jeudi 27 janvier 2011

"Quatre soeurs"



Après avoir dévoré le premier tome de la bédé et lu des tas d'avis enthousiastes sur la série de romans dont elle était tirée, je n'ai pas résisté longtemps: j'ai filé sur Amazon et je me suis commandé l'intégrale de "Quatre soeurs", de Malika Ferdjoukh.

Arrivée presque en même temps que moi à Monpatelin, elle aura sauvé une semaine de soirées pendant lesquelles je risquais de déprimer sec. Vers 19h, sitôt mon boulot du jour terminé, je filais me blottir sur Chloé mon canapé transsexuel, je tirais une douillette couverture en polaire sous mon menton et je me transportais instantanément à la Vill'Hervé pour retrouver les soeurs Verdelaine au sommet de leur falaise battue par les vents. Je m'indignais des mauvais tours joués par cette chipie de Bettina, je pouffais devant la ruse déployée par Enid pour faire dormir avec elle les chats de la maison, j'avais le trac avec Hortense avant qu'elle monte sur scène pour jouer sa première pièce de théâtre, je compatissais aux hésitations amoureuses de Charlie, je grinçais des dents devant la radinerie de tante Lucrèce, j'espérais de tout mon coeur que l'état de Muguette s'arrangerait, je me demandais où diable était passée tante Jupitère, je humais presque l'odeur du cake aux noix de Geneviève sortant du four, j'écrasais une larme quand les spectres de Lucie et Fred Verdelaine prenaient enfin congé de leurs filles, et je voulais que cette histoire ne se termine jamais. Je voulais continuer à regarder vivre ces personnages si fantaisistes et attachants; je voulais leur demander de me faire une place à la grande table de la cuisine pour boire du lait chaud avec eux pendant mes insomnies.

Je pourrais vous énumérer les qualités littéraires du texte de Malika Ferdjoukh; vous expliquer que la bonne littéraire jeunesse est de la bonne littérature tout court; disserter sur la façon dont l'auteur a su rendre son récit à la fois intemporel et très ancré dans notre époque; m'amuser de ses nombreux jeux de mots et des charmants tournures de phrases qu'elle se plaît à inventer. Mais rien de tout cela n'expliquerait vraiment pourquoi je suis tombée amoureuse de ces "Quatre soeurs". La vérité, c'est que ce livre est plein d'une grâce lumineuse et que l'espace de 600 pages, il m'a fait oublier tout le reste. C'est le plus beau compliment que je puisse faire en ce moment.

mercredi 12 janvier 2011

"Quatre soeurs, T1: Enid"


"Tout comme les Trois Mouquetaires étaient quatre, les Quatre Soeurs Verdelaine sont cinq." Il y a Charlotte dite Charlie, 23 ans, qui joue courageusement les chefs de famille depuis la mort de leurs parents dans un accident de voiture. Il y a la blonde Geneviève, 16 ans, qui dort dans un lit clos dont les autres se moquent, repasse les draps, prépare des confitures et prend des cours de boxe thaï en secret. Il y a la rouquine Bettina, 14 ans, qui s'épile les jambes au caramel pour draguer Juan le fils du boulanger et papote avec ses copines sur Facebook à grands renforts de "lol". Il y a Hortense, 11 ans, une solitaire toujours le nez plongé dans un livre ou dans son journal intime. Il y a enfin la petite dernière, Enid, 9 ans 1/2, l'amie des animaux qui veille farouchement sur ses deux familiers: Blitz l'écureuil et Swift la chauve-souris.

Tout ce petit monde habite une vieille maison en ruines où règne constamment une joyeuse pagaille. De temps en temps, les fantômes de Fred et Lucie Verdelaine se manifestent pour conseiller à leurs filles de ne pas se goinfrer de cake aux noix ou leur rappeler le mode d'emploi du monstre en fonte capricieux qui leur tient lieu de chaudière. Basile, le médecin transi d'amour pour Charlie, vient goûter tous les dimanches; et parfois, l'insupportable tante Hortense débarque sans prévenir...

"Quatre soeurs" s'inspire d'une tétralogie de romans de Malika Ferdjoukh dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'ici, mais que je dois maintenant me retenir de commander sur Amazon car elle présente l'avantage indéniable d'être déjà terminée (et même regroupée en intégrale) - alors que les éditions Delcourt n'annoncent pas encore de date de sortie pour le tome 2 de la bédé. Or, j'ai eu un ENORME coup de coeur pour cette série, et même si les dessins de Cati Baur y sont certainement pour beaucoup, j'ai très envie de découvrir sans attendre la suite de cette histoire pleine de fantaisie, d'humour, de tendresse et d'espièglerie. Un plaisir à consommer sans modération.

mardi 11 janvier 2011

"Freedom"


Dieu que c'était chiant.

