mardi 29 décembre 2015

"Avant l'ouragan" (Jewell Parker Rhodes)


En Louisiane, tout le monde croit aux esprits. Lanesha, elle, a le don de les voir. 
"Tu es comme moi, ma chérie, tu as un don de double vue", lui a expliqué Mama Ya-Ya, la sale-femme qui l'a recueillie à sa naissance. 
Mama Ya-Ya savait qu'un ouragan approchait, bien avant que la radio et la télévision n'en parlent. 
Les dégâts seront incommensurables, répète le présentateur. Tous les habitants de La Nouvelle-Orléans doivent quitter la ville. 
Mama Ya-Ya est très âgée et ne possède pas de voiture, alors Lanesha a fait des provisions d'eau et de nourriture et cloué des planches sur les fenêtres. Elle ne sait pas ce qui l'attend, mais elle se prépare de toutes ses forces à survivre. 
Avec TaShon, le fils des voisins, avec le chien Spot qu'ils viennent d'adopter ensemble. 
Avec le fantôme silencieux de sa mère, qui est venu pour l'aider. 
Avec l'amour de Mama Ya-Ya, qui est incommensurable. 

C'est décidément de la littérature jeunesse que seront venus mes plus belles surprises en cette fin d'année.
Dans le District Neuf, un des quartiers les plus pauvres de la Nouvelle-Orléans (et de ceux qui ont le plus souffert du passage de l'ouragan Katrina), Lanesha est une orpheline de douze ans, rejetée par la famille riche de sa mère et élevée par une vieille femme qui voit des signes partout. Bonne élève, elle veut devenir ingénieure pour construire des ponts. Elle n'a pas d'amis, ni de beaux vêtements ou de jouets coûteux, mais jette un regard curieux et émerveillé sur tout ce qui l'entoure. C'est une héroïne touchante, pleine de volonté et d'espoir en toutes circonstances. Sa relation avec Mama Ya-Ya est magnifique, et le fait de voir les esprits lui confère beaucoup de sagesse et de sérénité par rapport à la mort.
Bien qu'a priori destiné aux 9-11 ans, "Avant l'ouragan" m'a remuée de la meilleure des façons avec son message positif et l'extraordinaire élan de vie qui le traverse de bout en bout. Je le recommande sans aucune modération, aux petits comme aux grands.

"- La météo annonce une grosse tempête, peut-être un ouragan. Qu'est-ce que j'avais dit? dit Mama Ya-Ya en éteignant le feu sous une casserole. Je le sentais. J'ai vu les oiseaux quitter leurs arbres, j'ai vu que l'eau mettait du temps à bouillir. Rentre tout de suite après les cours, Lanesha. Je vais avoir besoin de toi pour acheter des réserves. Du lait, du pain, du riz, des haricots et des bouteilles d'eau. 
- Tu crois que ce sera un autre Betsy? 
Avant ma naissance, l'ouragan Betsy a ravagé La Nouvelle-Orléans. J'ai vu des images d'archive au journal télévisé. Les gens n'avaient même plus d'eau potable ni de nourriture. Mama Ya-Ya nous veut prêtes à toute éventualité. 
Spot s'assied et mendie auprès de Mama Ya-Ya. Il a déjà eu son petit déjeuner mais elle lui donne un morceau de pain grillé, puis dépose une assiette devant moi. Fascinée par les couleurs vives de l'oeuf retourné, je perce le jaune et observe la rivière baveuse qui tourbillonne, puis l'arrose de sauce piquante rouge." 

"Au déjeuner, je mange un sandwich au thon et un jus de pomme à ma table. Je l'appelle "ma table" car personne ne vient se joindre à moi. Cependant, à l'inverse de TaShon, je n'essaie pas d'être invisible. Je suis installée au beau milieu de la cantine. Je n'ai pas honte de moi-même. En cours, c'est la même histoire: mes camarades m'évitent comme la peste. Dans mon ancienne école, lorsque les professeurs obligeaient un élève à se mettre à côté de moi, il se mettait à hurler: "Je ne veux pas, je ne veux pas!". 
Mes professeurs, croyant voir que la situation ne me dérangeait pas, ont fini par laisser tomber. En réalité, l'attitude de mes camarades me blesse, mais par fierté, je n'en montre rien. Au déjeuner, je lis; en classe, je me concentre sur le professeur et le tableau. J'efface de mon champ de vision les élèves et préfère imaginer que ce sont des fantômes, eux aussi."

