mercredi 31 août 2016

"L'architective: Les reliques perdues" (Mel Andoryss)


Armand est architective, capable de plonger dans l'âme des bâtiments afin de percer leurs secrets. C'est aussi un ado de 15 ans anxieux à l'idée que l'exercice de ses pouvoirs l'empêche d'être à l'heure pour sa rentrée en seconde. Malheureusement pour lui, cette année scolaire s'annonce mouvementée: en deux jours, il a déjà rencontré une jolie rouquine qui tord les murs et lui flanque une migraine d'enfer, et s'est fait enlever par deux pas beaux qui veulent le forcer à chercher pour eux de mystérieuses reliques...

J'ai entamé ce roman jeunesse un soir à 23h30: grave erreur de calcul, car je n'ai pu me résoudre à éteindre la lumière qu'après en avoir dévoré la première moitié, et si je n'avais pas dû bosser le lendemain, j'aurais sans doute continué ma lecture jusqu'à la fin. D'abord parce que le pouvoir d'Armand est très intrigant et se prête à raconter une histoire aussi originale qu'étonnamment émouvante. (Vous avez déjà eu envie de pleurer sur le sort d'une chapelle? Moi oui, maintenant.) Ensuite pour le trio de choc que notre jeune héros forme avec son meilleur ami Cédric-Axel-Lionel-Loïc, prodige en maths issu d'une famille nombreuse métisse, et sa nouvelle camarade Malaurie dont les étranges pouvoirs sont une malédiction pour elle. Enfin à cause de l'humour délicieux qui émaille les dialogues comme les monologues intérieurs d'Armand. Cerise sur le gâteau: du point de vue historique, tout est très bien documenté. Les amateurs d'aventures un peu ésotériques apprécieront - et, comme moi, trépigneront sans doute en attendant une suite. 

"Je ne sais pas si les fidèles qui fréquentent cette cathédrale ont la foi, mais le bâtiment, lui, mériterait d'être canonisé. Il se vit vraiment comme la maison de Dieu. Il aurait tort de se priver. On est chez lui, il se voit bien comme il veut."

mardi 30 août 2016

"Le rouge vif de la rhubarbe" (Audur Ava Olafsdottir)


Agustina a 14 ans et des jambes qui ne la portent pas. Elle vit sur une île avec la vieille Nina, à la garde de qui sa mère biologiste l'a confiée pour continuer à parcourir le monde. Presque chaque jour, elle descend sur la grève pour contempler la mer ou monte jusqu'au jardin sauvage de rhubarbe où elle fut conçue. Malgré ses béquilles, elle rêve d'escalader les 844 mètres de la montagne qui surplombe son village...

C'est le quatrième roman d'Audur Ava Olafsdottir publié en France par les éditions Zulma, et après avoir adoré les trois premiers, j'en attendais énormément. Trop, sans doute, car il m'a un peu déçue. Si l'on retrouve la délicatesse de style de l'auteure, la lenteur et l'introspectivité qui caractérisent ses récits, la grâce et la poésie qu'elle sait insuffler au quotidien, l'attention qu'elle porte à la nature et au rythme des saisons, je n'ai pas réussi à m'intéresser à la petite vie, aux premières amours pudiques et aux modestes aspirations d'Agustina. Du coup, j'ai l'impression d'être passée à côté de ce "Rouge vif de la rhubarbe", qui ne m'aura guère marquée contrairement à ses prédécesseurs.

lundi 29 août 2016

"Coquelicots d'Irak" (Brigitte Findakly/Lewis Trondheim)


Jusqu'ici, je ne connaissais Brigitte Findakly qu'en tant que coloriste et épouse de Lewis Trondheim. Dans "Coquelicots d'Irak", elle raconte sa jeunesse à Mossoul, la difficulté d'être issue d'une famille chrétienne dans un pays majoritairement musulman, les bouleversements politiques du début des années 70, les raisons qui poussèrent ses parents à émigrer en France - le pays d'origine de sa mère -, l'adaptation délicate à sa nouvelle vie et ses retours successifs en Irak où elle constate combien les conditions de vie se dégradent pour la population en général et pour les femmes en particulier. Son récit d'où ne ressortent ni jugement ni colère est entrecoupé de photos personnelles en noir et blanc, d'anecdotes culturelles et de bons souvenirs d'enfance qui apportent un contrepoint apaisant à la violence des événements historiques. Un témoignage plein de sensibilité, pré-publié sur le site du journal Le Monde où vous pouvez en lire des extraits.


