samedi 29 octobre 2011

"De mal en pis"



Sherman voudrait devenir écrivain et passe son temps à pester contre son job de vendeur dans une librairie, mais ne fait rien pour en changer. Jane peine pour finir la biographie illustrée qu'elle espère publier un jour. Stephen est un prof d'histoire au physique de tueur en série et au coeur de nounours en guimauve. Ed rêve de s'échapper de la quincaillerie familiale pour publier son premier comics - oh, et aussi, de perdre son pucelage. Dorothy a un job prestigieux mais un tempérament instable et bordélique, ainsi qu'un sérieux problème avec l'alcool. Tous démarrent dans la vie d'adulte en tâtonnant pas mal. Certains vivent un bel amour évident tandis que d'autres enchaînent les déboires relationnels. L'arrivée dans leur vie d'un vieux dessinateur de super-héros qui s'est fait flouer de ses droits par son éditeur va révéler leurs travers les plus honteux comme leurs qualités les plus attachantes.

"De mal en pis", c'est un énorme pavé d'Alex Robinson. 600 pages de tranches de vie d'une longueur variable, entrecoupées d'interludes durant lesquels chacun des personnages répond à une question telle que "Avec qui aimeriez-vous bruncher?", "Quel est l'endroit le plus insolite où vous ayez fait l'amour?" ou "Si vous pouviez changer un détail de votre apparence, lequel choisiriez-vous?". L'auteur est extrêmement doué pour nous faire entrer dans la tête de ses personnages et susciter une forte empathie vis-à-vis d'eux, y compris lorsqu'ils sont odieux. Il retranscrit très bien les doutes et les hésitations qui accompagnent la naissance d'une relation amoureuse, et j'ai souvent eu le coeur serré par les passages les plus durs de son roman graphique. Un conseil: si vous lisez "De mal en pis", faites bien attention aux petits détails qui paraissent sans importance sur le coup, car ils en prendront une plus tard. Ainsi, cette jeune fugueuse qui apparaît de loin en loin sans qu'on sache trop ce qu'elle fait là, et qui connaîtra une fin particulièrement tragique, s'avère au final avoir un lien très important avec l'un des personnages principaux. Je pourrais encore vous vanter la beauté des dessins en noir et blanc d'Alex Robinson et son sens merveilleux de la composition, ou la virtuosité avec laquelle il joue sur toute la gamme des sentiments humains; je pourrais aussi faire valoir la qualité de la traduction de Sidonie Van den Dries, mais je craindrais de retarder le moment où les amateurs de bédé parmi vous fonceront chez leur dealer local ou se connecteront à Amazon pour commander "De mal en pis". Vous aurez rarement aussi bien investi une petite trentaine d'euros.

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