lundi 28 décembre 2015

"L'île Louvre" (Florent Chavouet)


Après une brève incursion dans la fiction avec "Petites coupures à Shioguni", Florent Chavouet revient au style d'album descriptif qui l'a fait connaître. Cette fois, cependant, nous ne sommes pas au Japon mais dans le plus grand musée du monde, dont l'auteur a longuement exploré les coulisses et observé les visiteurs. On retrouve avec bonheur le charme de ses dessins aux crayons de couleur et de ses perspectives fabuleuses. On rit des remarques savoureuses ou absurdes qu'il a relevées. ("Bonjour, où est Le dernier soupir, s'il vous plaît?" "Vous voulez dire Le dernier souper ou La Cène, je suppose. Ce tableau est à Milan, en Italie." "Oui oui c'est ça. Mais c'est où Milan sur le plan?") "L'île Louvre" est donc un bon album, dont j'avoue néanmoins qu'il ne me laissera guère de souvenirs tant son sujet de base m'intéressait peu. Mais les amateurs de musées et d'art classique devraient adorer.




samedi 26 décembre 2015

"La passe-miroir T1: Les fiancés de l'hiver" (Christelle Dabos)


Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers: elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l'arche d'Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. A quelle fin a-t-elle été choisie? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d'un complot mortel

Ouah. 
OUAH. 
OUAAAAAAAAAAH. 
Pour un peu, j'en perdrais ma capacité à former des phrases cohérentes. 
Je ne comprends pas comment j'ai attendu si longtemps pour découvrir le premier tome de "La passe-miroir", lauréat du concours du premier roman jeunesse organisé en 2012-2013 par Gallimard. J'avais bien aperçu quelques critiques dans divers blogs de lecture, et Amazon me le recommandait avec insistance, mais j'ai fait une indigestion de fantasy il y a bien longtemps, et depuis, je suis devenue très, très sélective sur mes lectures en la matière. Au cours de la dernière décennie, seuls ont trouvé grâce à mes yeux la série des Kushiel de Jacqueline Carey et celle des Salauds-Gentilhommes de Scott Lynch. Alors, de la fantasy jeunesse écrite par une auteure française, ça ne m'attirait pas plus que ça a priori.

Et puis, par curiosité et parce que je ne cessais d'en entendre beaucoup de bien, je me suis plongée dans les 500 pages des "Fiancés de l'hiver". Et dès le premier chapitre, j'ai été complètement happée par l'univers riche et original de Christelle Dabos. La Terre, ronde autrefois, a volé en éclats pour donner naissance à différentes arches, mondes fragmentaires sur lesquels règnent des esprits de famille immortels. Les descendants humains de ces esprits sont dotés de pouvoirs qui diffèrent sur chaque arche, voire à l'intérieur de chaque clan. Ainsi, sur Anima, ce sont des animistes qui communiquent avec les objets et savent les faire se mouvoir par leurs propres moyens. Au Pôle, on trouve les Dragons capables de donner des coups de griffes mentaux, les Mirages qui sont des créateurs d'illusions ultra-réalistes, et bien d'autres encore qu'on ne découvre qu'au fil des chapitres.

Dans ce monde steampunkisant complexe évolue Ophélie, une héroïne très différente de celles qu'on trouve habituellement dans les romans de fantasy: maladroite en diable depuis un accident de miroir survenu alors qu'elle avait 13 ans, toujours vêtue de vieux habits élimés, de bottines dépareillées et d'une immense écharpe-golem qui se comporte comme un chat, si discrète qu'on l'entend à peine quand elle parle, pas romantique pour deux sous mais terriblement obstinée sous son apparente fadeur. Elle est entourée de personnages secondaires tout aussi bien campés: Thorn, son taciturne et mystérieux fiancé dont elle ne parvient pas à comprendre les motivations; la tante Berenilde, favorite d'entre les favorites, la beauté et le charme incarnés mais une redoutable manipulatrice; l'ambassadeur Archibald, déroutant de franchise et dont le passe-temps favori consiste à cocufier tous les époux de son entourage; Renard, le valet roux intéressé mais bon camarade; Gaëlle, la mécanicienne qui a de bonnes raisons de dissimuler un de ses yeux en permanence...

