élevée dans un foyer brisé qui deviendra une fugitive, puis une criminelle emprisonnée sans jamais perdre la grâce étrange qui l'anime. J'ai aussi beaucoup aimé le cadre enchanteur, proche de la nature et un peu hors du temps, offert par la nouvelle maison en Cornouailles où la famille d'Elly va s'installer après avoir gagné au Loto.

Le livre est divisé en deux parties. La première se déroule quand Elly a entre 8 et 12 ans, et qu'elle est encore une fillette gaie et curieuse de tout; la seconde reprend son histoire alors qu'elle est devenue une adulte morose, sans passion et sans but, au moment où les événements et les acteurs les plus marquants de son enfance vont refaire surface dans sa vie et où la boucle va se trouver bouclée. Une longue litanie de catastrophes ponctue son histoire et celle de ses proches: abus sexuels, violences domestiques, suicide, enlèvement et séquestration, cancer, meurtre, terrorisme, amnésie... Pourtant, bien qu'abîmés, les personnages qui survivent finissent par se remettre de tout, et malgré un côté doux-amer, la conclusion de "When God was a rabbit" est en définitive optimiste.

Ce premier roman de Sarah Winman dénote un talent très prometteur. Il comporte aussi certaines faiblesses: par exemple, j'ai eu du mal à éprouver vraiment la force du lien censé unir Elly à Joe, son frère aîné. J'ai aussi été un peu agacée de voir les attentats du 11 septembre utilisés une fois de plus comme ressort narratif tragique. (Un jour, je m'amuserai à dresser une liste des romans que j'ai lus dans lesquels, vers la fin, un proche du héros ou de l'héroïne meurt dans l'effondrement du World Trade Center; je vous garantis qu'elle sera longue). Mais en dépit de cela, j'ai beaucoup, beaucoup aimé "When God was a rabbit". Si vous êtes anglophone et que vous cherchez un roman captivant qui sorte un peu de l'ordinaire, je vous le recommande chaudement.