dimanche 27 octobre 2013

"L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea"




Avec sa couverture qui fait saigner les yeux, ce premier roman d'un ancien DJ-traducteur-steward et actuellement lieutenant de police en région parisienne est un peu l'OVNI de la rentrée littéraire 2013. Au 10 octobre, lorsque je l'ai acheté à la faveur d'une dédicace chez Filigranes, il en était déjà à sa 10ème réimpression, et plusieurs boîtes de prod se battaient pour acheter les droits d'adaptation au cinéma. Quand j'ai entendu Romain Puértolas - un type charmant, très propre sur lui et débordant de gentillesse - expliquer qu'il l'avait écrit sur son smartphone en 3 semaines, pendant ses trajets quotidiens en RER pour se rendre à son travail, j'ai commencé à avoir peur. J'ai pensé que le phénomène littéraire du moment était sans doute une énorme bouse dopée aux bons sentiments, et que j'allais m'ennuyer ferme. 

"L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, c'est une aventure rocambolesque et hilarante aux quatre coins de l'Europe et dans la Libye postkadhafiste, une histoire d'amour plus pétillante que le Coca-Cola, mais aussi le reflet d'une terrible réalité: le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle", affirme l'éditeur. Rocambolesque assurément, puisque le héros poursuivi par un Gitan qu'il a arnaqué se retrouve ballotté malgré lui d'un pays à l'autre dans des véhicules aussi divers qu'une armoire Ikea, une malle Vuitton ou une montgolfière qui fera naufrage. En chemin, il se lie d'amitié aussi bien avec des clandestins soudanais qu'avec une star du cinéma, rencontre l'amour devant une assiette de boulettes suédoises et écrit un roman à l'aveuglette dans la soute d'un avion. 

Hilarante, par contre... bof. J'ai trouvé l'humour souvent forcé: "Marie, de son côté, reposa le combiné, comme nous l'avons déjà dit, dévorée par les flammes d'un feu sauvage, phrase qui ne veut pas dire grand-chose mais possède une force littéraire métaphorique des plus efficaces, ainsi qu'une allitération en "f" non négligeable." Et puis tous ces noms étrangers basés sur des jeux de mots, c'est d'une lourdeur! Le style, empreint de la maladresse d'un auteur débutant, aurait gagné à être quelque peu remanié en aval de la chaîne de production éditoriale. En pensée, j'ai souvent saisi mon crayon rouge pour corriger une phrase grammaticalement incorrecte, supprimer des répétitions ou rectifier des choix de verbes malencontreux. 

Quant aux bons sentiments, en effet, ce roman en déborde. Mais est-ce forcément un mal? Je ne le pense pas. Au milieu d'une histoire dont la tonalité se veut globalement drôle et légère, la question des immigrants illégaux est abordée sans sensiblerie excessive, avec une humanité et une bienveillance dont de nombreuses personnes feraient bien de s'inspirer actuellement. Rien que pour ça, je comprends et me réjouis du succès de "L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea".

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