Telle est la première chose qui me vient à l'esprit quand je tente de résumer mon opinion du dernier Jonathan Franzen. Qui malheureusement écrit toujours aussi bien, de sorte que je me suis quand même forcée à à terminer les 560 pages de "Freedom" malgré des personnages tous aussi irritants les uns que les autres et d'interminables considérations politico-écologiques ennuyeuses à mourir (alors que le sujet m'intéresse!).

Dans "The corrections", j'avais trouvé un élément accrocheur chez chacun des membres de la famille disséquée à la loupe. Les Berglund, eux, m'ont inspiré une indifférence absolue tant au niveau individuel que collectif, et la façon dont l'auteur les utilise pour illustrer différents points de vue sur l'évolution de la société américaine m'a laissée de marbre alors que d'habitude, c'est plutôt le genre de concept qui marche avec moi.

Faute d'apprécier le propos, je me suis donc contentée d'admirer la mécanique: la façon pas complètement linéaire qu'a Jonathan Franzen de narrer les événements, ses phrases interminables et pourtant jamais indigestes, et surtout son talent pour adopter des styles différents selon que la partie en cours se focalise sur la mère ex-star de basket universitaire dépressive, le père trop mou gentil pour son propre bien, le fils rebelle qui brandit des convictions républicaines pour se démarquer de ses parents, ou le musicien de rock qui couche avec la mère alors qu'il éprouve un amour bien plus sincère pour le père. Mais globalement, cette lecture a été un pensum.

Vivement que je reçoive le tome 4 des Spellman, parce que là, j'ai mon compte de bouquins déprimants!

lundi 10 janvier 2011

"One day"


Admirez cette couverture façon roman Harlequin moderne - ou au mieux, roman de Nick Hornby auquel l'auteur David Nicholls est souvent comparé. Parcourez la quatrième de couverture: "15th July 1988. Emma and Dexter meet on the night of their graduation. Tomorrow they must go their separate ways. So where will they be this one day next year? And the year after that? And every year that follows?". Forcément, vous vous attendez à une sorte de remake littéraire de "Quand Harry rencontre Sally", une comédie romantique drôlissime avec des dialogues qui font mouche.

Vous ne pourriez pas être davantage à côté de la plaque.

C'est vrai que les deux personnages principaux de "One Day" se rencontrent à la fac et vont passer vingt ans à être de simples amis. Non qu'il n'y ait pas d'attirance entre eux, mais celle-ci se manifeste toujours à contretemps, quand l'un(e) est disponible et l'autre pas. Le lecteur les retrouve tous les 15 juillet, à la date anniversaire de leur rencontre, pour un point sur la façon dont leur vie et leur relation ont évolué depuis l'année précédente. C'est souvent surprenant bien que non dénué de logique. Tandis qu'Emma s'essaye au théâtre et s'ennuie à travailler comme serveuse dans un resto mexicain avant de devenir prof d'anglais, Dexter voyage à travers le monde avec l'insouciance que lui confère l'argent de ses parents, puis profite de son physique de jeune premier pour devenir animateur de télévision. La première s'enlise dans une relation avec un homme qu'elle n'aime pas, puis une liaison avec son chef marié; le second tombe dans le piège des coups d'un soir, de la drogue et de l'alcool. Au fil des chapitres, ils perdent leurs illusions de jeunesse et leur foi en l'avenir. Et quand ils se mettent enfin ensemble, une tragédie totalement inattendue ne tarde pas à les séparer.

J'ai aimé la construction de ce livre, le principe consistant à retrouver les deux héros chaque année à la même date: ça permet de couvrir une longue période de temps sans devenir ennuyeux parce que trop long. Petit inconvénient, le passage d'un 15 juillet à l'autre manque parfois de fluidité, mais cette cassure contribue aussi à maintenir l'intérêt du lecteur en éveil. Et j'ai adoré la fin-qui-n'en-est-pas-une, le fait que l'auteur continue à raconter trois 15 juillet après la tragédie qui sépare ses personnages en les entremêlant à des scènes inédites jusque là du tout premier 15 juillet qu'ils ont passé ensemble, juste après leur remise de diplôme. Ainsi, on referme quand même le livre sur une note optimiste, à un moment où leur histoire ne fait que commencer et où ils savent qu'ils se reverront. Pour autant, je vous avoue que malgré toutes ses qualités, "One day" m'a solidement déprimée. Je ne le recommanderais pas à quelqu'un qui broie du noir ou se demande ce qu'il a fait de ses plus belles années.

Ce livre n'a pas encore été traduit en français mais je veux bien me dévouer pour y remédier; par contre, une adaptation cinématographique est en cours avec Anna Hathaway et Jim Sturgess dans les rôles principaux.