Outre cet univers passionnant et ces personnages formidables, "Les fiancés de l'hiver" possède deux énormes atouts. D'abord, une intrigue savamment tissée. Prise dans les manigances de la cour du Pôle, Ophélie ignore à qui elle peut se fier; les gens les plus attentionnés envers elle nourrissent souvent des intentions cachées, tandis que ceux dont elle se méfie au premier abord se révèlent des alliés potentiels - ou pas. Nul n'est tout noir ou tout blanc: chacun sert ses propres intérêts, et pour une étrangère au Pôle, il est très difficile d'en démêler les fils. Ensuite, Christelle Dabos écrit fichtrement bien, avec un style maîtrisé et plein de fantaisie qui fait jaillir les images sous les yeux du lecteur. Sa façon d'employer ça et là de vieux mots un peu désuets donne énormément de saveur à la narration. Bref, vous l'aurez compris, je suis totalement sous le charme de "La passe-miroir", qui ne m'a tenu trois jours que parce que je bossais en même temps et me forçais à me rationner. C'est certainement ma meilleure lecture de l'année, et une des meilleures lectures de fantasy de ma vie. Avant même de rédiger ce billet, je l'avais déjà fait acheter à trois personnes de mon entourage. Quant à moi, je dois patienter jusqu'à début janvier pour lire le tome 2 paru en novembre dernier. 

mercredi 23 décembre 2015

"Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une" (Raphaëlle Giordano)


Camille, trente-huit ans et quart, a tout, semble-t-il, pour être heureuse. Alors pourquoi a-t-elle l'impression que le bonheur lui a glissé entre les doigts? Tout ce qu'elle veut, c'est retrouver le chemin de la joie et de l'épanouissement. Quand Claude, routinologue, lui propose un accompagnement original pour l'y aider, elle n'hésite pas longtemps: elle fonce. A travers des expériences étonnantes, créatives et riches de sens, elle va, pas à pas, transformer sa vie et repartir à la conquête de ses rêves...

Coach en créativité et en développement personnel, auteur de "Mon carnet de coaching 100% bonheur", Raphaëlle Giordano a eu l'excellente idée de proposer un tour d'horizon assez exhaustif des méthodes permettant de prendre sa vie en main pour plus de bien-être et de bonheur - ceci, non pas sous la forme un peu barbante d'un manuel, mais sous celle d'une thérapie romancée et ultra-ludique. On peut très facilement s'identifier à Camille qui, sans avoir de réel problème, a laissé la pression du quotidien éteindre sa joie de vivre en minant ses relations avec son mari et son fils, ou en la maintenant dans un boulot qui ne l'excite plus. Bien que sceptique à la base, elle va se prêter au jeu et, malgré les moments de découragement, franchir un à un les obstacles qui la séparent d'une meilleure version d'elle, plus sereine et épanouie. A la fin, un vade-mecum récapitule toutes les méthodes abordées afin que le lecteur puisse s'y référer plus facilement. 

Soyons honnêtes: j'ai bien failli être rebutée, d'abord par le titre à rallonge vaguement sentencieux, puis par les trente premières pages que j'ai trouvées atrocement mal écrites, avec entre autres défauts une profusion d'images toutes moins judicieuses les unes que les autres. Mais dès qu'on entre dans la thérapie de Camille proprement dite, "Ta deuxieme vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une" devient franchement intéressant. C'est une excellente première approche du développement personnel pour les néophytes, un moyen de dédramatiser le concept et de le rendre accessible à tous. Sans aller jusqu'à chambouler sa vie de fond en comble comme Camille le fait au fil des pages, chacun pourra y piocher les méthodes les plus appropriées à son cas, les explorer davantage sur internet ou par le biais d'ouvrages spécifiques, voire les mettre en application seul.