dimanche 28 août 2016

"Comment apprendre à s'aimer" (Yukiko Motoya)


"Il existe sans doute quelqu'un de mieux, c'est juste que nous ne l'avons pas encore rencontré. La personne avec laquelle nous partagerons réellement l'envie d'être ensemble, du fond du coeur, existe forcément. Je crois que nous devons continuer à chercher sans nous décourager." Au fil de ses apprentissages et de ses déceptions, Linde - femme imparfaite, on voudrait dire normale - découvre le fossé qui nous sépare irrémédiablement d'autrui et se heurte aux illusions d'un bonheur idéal. Elle a 16 ans, puis 28, 34, 47, 3 et enfin 63 ans; autant de moment qui invitent le lecteur à repenser l'ordinaire et le guident sur le chemin d'une vie plus légère, à travers les formes et les gestes du bonheur: faire griller du lard, respirer l'odeur du thé fumé ou porter un gilet à grosses mailles. Car le bonheur peut s'apprendre et "pour quelqu'un qui avait raté sa vie, il lui semblait qu'elle ne s'en sortait pas trop mal".

Très attirée par la couverture et la présentation de "Comment apprendre à s'aimer", j'en ai fait mon premier achat impulsif de la rentrée littéraire et l'ai lu d'un trait lors d'un voyage en Thalys. J'adore la représentation du quotidien en littérature, et le principe des instantanés à plusieurs âges de la vie d'une femme m'enthousiasmait beaucoup. Pourtant, je n'ai pas beaucoup apprécié Linde, archétype de l'éternelle insatisfaite qui passe ainsi à côté de sa vie. Personne n'est assez bien pour elle, ni amis ni mari. Les gens déçoivent perpétuellement ses trop grandes exigences et les espoirs flous qu'elle place en eux - son livreur de colis y compris. On ignore ce qu'elle fait comme métier ou si elle a des passions dans lesquelles elle s'épanouit parallèlement, et du coup, son existence semble plutôt vide et pathétique malgré ses efforts pour se convaincre du contraire. Bref, une lecture décevante.

vendredi 26 août 2016

"Les Autodafeurs T1: Mon frère est un Gardien" (Marine Carteron)


"Je m'appelle Auguste Mars, j'ai 14 ans et je suis un dangereux délinquant. Enfin, ça, c'est ce qu'ont l'air de penser la police, le juge pour mineurs et la quasi-totalité des habitants de la ville. Evidemment, je suis innocent des charges de "violences aggravées, vol, effraction et incendie criminel" qui pèsent contre moi, mais pour le prouver, il faudrait que je révèle au monde l'existence de la Confrérie et du complot mené par les Autodafeurs; or, j'ai juré sur ma vie de garder le secret. Du coup, soit je trahis ma parole et je dévoile un secret vieux de vingt-cinq siècles (pas cool), soit je me tais et je passe pour un dangereux délinquant (pas cool non plus). Mais bon, pour que vous compreniez mieux comment j'en suis arrivé là, il faut que je reprenne depuis le début, c'est-à-dire là où tout a commencé.
PS: Ce que mon frère a oublié de vous dire, c'est qu'il n'en serait jamais arrivé là s'il m'avait écoutée; donc, en plus d'être un Gardien, c'est aussi un idiot. Césarine Mars"

L'été dernier, je craquais pour une pétillante trilogie des éditions du Rouergue mettant en scène un ado un peu spécial. Sans préméditation aucune, je recommence cette année, bien que dans un tout autre registre. Dans "Les Autodafeurs", il est question de Templiers, du pouvoir des livres et de la nécessité de protéger la vérité historique coûte que coûte - mais aussi de secrets de famille, de gentils grands-parents qui se révèlent être des machines de guerre, d'une petite soeur autiste Asperger qui pige tout avant tout le monde mais qu'on n'écoute pas.

