Alma Whittaker naît avec le XIXème siècle à Philadelphie, d'un père anglais dont le talent de botaniste et la roublardise lui ont permis de faire fortune dans le commerce du quinquina et d'une mère qui tient de sa famille de l'Hortus Botanicus d'Amsterdam une formidable érudition ainsi qu'une rigueur toute hollandaise. A leurs côtés et au contact des éminents chercheurs qui gravitent autour d'eux, Alma acquiert une intelligence éclectique et l'amour de la botanique.
En grandissant, elle se passionne pour les mousses puis pour Ambrose Pike, illustrateur de génie. Comme elle, il cherche à percer les secrets de l'univers mais, à la logique scientifique d'Alma, il préfère une pensée ésotérique: un fossé qui les éloignera inexorablement et poussera enfin Alma à partir à la découverte du vaste monde. Alors que les terra incognita s'amenuisent de jour en jour, Alma explore les continents, la nature, la société dans laquelle elle vit et son propre corps - de l'infiniment grand à l'infiniment petit.
J'ai longtemps hésité avant d'acheter ce roman d'Elizabeth Gilbert. J'avais adoré son mémoire "Mange, prie, aime" pour sa grande sincérité et son côté hyper inspirant, mais l'écriture en elle-même ne m'avait pas marquée, et je craignais que l'auteure n'excelle pas dans le registre de la fiction. Sans compter que la botanique n'est pas un sujet qui m'inspire beaucoup à la base. Mais à force de lire des critiques dithyrambiques sur "L'empreinte de toute chose", j'ai fini par craquer. Résultat: une des lectures les plues prenantes de cette année 2014.
Par où commencer pour expliquer le plaisir que m'a procuré ce roman? D'abord, contrairement à ce que je craignais, le style est magnifique, assez recherché pour refléter l'époque à laquelle l'histoire se déroule et néanmoins d'une grande fluidité. Ensuite, j'ai été très agréablement surprise par la variété des sujets abordés. Elizabeth Gilbert a dû passer un temps considérable à se documenter pour écrire "L'empreinte de toute chose". Qu'elle évoque les expéditions du capitaine Cook, le courant abolitionniste ou l'évolution de la pensée scientifique au XIXème siècle, elle prend toujours soin de respecter la vérité historique et d'intégrer ces éléments à son récit de façon à instruire le lecteur sans l'ennuyer.
Cette plume déliée et ce foisonnement d'informations se mettent au service d'un destin exceptionnel, celui d'une femme à l'esprit remarquable mais au caractère parfois égoïste et intransigeant. Naturaliste émérite au physique peu avenant, Alma Whittaker est tourmentée d'abord par un amour à sens unique, puis par des appétits charnels d'autant plus dévorants qu'elle n'a personne avec qui les assouvir. La seule chose qu'elle sait faire, c'est vivre en recluse dans la propriété familiale où elle mène d'inlassables recherches sur les mousses. Il lui faudra attendre d'avoir, à l'aube de la cinquantaine, perdu presque tous ses proches pour renoncer à ses possessions matérielles et s'embarquer sur un navire à destination de l'autre bout du monde. A l'âge où la plupart des gens considèrent leur vie comme déjà faite et se contentent de poursuivre sur leur lancée, Alma remet courageusement en question jusqu'à ses certitudes les plus intimes. Et bien que son histoire soit très éloignée de la mienne, son cheminement a su me captiver et m'émouvoir.
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