"- Pour l'instant, agissez déjà sur votre vie de couple, devenez moteur de la relation, donnez plus!
- On en revient un peu à la case départ, vous ne trouvez pas? Pourquoi ce serait toujours à moi de faire des efforts? Pourquoi pas lui? 
- Parce que nourrir positivement la relation vous reviendra au centuple. "Faire du bien aux autres, c'est de l'égoïsme éclairé", disait Aristote. Et puis, pensez que pour l'instant, c'est vous qui avez un temps d'avance en développement personnel. C'est donc à vous de lui montrer le chemin. Peut-être aussi vous est-il plus naturel de prendre des initiatives? (...) Convenez que mieux vaut renoncer à être dans le classique duel du "qui fait quoi", cette compétitivité négative pour déterminer lequel, dans le couple, est le plus méritoire. (...) Partez du principe que l'autre essaie de donner le mieux de ce qu'il peut dans la relation à l'instant T, et retenez ce qu'il apporte de positif au lieu de vous concentrer sur ce qui vous déçoit, parce que ça ne correspond pas tout à fait à vos attentes. On récolte ce que l'on sème. (...) Semez du reproche, et vous récolterez rancoeur et désenchantement. Semez de l'amour et de la reconnaissance, et vous récolterez tendresse et gratitude."

lundi 21 décembre 2015

"Ce qui était perdu" (Catherine O'Flynn)


1984. Kate Meany est une petite fille hors du commun. Au lieu de fréquenter les enfants de son âge, elle joue les apprenties détective avec sa peluche dans les rues de Birmingham et les allées de Green Oaks, le tout nouveau centre commercial. Le reste du temps, elle s'amuse avec son seul ami, un jeune homme qui travaille dans un magasin du quartier, à scruter les clients et imaginer leurs troubles secrets. Jusqu'au jour où elle disparaît...
2003. Depuis des années, Kurt, agent de sécurité, contemple les masses somnambuliques venues tromper leur ennui ans l'immense centre commercial. Une nuit, il aperçoit l'image furtive d'une petite fille sur un écran de contrôle. Lisa, employée chez un disquaire, trouve quant à elle une peluche dans un couloir de service. Ensemble, ils se lancent à la recherche de la fillette. Dans les entrailles labyrinthiques de Green Oaks, ils vont tenter de retrouver ce qui était perdu: l'enfance, l'innocence, l'envie de vivre. 

Pendant les cent premières pages, je me suis passionnée pour les aventures urbaines de Kate Meany. Cette fillette solitaire, pas très chanceuse dans la vie mais attachante de par sa vocation précoce d'enquêteuse, me faisait penser à une petite Fantômette obstinée. Du coup, sans être vraiment léger, "Ce qui était perdu" remuait alors en moi une nostalgie de l'enfance dont je ne suis pourtant pas coutumière, et je trouvais sa lecture plutôt agréable.

Puis le roman a fait un bond de vingt ans dans le futur pour devenir une sorte de docu-fiction sur l'aliénation des temps modernes, ayant pour cadre les couloirs d'un gigantesque centre commercial où clients  et employés errent en traînant les pieds comme des zombies. Et j'ai commencé à le trouver très juste, mais aussi très plombant. Seules lueurs dans sa monotonie abrutissante: les apparitions qui louchaient du côté de l'histoire de fantôme.

Si j'ai beaucoup aimé les deux parties chacune pour ses propres mérites, j'ai du mal à considérer l'ensemble comme un tout cohérent. Surtout vers la fin, lorsque des fils oubliés depuis belle lurette se rattachent in extremis pour expliquer la disparition de Kate - même si celle-ci hante en filigrane toute la seconde moitié de l'histoire. J'ai conscience que la différence de ton est justement là pour exprimer d'une part l'innocence de l'enfance et d'autre part la désillusion de l'âge adulte, mais de mon point de vue, le contraste entre les deux est trop brutal. Malgré cela, le premier roman de Catherine O'Flynn m'a fait une très forte impression - assez pour que je jette un coup d'oeil à ce que l'auteure a écrit ensuite.

"D'après Adrian, quiconque demandait des bonbons citron-chocolat était un assassin: il les avait lui-même en horreur et pensait que personne ne pouvait à la fois vivre dans le respect des lois et aimer une combinaison aussi improbable. "Ces gens-là vivent en dehors des normes de la société, Kate. Leur boussole morale est devenue complètement folle. Ils n'ont plus de repères." (...) Kate s'efforçait de fonder ses soupçons sur des éléments plus tangibles, mais elle-même ne pouvait s'empêcher de nourrir des doutes sur les mangeurs de chips aux crevettes. Ils s'accordaient pourtant sur le fait que dans l'ensemble, les acheteurs de Kit Kat étaient du côté des forces du bien."