L'histoire est racontée à la première personne, essentiellement par Gus qui s'exprime avec un curieux mélange de gouaille adolescente et d'érudition un peu pédante, avec ça et là des interventions écrites de Césarine qui déteste les chiffres de 1 à 21, prend tout au pied de la lettre et tient son aîné pour un parfait idiot. Leurs aventure rocambolesques les amènent à affronter des méchants très bêtes mais dénués de scrupules, et ce tome 1 s'achève par une explosion de violence comme on en voit rarement dans ce créneau de la littérature jeunesse. Les tomes suivants s'appellent respectivement "Ma soeur est une artiste de guerre" et "Nous sommes tous des propagateurs", et ils me font déjà envie!

mercredi 24 août 2016

"L'instant d'après" (Sarah Rayner)


Un lundi matin, dans le Brighton-Londres de 7h44, un homme s'écroule, foudroyé par une crise cardiaque.
Au cours de la semaine qui suit, Karen, la veuve, doit faire face à son deuil brutal, organiser les obsèques et gérer ses deux enfants encore trop petits pour comprendre ce qui se passe.
Sa meilleure amie Anna, rédactrice publicitaire, fait de son mieux pour la soutenir tandis qu'elle-même se débat dans une relation foireuse avec un type beaucoup plus jeune et alcoolique.
Enfin Lou, qui était assise à côté de Simon au moment de sa mort et exerce le métier de psychologue pour ados à problèmes, prend conscience de la brièveté de la vie et se dit qu'il serait peut-être temps pour elle d'assumer son homosexualité...

C'est toujours délicat d'aborder un sujet comme le deuil sans sombrer dans l'émotion facile, et malheureusement, je ne trouve pas que Sarah Rayner y soit parvenue. Ecriture pas déplaisante mais plutôt fade, héroïnes gentillettes, situations convenues... Un bouquin trop lisse qui ne m'a absolument pas convaincue. 

dimanche 21 août 2016

"La vie étonnante d'Ellis Spencer" (Justine Augier)


Dans ce futur-là, en pays de Naol, le doute et le rêve sont interdits. L'hyperactivité est un impératif absolu. Les enfants grandissent équipés d'une puce électronique sous-cutanée contrôlant leur état de santé et leurs moindres gestes. Aussi, la trop discrète et chétive Ellis Spencer est un grand sujet d'inquiétude pour ses parents. Placée à l'Académie du Succès, une école censée la remettre dans le rang, elle découvre qu'elle est pas la seule à être marginale...

Parfois, on fait d'excellentes découvertes dans les bouquineries, des livres dont on n'avait jamais entendu parler et qu'on n'aurait pas découvert autrement. Ainsi ce roman jeunesse dont la couverture a attiré mon oeil hier chez Ramd'âm, à Namur: une dystopie cauchemardesque pour les introvertis comme moi, où les vrais livres et le glandouillage sont interdits, où l'on encourage les gens à sociabiliser en permanence, à gueuler tout ce qui leur passe par la tête et à avoir un comportement assertif à chaque seconde. Trop calme et réfléchie, Ellis, 12 ans, est traitée comme une handicapée mentale que ses parents ont écartée du reste de la famille et que les étrangers considèrent avec pitié. L'auteur pousse à l'extrême certaines des dérives actuelles de l'éducation et de la société en général pour mieux les épingler.

"Mr White a parlé de la grandeur d'un pays dans lequel personne ne perdait de temps et tout le monde tentait de maximiser et de rentabiliser ses ressources personnelles. Dans lequel chacun était responsable de son chemin vers le succès. Dans lequel tout était transparent et la vérité triomphante. Dans lequel il n'y avait pas de place pour la paresse ni pour l'oisiveté, pas de place pour l'assistanat ni pour les pensées secrètes."

Bien entendu, il y aura une tentative de révolution... qui s'achèvera, de manière un peu frustrante, par une fin ouverte alors qu'on aurait voulu voir comment la Résistance allait renverser la vapeur et ramener la Naol vers un mode de vie plus humain. Néanmoins, "La vie étonnante d'Ellis Spencer" reste un bon roman pour éveiller en douceur les jeunes consciences à de nombreuses questions politiques et philosophiques.

mercredi 17 août 2016

"Mangeur de feu" (Gérald Gorridge)


A Hanoï, Hoa doit rédiger un guide touristique consacré au pho (prononcer "feu-euh"), la soupe vietnamienne typique. Après avoir mangé dans son échoppe préférée, elle se rend chez Chef Didier qui a francisé la recette en remplaçant le boeuf par du foie gras. Tous deux se lancent dans de grandes suppositions sur les origines exactes du pho... 

Difficile de donner un avis global sur cette surprenante bédé culinaire. J'ai adoré la première partie qui s'attache à la confection du plat même, moins aimé l'histoire des marsouins cernés dans leur fort militaire et de la marchande de vivres peut-être traîtresse, et complètement décroché pendant le délire fantasmagorique sur le génie du pho qui clôture "Mangeur de feu".

