lundi 5 mars 2018

"4 3 2 1" (Paul Auster)


C'est l'histoire d'un mec... Non, en fait, ce sont LES histoires alternatives d'un même mec, un descendant d'immigrés russes et polonais nommé Archie Ferguson qui naît dans la banlieue de New York en 1947. Son père - taciturne, bosseur et loyal - tient un magasin d'électroménager en compagnie de ses deux bons à rien de frères aînés. Sa mère - vive et pleine de charme - est une photographe de talent qui ne pourra plus avoir d'autres enfants après lui. Mais à partir de là, la vie d'Archie prend quatre chemins différents selon la manière dont se résoud un drame familial survenu alors qu'il n'est qu'un petit garçon. Il y aura des constantes dans sa vie: la place tenue par la famille Schneiderman et surtout leur fille Amy, l'attrait de Ferguson pour le baseball, ses capacités d'écriture qui le pousseront tantôt vers le journalisme, la poésie ou le roman. Il y aura aussi de grandes variables selon l'université qu'il fréquentera (ou pas), les accidents qui lui arriveront, les opportunités amoureuses qui se présenteront à lui. Mais dans chaque version de son histoire, ce jeune homme qui a une conscience aiguë de lui-même et se trouve parfois bien embarrassé dans ses rapports aux autres est le témoin des grands bouleversements survenus dans l'Amérique des années 50 et 60. 

J'ai un drôle de rapport avec l'oeuvre de Paul Auster: j'en adore une moitié et je déteste l'autre - ses écrits les plus expérimentaux, les plus intellectuels, les plus obscurs. Je l'aime quand il me raconte une véritable histoire avec son style bien particulier, ses longues phrases jamais ampoulées qui font que le regard dévale les pages à toute allure, ses réflexions ultra-introspectives et l'attention exquise portée aux plus minuscules détails de la vie de ses personnages. "4 3 2 1" rentre définitivement dans cette catégorie... et peut-être même un peu trop, ai-je pensé dans les premières centaines de pages de ce roman-fleuve qui en compte plus de mille en grand format très dense. Si je suis très fan du genre "uchronie personnelle", je ne voyais pas bien l'intérêt de raconter quatre existences au fond assez semblables, et qui surtout, diffèrent les unes des autres non pas en raison des choix faits par le héros, mais de circonstances qui échappent tout à fait à son contrôle. Je me demandais ce que faisait l'auteur, ce qu'il cherchait à prouver. La réponse à cette question ne m'est apparue que dans les toutes dernières pages: Paul Auster faisait du Paul Auster, de la mise en abyme basée sur le pouvoir de démiurge de l'écrivain. C'est son grand truc, celui qui finira peut-être par me lasser un jour. Mais toujours pas cette fois.

Traduction de Gérard Meudal

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