vendredi 20 février 2015

"Alors voilà"


Je suis hypocondriaque et les hôpitaux me terrifient. Ce qui ne faisait pas franchement de moi la lectrice idéale pour les mémoires à peine romancées d'un interne urgentiste.

D'ailleurs, ce bouquin tiré d'un blog à succès, j'en avais entendu parler à l'époque de sa sortie en grand format, et je l'avais studieusement ignoré. Et puis hier, je cherchais quelque chose de rapide et de pas trop prise de tête à lire dans le train; sans trop savoir pourquoi, j'ai jeté mon dévolu sur "Alors voilà" qui venait de sortir en poche. 

Résultat: un grand huit émotionnel de quatre heures - le temps qu'il m'a fallu pour lire d'une traite cette collection d'anecdotes tantôt hilarantes et tantôt dramatiques, ces portraits de soignants magnifiquement humains. Et au fil de ces heures, l'hôpital cessait d'être pour moi un lieu mortifère pour devenir un organisme grouillant de vie, d'inquiétude et d'espoir, de souffrance mais aussi d'apaisement, de compassion et de formidable dévouement.

Baptiste Beaulieu a la fraîcheur de ses vingt-sept ans, la sensibilité de quelqu'un qui a déjà perdu des proches et traversé un enfer personnel, l'humour noir d'un futur médecin confronté chaque jour à des situations tragiques, une immense bonne volonté qui le motive à secourir son prochain, un désespoir né de son impuissance occasionnelle qui le pousse à s'étourdir pour oublier, et le talent pour raconter tout cela d'une façon absolument sincère, avec un mélange de tendresse et de cynisme, d'empathie et de révolte. 

Je suis hypocondriaque et les hôpitaux me terrifient. Ce qui, curieusement, faisait de moi la lectrice idéale pour "Alors voilà". 

"Frottis a des considérations alimentaires bien à elle: je l'ai déjà vue empiler des parts de pizza les unes sur les autres et engloutir le tout en quelques secondes. 
- Que fais-tu? 
- Un régime. Si tu entasses les parts comme ça, en pyramide, l'estomac ne s'en rend pas compte. 
Elle pense rentrer dans son maillot l'été prochain, mais je ne suis pas convaincu de sa réussite. 
Je lui parle de la patiente de la chambre 7:
- Fabienne est persuadée que c'est bientôt fini. 
Je n'aime pas le mot "mort". On ne meurt pas: on chevauche un étalon arc-en-ciel qui vous emmène faire du rodéo dans les nuages au son de Lucy in the sky with diamonds
Vous l'ignoriez? Si on a été sage, les Beatles sont là pour nous faire passer dans l'au-delà. 
Sinon, pour les salauds, quelqu'un vous attend en chantant Elles sont cuitas, les bananas."

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