"Il y avait quelque chose dans l'atmosphère de Green Oaks qui rendait tout le monde accro à la fadeur artificielle et aux calories de la nourriture reconstituée. Certains de ses collègues y laissaient tellement d'argent qu'elle se demandait s'il ne serait pas plus simple pour eux d'être payés toutes les semaines en injections intraveineuses d'amidon modifié et de graisses hydrogénées. Elle imaginait sans trop de peine des employés élevés en batterie, sous perfusion, avant d'être flanqués derrière un comptoir, et Crawford se frottant les mains devant l'augmentation du rendement."

samedi 19 décembre 2015

"Un bébé à livrer" (Benjamin Renner)


J'avais A-DO-RE "Le grand méchant renard" de Benjamin Brenner. Je ne compte plus le nombre de personnes qui l'ont acheté sur mes recommandations enthousiastes. Alors, quand j'ai vu que l'auteur sortait un nouvel album avec, encore une fois, des animaux ni super futés ni super doués comme héros, je me suis jetée dessus. 

"Un bébé à livrer", c'est l'histoire d'un canard et d'un lapin qui, pour leur plus grand malheur, croisent une cigogne à l'aile cassée. Celle-ci leur confie une mission: livrer à sa place le bébé qu'elle apportait à ses futurs parents, en Avignon. Le problème, c'est que nos deux compères ne savent même pas dans quelle direction se trouve cette ville, et à plus forte raison comment s'y rendre. Ils tentent bien de refiler le nourrisson à leur pote le cochon râleur, mais celui-ci accepte seulement de les accompagner. A partir de là, les mésaventures vont s'enchaîner à toute vitesse...

A toute vitesse, certes, mais sans m'amuser une seule seconde. Je voulais aimer "Un bébé à livrer", je voulais vraiment. Mais alors qu'il est long comme un jour sans pain, ses gags ne m'ont arraché un vague sourire que dans les planches ci-dessous. Je n'ai retrouvé ni la drôlerie, ni le message social qui m'avaient tant séduite dans "Le grand méchant renard". Sans eux,  ce gros album pas franchement donné m'a juste paru ennuyeux à mourir. Puis j'ai découvert qu'il s'agissait d'une réédition d'un vieil album, et tout s'est éclairé: on y retrouve bien les bases qui font la qualité du "Grand méchant renard"; simplement, elles ne sont pas encore abouties. 




vendredi 18 décembre 2015

"Le journal de Frankie Pratt" (Caroline Preston)


1920. Frankie Pratt a 18 ans. Elève prometteuse, lectrice avertie, la jeune fille rêve de devenir écrivain. Avec une machine à écrire Corona et une fantaisie d'archiviste, elle se lance dans le récit de ses aventures sous forme de scrapbook. Tour à tour étudiante, danseuse de charleston amateur, rédactrice de potins à grand tirage, amoureuse éperdue de mauvais garçons, elle nous entraîne dans son sillage du New York de la Prohibition au Paris des Années Folles. 

Mélange de carnet intime et d'art journal à base de collages de documents d'époque, ce roman graphique est un vrai régal pour les yeux. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les aventures de l'héroïne, sa vie modeste d'orpheline de père dans une bourgade rurale, son béguin pour un homme plus âgé qu'elle et déjà marié, son entrée dans une université prestigieuse où elle tombe sous la coupe d'une amie riche et charismatique, sa découverte de New York et de la vie d'adulte, les plaisirs dont elle profite avec insouciance, sa traversée de l'océan dans la cabine de 3ème classe d'un énorme paquebot, les rencontres qu'elle y fait, son installation à Montmartre où elle interviewe Hemingway et fréquente une pléthore d'artistes fauchés... J'ai adoré le comportement émancipé de Frankie, son appétit de vivre et de découvrir des choses, ses observations sur le monde et les gens qui l'entourent. Bien que j'aie un peu regretté une fin assez convenue (et néanmoins logique pour l'époque), dans l'ensemble, cet ouvrage désormais disponible en version poche reste un plaisir de lecture à ne pas bouder, surtout si vous avez comme moi un faible pour les années 20!