Je dirais néanmoins que celui-ci vaut le coup d'oeil ne serait-ce que pour ses dessins magnifiques (mis en valeur par un très beau papier), son mélange de gourmandise et de sensualité, mais aussi l'éclairage culturel qu'il jette sur les rapports entre les langues française et vietnamienne. 

dimanche 14 août 2016

Mes envies pour la rentrée littéraire




ROMANS

"Le rouge vif de la rhubarbe" d'Audur Ava Olafsdottir: J'ai adoré les trois premiers romans traduits en français de cette auteure islandaise à l'écriture si délicate, dont les héros empruntent toujours des chemins de traverse en quête d'eux-mêmes. Et puis, comment un livre comportant le mot "rhubarbe" dans son titre pourrait-il ne pas me plaire? 

"Nos premiers jours" de Jane Smiley. Il y a très longtemps, j'ai lu et beaucoup aimé "Un appartement à New York" de la même auteure. Et surtout, les chroniques familiales qui se déroulent aux Etats-Unis sur plusieurs décennies, je suis toujours assez bonne cliente, surtout si l'éditeur les promet "émouvantes et fascinantes". 

"Les règles d'usage" de Joyce Maynard. Après la mort de sa mère dans les attentats du 11 septembre, une ado de 13 ans part quelques semaine en Californie où elle tente de se reconstruire grâce à ses lectures et ses rencontres. "Un roman d'initiation lumineux", ça aussi, ça fait partie du genre de promesses qui ne peuvent que m'attirer!

MANGA

"Perfect world" de Rie Aruga. Une nouvelle série qui raconte l'histoire d'amour entre une jeune femme valide et son ancien amour de lycée qu'elle retrouve près de dix ans plus tard, alors qu'il est en fauteuil roulant. J'aime quand les mangas abordent des sujets sociaux ou un peu difficiles et font évoluer la vision de leurs lecteurs; j'espère que ce sera le cas de celui-là. 

"Le mari de mon frère" de Gengoroh Tagame. Un papa célibataire qui élève seul sa petite fille voit un jour débarquer le mari de son frère jumeau décédé récemment. Canadien, le jeune veuf est venu faire un voyage identitaire dans la patrie de l'homme qu'il aimait... Un pitch qui me paraît extrêmement prometteur! 

Et vous, quels sont les titres de la rentrée littéraire que vous attendez avec impatience? 

mardi 9 août 2016

Pourquoi j'ai été déçue par "Harry Potter and the cursed child"


Au départ, je ne pensais pas lire "Harry Potter and the cursed child": ce n'était pas le 8ème roman de la saga, mais le script d'une pièce de théâtre, et je savais que ça me plairait forcément moins. Et puis le plan "Ayant épuisé l'histoire de la première génération de héros, intéressons-nous maintenant à leurs enfants" s'est toujours révélé un peu décevant pour moi. Mais après avoir lu les critiques dithyrambiques des premiers spectateurs de la pièce qui se joue actuellement à Londres, j'avoue, j'ai cédé à la hype et commandé le bouquin. Ce qui prouve bien qu'un comportement moutonnier est rarement une bonne idée. 

Car je suis peut-être la seule, mais je n'ai pas du tout aimé "Harry Potter and the cursed child". Passons sur le fait qu'effectivement, lire les dialogues et les indications scéniques d'une pièce, ce n'est pas du tout la même chose que lire un roman construit avec de longs passages narratifs - ça va beaucoup plus vite et c'est un peu l'équivalent littéraire de la barbe à papa, rien d'assez substantiel pour satisfaire mon appétit de lectrice. C'était annoncé dès le départ, et on ne peut pas reprocher à un cochon de ne pas faire "Meuh" (je me comprends).

Le vrai problème, c'est l'histoire. J'ignore quelle part J.K. Rowling a prise à sa conception, mais j'ai eu l'impression de lire une longue fanfic rédigée par des amateurs dont le seul but était de s'amuser en trouvant un prétexte pour réutiliser des personnages morts depuis 20 ans. Résultat: un scénario pas crédible pour deux sous dans lequel les protagonistes enchaînent des décisions aberrantes. Il arrive même un moment où Draco Malfoy devient plus sympathique que Harry Potter! Ce n'est pas "Harry Potter 8": c'est une farce pour enfants, dans le meilleur des cas. Une farce qui doit très bien donner au théâtre vu la profusion de scènes d'action magiques et/ ou spectaculaires, mais une farce qui, malgré quelques moments drôles ou émouvants, a totalement échoué à me convaincre.