mercredi 18 janvier 2017

"Pereira prétend" (Pierre-Henry Gomont)


Pereira est responsable de la page culturelle du journal indépendant Lisboa. Obèse et solitaire, il se nourrit presque exclusivement d'omelettes, tient de grandes conversations avec la photo de son épouse défunte et se donne beaucoup de mal pour ignorer les exactions de la police salazariste. Jusqu'au jour où ses interrogations religieuses le poussent à aller à la rencontre de Monteiro Rossi, un étudiant en philosophie engagé dans des activités dangereuses. La fréquentation du jeune homme va l'obliger bien malgré lui à ouvrir les yeux...

Je peux bien l'avouer: non seulement je n'ai pas lu le roman d'Antonio Tabucchi adapté ici en bédé par Pierre-Henry Gomont, mais je n'en avais même jamais entendu parler. En prose pure, l'histoire existentialiste de Pereira ne m'aurait d'ailleurs pas forcément passionnée. Ici, elle est sublimée par de magnifiques dessins où dominent le bleu violent du ciel portugais et l'ocre des rues de Lisbonne écrasées par le soleil. Un bien beau cadre pour une atmosphère de dictature d'autant plus tristement brutale et inquiétante qu'elle semble revenir à la mode dans de nombreux pays occidentaux. Mais je m'égare. 

"Pereira prétend", c'est le récit d'une prise de conscience presque fortuite: celle d'un homme barricadé en lui-même, uniquement préoccupé de littérature et de foi, dont l'indifférence au monde qui l'entoure confine parfois à la lâcheté. Un Monsieur Tout-le-monde un peu plus cultivé que la moyenne, qui refuse d'abord d'être mêlé à quelque activité subversive que ce soit mais se laisse néanmoins fasciner par ceux qui les exercent. Une série de rencontres et d'événements finit par le convaincre de s'arracher à son apathie et de devenir l'acteur de sa propre vie.

Je n'ai lu que du bien de ce roman graphique, et une fois n'est pas coutume, j'abonde absolument dans le sens des critiques. Beau et intelligent, "Pereira prétend" aborde des questions universelles avec une grande finesse psychologique et une parfaite maîtrise du récit. Il mérite une place de choix sur les étagères de tout bédéphile qui se respecte.



1 commentaire:

  1. Je viens de le fermer, j'ai les larmes aux yeux. Merci pour cette belle découverte !

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